Est-ce que ça vous arrive d’être en train de faire quelque chose et de soudainement sentir des larmes se frayer un chemin jusqu’à vos yeux? Pour aucune raison triste apparente. Juste un pur moment de gratitude. Être en vie. Avoir un toit. Manger à sa faim. Être aimé. Aimer.
Au printemps, j’aime faire l’inventaire de mes bonheurs :
- Mes fils vont bien.
- J’ai adoré mes cours de poterie.
- Mon amoureux qui trouve toujours l’hiver un peu long peut enfin rêver de planter ses graines de courge spaghetti au shack.
- J’ai décoré notre petit appartement avec tant de couleurs que la grisaille reste dehors.
- J’ai hâte de faire du kayak.
- J’aime savoir mon Léo chez lui, en sécurité, en haut de chez nous.
- J’ai eu assez de contrats pour qu’on ne manque de rien.
- Mon huile curcuma-ail-gingembre-poivre noir est vraiment bonne.
- Je suis ménopausée, enfin.
Je fais aussi l’inventaire de mes vulnérabilités et apitoiements :
- Pour notre toute première maison, nous avons choisi un taux d’intérêts variable (ça coûte donc cher!!!).
- La peau sous mon menton et celle de mon plancher pelvien vivent en simultané un glissement de terrain.
- Ma libido prend trop souvent des vacances.
- Je suis de plus en plus « souple-au-lait ». Moins souple, mais plus susceptible.
- Je bois beaucoup trop de café.
- Devant les injustices sociales, il m’arrive d’être pessimiste.
- J’ai envie d’envoyer promener toutes les madames qui sont « pas capables » de moi sur les réseaux sociaux.
Heureusement, mes « moments d’appit », comme je les appelle, ne durent jamais longtemps. Je suis chanceuse. Si chanceuse que, des fois, je me mets à pleurer. Sans raison triste apparente. Le sel des larmes. Le sucre de la gratitude. Et pas longtemps après, je pense à celles et ceux qui ont moins de miel dans leur vie.
Quelques fois par année, en famille, on prépare des sandwichs aux œufs pour des gens qui vivent dans la rue. Je n’en ai jamais parlé publiquement. J’ai la bonté pudique. Et puis on ne fait vraiment pas ça pour avoir l’air généreux. Pour nous, c’est une façon toute simple de dire à quelqu’un qu’on est là. Ce n’est pas grand-chose, un sandwich aux œufs. Deux tranches de pain, des œufs, de la mayonnaise, des oignons verts. Une fois, j’ai demandé à mon fils Léo d’écrire des messages sur le papier d’emballage. Des mots qu’il aimerait entendre, lui, s’il était dans cette situation.
C’est juste un sandwich. Mais tout le monde a besoin d’un sandwich, des fois. Et de savoir que la joie le trouvera. La vie, c’est un pain sandwich. Et si tu en as besoin en ce moment, je t’en offre une grosse bouchée.
Quelqu’un t’aime.
À PROPOS
Guylaine Guay est une autrice, comédienne, humoriste et animatrice québécoise. Elle est aussi la marraine de la Fondation Véro & Louis, et mère de deux garçons vivant avec le trouble du spectre de l’autisme.
Photo de Guylaine : Andréanne Gauthier
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