Kim Lévesque Lizotte : Sautez!

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01 Fév 2023 par Kim Lévesque Lizotte
Catégories : MSN / Oser être soi / Véro-Article
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Kim Lévesque-Lizotte invite les femmes à ne pas attendre d'être choisies, mais plutôt à apprendre à se choisir.

Au-delà des dynamiques de violences psychologiques et conjugales dont on parle beaucoup en matière de couples ces temps-ci, il y a de ces comportements autour de moi que je constate être plus sournois et au sujet desquels on devrait se questionner collectivement. En fait, ce sont des comportements que j’ai déjà eus moi-même par le passé. Je dénonce souvent ce que je n’ai pas eu le courage d’affirmer à une autre époque. Ça doit être ça, comprendre au fil du temps ce qui est important pour nous…

En bref, depuis environ un an, je fantasme d’écrire un essai qui s’intitulerait Choisis-toi. Un livre pour que les femmes autour de moi (et aussi la femme en moi) apprennent à se choisir. C’est juste que je n’ai pas vraiment le temps de le faire.

Parce qu’il y a ces amies qui rencontrent un homme et dont je sens l’interminable attente: «Va-t-il me choisir? Va-t-il vouloir plus?» Il y a également ces amies qui attendent que l’autre veuille emménager avec elles. Ces amies qui attendent l’homme qui voudra fonder une famille. Ces amies qui restent auprès d’un homme qui a besoin d’aller voir ailleurs et de se faire confirmer ad nauseam qu’il pogne encore.

Ce qui est injuste, c’est que l’exaspération prend souvent le dessus, et pas toujours envers la bonne personne. On l’a tous déjà vécu. L’envie de secouer une amie, de la prendre par les épaules et de la brasser jusqu’à ce qu’une illumination lui fasse réaliser qu’elle vaut mieux que ça, plus que ça… alors que mon indignation et mon irritation devraient être dirigées envers celui qui fait subir.

Il y a quelque chose d’humain et de «normal» dans l’infidélité; peut-être est-ce pour ça que les hommes et les femmes la pratiquent tout autant. Ce qui ne me semble pas vraiment normal, par contre, ce sont ces relations où l’une des personnes investies semble vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ce qui la pousse à devenir hypervigilante et à se sentir inadéquate parce que l’autre a toujours un pied dans la porte, un œil sur l’ailleurs. Une menace sournoise de type «au pire, j’irai ailleurs»!

Il est normal aussi de ne pas être sûr de vouloir s’engager. D’avoir besoin de temps. Ce qui m’attriste, c’est de voir des amies comme plongées dans une attente infinie, comme si leur vie n’allait retrouver son sens que lorsque l’autre reviendra vers elles. 

Eh bien, dans ces moments-là, je me dis: pourquoi on ne se choisirait pas? Pourquoi devrait-on accepter d’être mises en pause, en attente, trompées? Pourquoi avons-nous cette capacité d’errer dans les abîmes en attendant d’être choisies, élues, aimées à notre juste valeur? Notez bien ici que ce n’est pas du tout un jugement de ma part.

Un jour, alors que ma mère et moi étions en auto sur le pont de Québec et que je lui racontais être tombée éperdument en amour avec un bellâtre de 21 ans que j’idéalisais (et qui s’est avéré être un connard de première), elle m’a dit: «Tu sais, Kim, il n’y a personne qui te fait une faveur en sortant avec toi.» Cette phrase m’est toujours restée en tête et je la répète encore à mes amies dont je sens l’estime de soi s’envoler au profit d’un bellâtre qu’on finira sûrement toutes par appeler connard.

Pourquoi ne débarque-t-on pas plus vite du train? On n’est pas connes. On n’est pas si dupes non plus. On sait bien que lorsqu’on débarque du train, on saute dans le vide, là où on se retrouve encore plus seules et sans alliées.

Ma solution pour remédier à ça serait de se fabriquer, entre femmes, d’immenses filets. D’immenses filets d’amies, de mères, de filles, de cousines, de collègues qui seront là non seulement pour nous attraper, mais pour nous comprendre et nous rappeler notre valeur, notre force de vivre.

À toutes mes sœurs prises dans une situation qui les fait sentir toutes petites… sautez! Promis que je vais vous attraper.

À PROPOS

Kim Lévesque-Lizotte est une autrice, scénariste et humoriste féministe québécoise. On lui doit entre autres les téléséries Les Simone et Virage.



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