Enfant, je ne rêvais pas d’être danseuse de ballet. Ni actrice. Ni mannequin. À vrai dire, je ne pouvais pas en rêver, parce que je n’avais jamais vu “quelqu’un comme moi” exercer un de ces métiers. Les seuls modèles de grosses femmes que j’avais étaient des dames qui, dans des commerciaux, voulaient absolument maigrir. Un p’tit thé amaigrissant par ici, une diète liquide aux protéines qui goûte la tourbe par là. Mettre la hache dans toute cette vilaine graisse avait un prix.
Certes, il y avait Ginette Reno, qu’on adorait pour sa voix mais qui, j’imagine contre son gré, faisait la une des magazines chaque fois qu’elle perdait ou reprenait cinq livres. Je me souviens aussi d’une comédienne dans Le temps d’une paix, une grosse femme qui n’avait pas un gros rôle. Et toutes les autres grosses, elles se cachaient où?
Dans le frigo, selon l’opinion publique.
Grandir sans modèles, c’est grandir sans repères. Vivre dans un gros corps quand on est enfant, c’est se faire pointer du doigt, c’est se faire ridiculiser à cause de ses cuisses et de son ventre, c’est se vêtir avec des vêtements d’adulte, c’est se faire dire de maigrir avant toute autre chose, mais surtout, c’est apprendre trop tôt que personne ne veut vivre dans un corps comme le nôtre.
Le corps gros. Malédiction bardée de gras.
J’ai compris ça très vite.
L’idée d’écrire un livre pour enfants sur le sujet me hante depuis que j’ai huit ans. Oui, huit ans. L’année même où mon pédiatre a insisté pour que ma mère m’inscrive aux Weight Watchers. Les “gardiens du poids”, la “vigie du bourrelet”.
Cette première pesée devant tous ces autres apôtres de l’injonction à maigrir me revient quelquefois en rêve. En cauchemar, plutôt. «Que toute cette honte fasse oeuvre utile», a dû enregistrer mon subconscient de fillette.
C’est donc 45 ans plus tard que j’écrirai Gloria sort du moule. Comme une libération. Comme un cerf-volant de 250 livres qui prend enfin son envol. Un “doigt du milieu” à la dictature du plus petit corps possible. Un livre pour faire oublier le regard sur mes livres d’enfant. Ne plus devoir fondre dans ma masse.
Gloria, c’est moi. Gloire à mon corps! Qui sait aimer, bouger, manger, envelopper, donner, recevoir, respirer et vivre.
L’idée d’écrire un livre pour enfants sur le sujet me hante depuis que j’ai huit ans. Oui, huit ans. L’année même où mon pédiatre a insisté pour que ma mère m’inscrive aux Weight Watchers.
J’aimerais que tous les enfants lisent ce livre. J’aimerais que tous les parents soient assez ouverts d’esprit et de coeur pour lire ce livre à leurs enfants. Gros ou pas gros. Mettre de l’avant la diversité corporelle, c’est ouvrir l’horizon d’un enfant. C’estlui dire que son corps est valide. C’est lui donner la permission de faire autre chose que de se diminuer, de se comparer, de lutter contre sa propre morphologie.
Gloria, c’est tout ça et bien plus. C’est mon âme imprimée sur du papier.
Si on me demande aujourd’hui quel est mon poids, je répondrai que je pèse un livre.
Bonne lecture!
Gloria sort du moule, texte de Guylaine Guay, illustrations de Bach, Les Éditions de la Bagnole, 20 $.
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Photo de Guylaine : Andréanne Gauthier
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