Alicia Kazobinka en sait quelque chose, elle qui a amorcé son processus de transition en 2016 et qui figure parmi les rares femmes trans noires du Québec.
Alicia, quelle est la réalité vécue par les femmes trans noires au Québec?
C’est une triple marginalisation que d’être une femme, d’être trans et d’être Noire. Dans mon cas, je ne sais jamais sur quoi je suis jugée. Puis, beaucoup de gens, lorsqu’ils rencontrent pour la première fois une personne trans, posent tellement de questions maladroites que ça crée des malaises. On se sent souvent comme des bêtes de cirque ou encore des objets de fantasmes sexuels. On est très objectivées, mais on a un cœur et une vie normale.
Quelles sont ces questions maladroites qui vous sont le plus souvent posées?
On me demande parfois quelle partie génitale j’ai entre les jambes… (soupir) Sinon, les gens me demandent souvent mon nom, et je réponds «Alicia», mais ils insistent pour connaître mon «vrai nom», alors que je l’ai changé légalement. Certains pensent qu’il s’agit d’un nom d’artiste, comme si ma transition était une mise en scène et non la réalité. On ne nous prend pas au sérieux et on n’accepte pas notre genre, ce qui est déplorable.
Selon vous, quel devrait être le rôle des médias dans la lutte contre le racisme et la transphobie?
Un rôle d’éducation et de représentation. En donnant plus de place et de visibilité aux personnes trans et aux personnes racisées, ça permettrait de démontrer la réalité actuelle du Québec, qui est métissée, et de faire en sorte que tous se sentent inclus dans le dialogue. Parce qu’en ce moment, on ne se reconnaît pas, nous, les gens issus de la diversité. Mais j’ai été super contente de voir une femme trans à l’émission Occupation Double. Ç’a ouvert la discussion sur le sujet, et ç’a permis d’en parler et d’éduquer les gens.
À lire aussi:
- Jennifer Abel: modèle de persévérance et d’optimisme
- La très touchante lettre de Carla Beauvais à sa fille
- Noémi Mercier: « la diversité est une richesse »
Photo: Andréanne Gauthier