Quand j’étais jeune, le jour de Noël, ma mère nous habillait «propres», ma sœur et moi. Ce qui voulait dire que je portais un beau deux-pièces en ratine bleue, parce que j’avais les yeux bleus, et ma sœur ce même deux-pièces en ratine, mais de couleur ocre ou orangé, évidemment agencé au brun caramel de ses pupilles.
Nos papilles, elles, n’étaient pas en reste, puisque mon grand-père Léo transformait son sous-sol de Fabreville en véritable palais de plaisirs gustatifs dont je rêvais toute l’année durant. Son immense table de ping-pong prenait des airs de fête quand il la recouvrait d’une grande nappe blanche et de victuailles à n’en plus finir. Oui, j’étais déjà gourmande. Et assez gourmet aussi, ma foi, car j’étais toujours la première à m’extasier devant un nouveau mets.
Au Noël de mes sept ans, mon grand-père a surpris tout le monde en ajoutant des cailles au menu. Je me souviens exactement du sentiment qui m’a envahi quand j’ai vu ces minipoulets dorés faire leur entrée sur la table de ping-pong endimanchée.
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Les yeux plus grands que la caille, j’ai manipulé avec soin cette délicate volaille avant de la manger. C’était délicieux. Et nouveau. Et délicieux encore. La plupart des convives ont boudé la caille, se repliant volontairement sur des plats plus connus, comme le traditionnel pain sandwich, l’assiette de viandes froides et l’aspic au Jell-O vert et au chou de ma mère. Tant pis pour eux! Ça laissait plus de cailles pour moi!
J’aimais observer cette quasi danse des invités qui déambulaient dans le même sens autour de la table pour remplir leurs assiettes. C’est donc beau de voir du monde manger! Assis aux quatre coins du sous-sol, s’empiffrant de petits pains fourrés au poulet, de salade de macaronis, de fromage en cubes, de carrés de pizza aux tomates. Le clou du buffet étant toujours le même: LES SAUCISSES COCKTAIL ENROBÉES DE BACON. Dans mon souvenir, ma grand-mère en faisait cuire 200. Et il n’en restait jamais.
Des oncles, des tantes, des cousins, pas de cousines (car je n’en avais pas encore à ce moment-là), des grands-parents, des parents, ma sœur en suit de ratine ocre, les blondes et les chums des invités, des cailles et du fromage bleu, tout y était pour faire mon bonheur. Ma mère Nicole, instagrammeuse avant son temps, prenait toujours une photo du buffet. Je fais la même chose aujourd’hui. Mimétisme de l’amour.
Plus de 40 ans plus tard, bien des gens qui faisaient la file autour de la table de ping-pong nous ont quittés. Dont mes chers grands-parents, mon tendre père et ma sœur en ratine ocre. À Noël, je mange toujours une petite saucisse enrobée de bacon à leur santé.
Nos propres enfants sont devenus grands. Ma défunte sœur est même grand-mère deux fois… puisque la vie continue.
Que j’aime recevoir tout ce beau monde! Les vieux souvenirs restent et les nouveaux se créent autour de la table. C’est donc beau de voir les gens qu’on aime rire et manger.
Que votre temps des Fêtes soit doux.
Guylaine xxx
Guylaine Guay est une autrice, comédienne, humoriste et animatrice québécoise. Elle est aussi la marraine de la Fondation Véro et Louis – et mère de deux garçons vivant avec le trouble du spectre de l’autisme.