Tel un Marc Bergevin devant les journalistes, je passe la majorité de mon temps à répéter à mes enfants que, dans la vie, l’attitude avec laquelle on approche les choses est généralement un indicateur de leur finalité. Un peu comme quand on apprend à conduire: si tu regardes le clos, tu finis dans le clos. À l’opposé, le positif attire souvent le positif. Ironiquement, l’adulte a la fâcheuse manie de toujours mette l’accent sur le négatif. Si on se fie aux quotidiens, aux bulletins de nouvelles et à mon fil d’actualités sur Facebook, voici l’état de notre société:
• «Le système de santé est une machine – dysfonctionelle – à brûler de l’argent. (Insérez le nom du ministre de la santé que vous voulez ici) a scrapé le système.»
• «Nos écoles sont un échec sur toute la ligne. Nous avons accouché d’une génération de futurs abrutis qui sont éduqués dans des taudis de fond de rang.»
• «Les politiciens sont tous des pourris. Servir le bien public est une lubie inventée par ces mégalomanes.»
• «Les compagnies privées ne sont que des téteuses de subventions.»
• «100 % des vieux en CHSLD marinent dans leur urine.»
• «L’homme blanc hétérosexuel devrait prendre une retraite de quelques siècles.»
• «Les juges sont des tarés et le système de justice ne protège que les criminels.»
• «Nos routes sont dignes d’un champ de mines à Kaboul… Bon, j’ai jamais mis les pieds à Kaboul, mais là-dessus, les médias ont raison. J’ai hâte qu’on retrouve la recette pour de l’asphalte qui ne durerait pas juste trois semaines.»
Les médias nous bombardent de mauvaises nouvelles. On veut du sang, des controverses, des drames, des méchants. Pourquoi? Peut-être parce que les méchants nous permettent de canaliser nos propres malheurs. On vomit notre tristesse sur le méchant, comme on s’arrête avec une malsaine curiosité pour connaître les détails d’une histoire triste, comme on ralentit pour regarder un accident de voiture. La bonne nouvelle n’est pas payante et les médias l’ont compris il y a belle lurette. Mon échantillonnage personnel là-dessus? Parler de la construction d’une maison pour les adultes autistes: cinq minutes d’attention médiatique (avec un peu de chance). Des mauvaises critiques sur un projet: trois semaines de couverture médiatique. Les artistes sont atteints eux aussi de cette maladie du verre à moitié vide. Des centaines de personnes te félicitent sur Facebook? On tient ça mort. Une Rollande* t’insulte et te manque de respect? On se plaint dans les talkshows.
«Le monde est malade!» pouvons-nous entendre à tour de bras. Vraiment? Pourquoi être si alarmiste? Fondamentalement, il est prouvé que le sort de l’humain s’améliore. La médecine a trouvé des remèdes pour des centaines de maladies qui terrassaient autrefois les gens. La population est, de façon générale, plus éduquée, plus informée, plus cultivée et plus ouverte sur le monde. Les crimes sont également en baisse comparativement au début du 20e siècle. Non, tout n’est pas parfait. Oui, restons critiques. Mais peut-on mieux doser le négatif par rapport au positif? Peut-on prendre une petite pause du cynisme?
N’ayez crainte, je ne suis pas devenu un moine bouddhiste. Mais la vie m’a (malheureusement) amené à passer beaucoup de temps dans le système hospitalier au cours des dernières semaines. Et je n’ai pas vécu la catastrophe que les médias décrivent. J’ai toutefois pu voir de très près des gens qui travaillent comme des forcenés pour le bien-être des patients et des familles qui les entourent**.
C’est pas très «sexy» comme anecdote, hein? Les médecins sont peut-être riches, mais ils sauvent la vie de milliers de gens et ils ne les traitent pas comme du bétail dans un enclos. Et c’est sans compter l’armée d’infirmières et d’infirmiers efficaces, compétents et aimables. Il y a de belles choses dans notre système de santé. Il y a plus de positif que de négatif. Mais personne ne veut en parler. Et nous pourrions faire la même analyse à propos des enseignants qui se défoncent pour la réussite de leurs élèves, des éducatrices en garderie qui sont des soutiens psychologiques pour de nombreuses familles, des politiciens qui veulent faire du bien dans leur comté, etc.
Est-il encore possible de se reprogrammer en tant que citoyens et comme médias? Est-ce que la tendance, en 2019, pourrait être de nuancer nos propos, de choisir de lire et de partager des choses positives, de voir le verre à moitié plein plus souvent et de mettre ainsi en pratique ce que nous enseignons à nos enfants? Parce que quand on regarde le clos…
* Nom fictif et taquin que je donne à la madame active sur les réseaux sociaux et qui ne sait pas vivre. Elle se cache généralement derrière un avatar de chat.
** Salutations et respect au personnel des soins intensifs de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
Cet article provient du numéro d’hiver 2019 du magazine VÉRO.
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Photo: Andréanne Gauthier