De vous à moi… On devrait laisser tranquille la physionomie de Madonna (et de toutes les autres femmes, du même coup)

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20 Fév 2023 par Joanie Pietracupa
Catégories : MSN / Oser être soi / Véro-Article
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Alors que les commentaires sur le physique de Madonna fusent sur le Web, notre rédactrice en chef s'épanche sur la Femme, avec un grand «F» qui est toujours sujette aux critiques.

Comme beaucoup de gens, j’ai suivi à la télé le 65e gala des prix Grammy d’un œil un peu plus intéressé qu’à l’habitude, trouvant que c’était un maudit bon show, cette année. (Que voulez-vous, je suis une fan finie de Lizzo, de Beyoncé, de Harry Styles – qui a toutefois été très «off» pendant son discours de remerciements, allant jusqu’à affirmer que les personnes comme lui ne remportaient que rarement des prix, alors que les jeunes hommes blancs populaires, riches et attirants ne font que ça, gagner des concours! –, d’Adèle, de J.Lo, etc.!) Comme tout le monde ou presque, j’ai donc vu Madonna à cette soirée-là. Et depuis, malgré les événements terribles – et importants – qui se déroulent en grand nombre ailleurs dans le monde, je ne lis en ligne, dans des billets d’opinion, sur des sites Web ou intégrés dans des mèmes, qu’une chose : le «nouveau» visage de la madone, boursouflé et hyper lisse – «métamorphosé et pas pour le mieux», ai-je aperçu à plusieurs reprises –, fait peur.

Je peux comprendre l’effet de surprise, si on n’avait pas vu de photos ni de vidéos de Madonna depuis un bout. (Ce n’est pas mon cas : je la suis religieusement, avec beaucoup de plaisir d’ailleurs, sur Instagram.) Pour plusieurs, elle était «méconnaissable». Certes. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, en tant qu’êtres humains éduqués et évolués – avec un peu d’espoir, toujours vers le mieux! –, on se permet de critiquer son apparence, quelle qu’elle soit. Et là, mettons une chose au clair de suite : je ne parle même pas «d’accepter» que Madonna ait pu céder à la pression des standards de beauté inaccessibles de la société, qui dictent aux femmes que vieillir, c’est moche et mal, et que de préférence, il faudrait toujours avoir l’air figé dans le temps à 20 ans, la peau lisse et rose comme celle d’un bébé, le corps svelte, musclé, mais-avec-de-belles-courbes-allez-quand-même. Non, je parle du fait qu’on se sente le droit, en tant que semblables, de commenter le visage, le corps, la peau, bref, l’enveloppe corporelle, de quelqu’un d’autre.

Croyez-moi : Madonna sait de quoi elle a l’air. Elle a aussi lu les commentaires mesquins, méchants, brutaux, pervers à son égard. Et bien qu’elle promette qu’elle s’en fout (je la crois : Madonna a assez fait les manchettes en choquant son public dans ses 64 années d’existence pour avoir développé quelques astuces pour se protéger des remarques négatives et autres insultes gratuites!), moi, je ne m’en fous pas. Pensez-vous vraiment qu’elle n’a pas accès aux meilleurs spécialistes de l’image corporelle pour faire exactement ce qu’elle veut de sa peau? Pensez-vous que ce n’est pas une autre manière pour elle de se réinventer, image comprise, de chambouler nos mœurs, de faire réfléchir, d’ouvrir des discussions et des esprits, de faire parler d’elle? Comme l’a si bien écrit – avec délicatesse, comme toujours – la journaliste Chantal Guy dans sa chronique de La Presse du samedi 11 février : «Dans cette mise en scène d’elle-même, Madonna met aussi en lumière la cruauté du monde envers elle et je crois que nous sommes nombreuses à la suivre pour voir jusqu’où ça peut aller.»

Je parle ici de Madonna comme je pourrais parler de toute femme qui vieillit en public, au petit ou au grand écran, sur scène, en page couverture des magazines à potins ou à grand déploiement : la Femme, avec un grand «F», dans toute sa splendeur, sera toujours sujette aux critiques. Trop sage, trop vulgaire, trop ridée, trop retouchée, trop transformée, trop naturelle, trop plate, trop sexy, trop «toutte», trop pas assez : on sera toujours trop quelque chose. Le pire, dans tout ça, c’est que les insultes les plus odieuses viennent le plus souvent… des femmes. À rien n’y comprendre!

Je pose la question pour la forme plus qu’autre chose, mais réfléchissez-y bien avant de me répondre : qu’est-ce qu’on s’en fout que Madonna ait transformé son minois? Qu’est-ce que ça change, réellement, dans nos vies personnelles? Est-ce que ça affecte notre quotidien? Si elle aime son allure et qu’elle se sent bien dans son corps actuel, qu’est-ce que ça peut bien nous faire? Et à quoi ça sert, à part rabaisser la Femme avec un grand «F» (parce que oui, quand on s’attaque à l’une de nous pour quelque chose qu’on partage toutes, soit le vieillissement dans ce cas, c’est toutes les femmes qu’on attaque), de critiquer son apparence? C’est pour «sortir le méchant»? Pour faire rire? Croyez-moi : ça ne fait plus rire personne. Madonna la première, et certainement moi – et peut-être vous – proche deuxième. Il faut faire mieux, chères compatriotes. Au nom de toutes les Femmes.



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  1. Francoise Daigle dit :

    Vero, Madonna subit ce que nous subissons toutes: tu as raison, nous sommes toujours trop ceci ou trop cela. Le physique des femmes continue d’être soumis à toutes sortes de pressions, d’exigences souvent contradictoires et agressives. Et vieillir! ce n’est simplement pas admis. Peu importe qu’on intervienne sur notre body ou bien pas; on a tellement peur de vieillir qu’on est pas capables d’admettre qu’on est moins « standard de beauté », veux, veux pas.
    J’ai 60 ans passés et je trouve qu’on est bien naives de penser que le féminisme a fait la job et que c’est fini.
    À réfléchir.

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