Cartes postales de confinement

27 Juil 2020 par Émilie Villeneuve
Catégories : Oser être soi
Icon

À l’heure où nous étions tous confinés, ces femmes d’exception ouvraient déjà largement leur esprit pour réfléchir au sens de cette pandémie.

Louise PortalLouise Portal

Introspective et sensible, elle nous parle de gratitude et de l’importance de rester optimiste.

Comment allez-vous? Bien. Je trouve que cette période nous permet d’entrer en nous-même pour faire un bilan. Je suis contente d’avoir 70 ans. Je trouve que c’est un privilège d’être encore en vie et en santé, alors j’essaie d’honorer la vie et de trouver, dans mes élans créatifs, des façons de traverser ce confinement.

Comment occupez-vous votre temps? J’essaie de faire en sorte que chaque journée soit la plus belle possible. Je lis beaucoup. Je dessine des marque-pages à colorier que je poste à ceux que j’aime pour mettre de la couleur dans leur vie et me manifester dans quelque chose de beau, de positif. Et pour ne pas perdre la notion du temps, je porte chaque jour un accessoire qui affiche l’une des couleurs de l’arc-en-ciel. Le lundi, c’est le rouge. Le mardi, l’orange, etc.

C’est très inspirant… Il le faut. On n’a pas le choix de regarder ce qu’on fait de notre vie. Quelles sont nos priorités, nos valeurs, ce qu’on veut faire du reste de notre existence. Dans des moments comme ceux qu’on vit, c’est facile de tomber dans le chialage, la colère, le ressentiment, le doute, la peur, mais ça nous éloigne de la réalité. Moi, on ne me fera pas débarquer de l’arc-en-ciel.

Qu’est-ce qui vous manque le plus? J’ai envie d’un souper avec des amis. De célébrer l’amitié, l’amour, la vie. FaceTime, ce n’est pas ma tasse de thé. J’aime toucher le monde, faire des câlins.

On avait tellement tenu ça pour acquis… Oui. Si quelque chose de positif doit ressortir de cette crise, c’est que ça nous montre la valeur des relations. Notre humanité avait besoin de se faire «shaker» pour qu’il y ait une renaissance.

Laurence JalbertLaurence Jalbert

Au cœur de la tempête, elle reste solide, généreuse, rieuse, refusant de se laisser gagner par la morosité.

Comment allez-vous? Ah non, on se dit «tu»! (rires) Je dirais d’abord que c’est pour moi un confinement de réflexion. D’ordinaire, je suis quelqu’un qui analyse tout, et là, mon hamster mental travaille fort! Mais je vais bien. Ma famille me manque à mort, mais j’ai mon chien Lucien. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui.

Donc, les gens te manquent? Oui, bien sûr, mais c’est fou à quel point ce qui nous définit, dans une telle situation, c’est notre capacité d’adaptation. Je dis souvent que si on n’avait jamais eu frette, on n’aurait pas eu besoin d’inventer le feu. On est devant quelque chose d’énorme, de tellement plus grand que nous qu’il faut lâcher prise.

D’où te vient cette capacité d’adaptation? Peut-être de ma Gaspésie natale. À partir du moment où tu prends conscience que tu es minuscule devant l’océan, tu sais que tu ne contrôles presque rien.

Qu’est-ce qui t’étonne le plus ces temps-ci? Ce sont les gens pressés qui détonnent. Moi, j’ai toujours eu mon rythme gaspésien des marées. Tu ne me feras jamais courir après un autobus, parce qu’il va en passer un autre. J’espère que les gens auront tiré quelque chose de bon de ce ralentissement.

Louise Deschâtelets

Elle voit l’avenir se dessiner en point d’interrogation et se promet d’apprécier encore davantage les petits plaisirs du quotidien.

Comment allez-vous? Nous sommes lundi et c’est la journée qui me semble un peu plus difficile que les autres, parce que je fais les courses et que c’est un vrai pensum. Ça me ramène à des peurs dont j’avais réussi à me délester. D’autant plus parce que je suis une «personne âgée». Je comprends la situation, mais c’est désagréable.

Il y a quelque chose d’infantilisant dans cette façon de traiter les aînés… Oui! Vous savez, quand j’étais petite et que ma mère disait «non», je ne discutais même pas, c’était catégorique. Mais de me retrouver dans une situation où je me fais dire «restez chez vous», c’est très insultant.

Qu’est-ce qui vous aide à remettre les choses en perspective? La pensée que tout ça aura une fin. Je suis assez fataliste. Je me dis que c’est un mauvais moment à passer, mais que j’ai quand même beaucoup de chance. Je dois me taire et cesser de me plaindre. Certains ont levé les pattes, d’autres ont vécu un angoissant séjour en milieu hospitalier ou subissent la maladie à la maison, seuls. Mon mari et moi sommes en santé. C’est un privilège.

Que peut-il surgir de beau à travers cette tragédie? J’espère que les gens vont redécouvrir la liberté qu’on a, tous ces plaisirs qu’on ne voyait plus. Qu’ils vont apprécier le simple fait de sortir dehors, sur leur perron, et de dire bonjour à la voisine. Je me le souhaite aussi. Je veux qu’à l’avenir, plus rien ne m’empêche d’être de bonne humeur.

Josée Lavigueur

Ce n’est pas une pandémie mondiale qui siphonnera l’énergie de cette dynamo. Plus que jamais, elle mesure l’importance de faire bouger le monde.

Vous avez gardé la forme, Josée? Oui! Je viens d’aller faire bouger des gens sur les balcons de leur résidence, grâce au Défi Pierre Lavoie. Sinon, je réfléchis et je travaille beaucoup!

Quelles réflexions vous habitent en ce moment? Je me dis qu’à partir de maintenant, on peut juste avancer. Beaucoup de gens vont remettre des choses en question par rapport à leur travail, à leurs loisirs, etc. Là, on est sur pause, on réfléchit et on s’adapte. À go, on va avancer! C’est comme ça que je le vois. Tout va changer… dont beaucoup de choses pour le mieux, du moins je l’espère.

Et le traitement réservé aux aînés, il faudrait que ça change aussi, non? Je ressens beaucoup de tristesse par rapport à ça, mais j’essaie d’être optimiste en me disant que la pandémie va nous forcer à réagir. La situation nous fait réaliser qu’on ne l’a pas pantoute l’affaire, avec les CHSLD. C’est une importante prise de conscience pour tout le monde.

Qu’est-ce que vous souhaitez voir ressortir de cette crise? Je pense que, plus que jamais, les Québécois ont envie de vieillir en santé. Je veux continuer de leur donner les outils pour y arriver. Je n’ai jamais vu autant de gens marcher et courir. Ça permet de réaliser le bien que ça fait de bouger. Je suis certaine que ceux qui ont goûté à ce bien-être ne s’arrêteront pas! Ça m’emballe énormément.

Louise Latraverse

Pandémie ou pas, sa noblesse d’esprit n’a d’égale que celle de son cœur.

Comment allez-vous? À l’âge que j’ai, je sais que je serai confinée encore longtemps. Mais t’sais, veux-tu mourir ou veux-tu vivre? Ça fait que tu restes chez toi, pis tu fermes ta gueule… Qu’est- ce que tu veux faire? Y a rien à discuter.

Est-ce que ça ressemble, même de loin, à quelque chose que vous avez déjà vécu? Enfant, j’avais des problèmes pulmonaires. J’ai passé presque une année complète couchée. Quand t’as 12 ans et que tu veux aller patiner, mais que tu ne peux pas sortir de ta chambre… c’est le souvenir le plus pénible que cette période a fait remonter. Dans le temps, on placardait les maisons avec des papiers bleus quand on y suspectait des maladies contagieuses. Dans ma ville d’Arvida, c’est comme ça que ça se passait.

C’est une image très forte… Oui. Et là, c’est un peu la même chose. Ma maison n’est pas placardée, mais c’est tout comme. Certains ont peur des vieilles personnes et pensent que c’est de notre faute si tout le monde est confiné. Je les laisse dire. Pour moi, ça ne change strictement rien.

Et rien de l’extérieur ne vous manque? Évidemment que la chaleur humaine me manque, mais sincèrement, avec tout ce qu’on a comme réseaux sociaux, on peut quand même se parler et se voir. Et je crois aussi que vivre cette pandémie dans notre beau pays, au Québec, c’est un grand privilège. Je me dis tous les jours que j’ai de la chance de vivre ici.

À lire aussi:

Photos: Andréanne Gauthier



Catégories : Oser être soi
1 Masquer les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de courriel ne sera pas publiée.

  1. Louise Sirois dit :

    J’suis une femme ben ordinaire (phrase inspirée de Charlebois). J’ai 73 ans, en santé, j’aime la vie et me considère chanceuse d’être en santé et d’aimer la vie. Je suis Gaspésienne et je ressens à 100 % comme Laurence Jalbert. Mon plan de match a tjrs été de vivre ‘pas mal’ longtemps. Le gain que nous apportera la Covid-19 c’est, je pense, l’authenticité. Merci.

Ajouter un commentaire

Magazine Véro

S'abonner au magazine