Sur Instagram, j’ai vu passer une publication d’une artiste que j’aime beaucoup, Mara Tremblay. Une photo de son visage, en noir et blanc, avec ce commentaire: «Vieillir est un privilège. Difficile pour moi de trouver des modèles de femmes sans retouches, qui embrassent leurs visages en respectant le vécu qu’ils évoquent.» J’ai eu envie de hurler: «MOI, MARA!» Moi, j’embrasse mon visage, mon corps, mon âme, mes blessures et mes gloires sans retouches. Je respecte et j’encense le vécu qu’ils évoquent.
Comprenez-moi bien, je ne «retouche-shame» personne. Chacun et chacune a bien le droit de faire ce qu’il ou elle veut avec son enveloppe charnelle. Je ne suis pas timbrée, je sais bien que le Botox et d’autres interventions transformatrices existent. La banalisation de leur utilisation me laisse toutefois un peu perplexe. Ça reste des injections, right? Des micro-agressions de l’épiderme… et peut-être un peu sur ce qu’on pense de nous-mêmes. Sans juger qui que ce soit, je ne veux pas de ce genre de traitements. Je n’ai aucun mérite: j’ai peur des piqûres! Une simple prise de sang me fait perdre connaissance. Il y a quelques années, avant de me faire enlever la vésicule biliaire, j’avais googlé «laparoscopie» et ça m’a valu un choc vagal. J’ai un rapport très holistique avec mon corps et juste l’idée qu’un objet contondant s’y introduise me semble en briser l’harmonie.
Philosophiquement parlant, je ne tiens pas à altérer mon image parce que je suis en constante évolution. Je change. Nous changeons tous. J’apprivoise et je vénère cette vie qui passe sur mon visage. Ce temps qui s’accumule en marques, en vergetures et en mollesses qui durent. Mes seins s’affranchissent du vertige de la jeunesse. Le bois de mon cou n’est plus vert, mais mes sourires bourgeonnent encore de la même façon. Je delete au fur et à mesure ce que j’étais pour me concentrer sur ce que je suis, ce que je deviens. Je ne donne de pouvoir ni aux puissances du passé ni aux regards des autres. Ma bosse de bison, ma peau d’orange, ma culotte de cheval, mes pattes d’oie, ma tête de cochon, cette ménagerie fait de moi qui je suis.
Je vous entends me dire: «Oui, mais Guylaine, tu ne peux pas te plaindre, tu as une si belle peau!» C’est vrai. J’expose mon bagage de gènes sans aucune gêne. Mon corps est un devoir de mémoire. Une leçon d’apparence sans péremption. M’accrochant encore un peu au blond de ma tignasse jusqu’à ce que le cendré clame tout l’espace qui lui revient, j’accueille tout. Moi. Entière. Maintenant. De ressembler à tout le monde, je n’ai jamais eu la piqûre. Alors, Mara, on écrit une chanson là-dessus?
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