Mon fils Léo a eu 18 ans récemment. J’ai déjà eu 18 ans. Vous aussi, sans doute. À l’été 1987, j’étais monitrice dans un camp de vacances et la chanson Vivre dans la nuit de Nuance était le hit de l’heure. J’étais alors si jeune et je ne le savais pas. Aujourd’hui, à presque 50 ans, je m’en doute bien. J’avais la vie devant moi. Et qu’est-ce que j’en ai fait, de cette vie? Une vie de rêve? Non. Une vie parfaite? Non. Une vie unique? OUI!!! La mienne. Ma douce et chaotique vie.
J’ai retrouvé une photo de mon 18e anniversaire. Des amis, un gâteau, la jeunesse. Rien sur cette photo ne laissait présager la vie singulière qui m’attendait. J’allais devenir humoriste, faire de la télé, de la radio et – ô surprise! – écrire des livres. Pour une jeune fille qui n’avait pas de plan de carrière, c’est quand même pas mal. Rien sur cette photo ne pouvais non plus prédire les chagrins dans l’angle mort. La dépression sévère à 25 ans, la mort de mon chat Carcassonne que j’aimais tant, les diagnostics d’autisme de mes deux enfants, les séparations, le cancer beaucoup trop présent dans ma famille. J’ai vu mes fils Léo et Clovis naître, et ma sœur et mon père mourir. Égalité joie-peine. Et la vie continue…
Heureusement, le ciel m’a offert trois cadeaux inestimables: l’imagination, la résilience et la joie. Les Rois mages de mon bonheur et de mon équilibre. J’aurais pris un peu plus de talent pour organiser mes finances personnelles, mais bon, on ne peut pas tout avoir!
En déballant le cadeau de l’imagination, j’ai inventé des personnages, écrit des récits, dessiné, cuisiné, trouvé des millions de solutions à des millions de problèmes.
Le cadeau de la résilience m’a offert une perspective lumineuse sur toute l’adversité que j’allais rencontrer. J’ai fait de l’autisme mon ami, j’ai accompagné mes fils handicapés sur des chemins dont j’ignorais l’existence, mon gros corps est devenu mon temple, mon trophée, ma carte de visite, mon trait d’union avec les autres. J’ai même un peu apprivoisé la mort. Juste assez pour mieux vivre.
Enfin, le troisième cadeau mais non le moindre: la joie. Ce don d’orner d’étoiles les petites noirceurs du quotidien. De rigoler et de rire beaucoup. Rien ne me fait plus plaisir que de faire rire les gens que j’aime. Je me souviens de cette visite à l’hôpital, quand ma sœur était en phase terminale d’un cancer du sein. J’étais arrivée dans sa chambre déguisée en Capitaine Curcuma. Grosse perruque, costume coloré, avec à la main un verre de jus de légumes au curcuma. Juste pour la faire rire, elle qui ne riait plus beaucoup. C’était ma façon de lui sauver la vie, juste un peu.

Guylaine Guay, alias Capitaine Curcuma, venue faire rire sa soeur en phase terminale.
J’ai pleuré en écrivant ces dernières lignes. C’est OK, de pleurer. La tristesse passe. Tout passe. J’ai toujours fabriqué de la joie. C’est ma PME à moi. Et je crois qu’elle est rentable. Dans tout ce que je fais, il y a de la joie. Joie nécessaire.
Mon fils Léo a eu 18 ans récemment. Il a toute la vie devant lui. Et devinez ce que je lui ai offert en cadeau? L’imagination. Pour la résilience et la joie, je lui poserai la question lorsqu’il aura presque 50 ans.
Guylaine Guay est une chroniqueuse, comédienne, humoriste et animatrice québécoise. Elle est aussi la marraine de la Fondation Véro et Louis – et mère de deux garçons vivant avec le trouble de l’autisme.
Photo: Andréanne Gauthier (portrait) / mise en beauté: Anaïs Côté, avec les produits It Cosmetics
Cet article est paru dans le magazine VÉRO printemps 2019. Abonnez-vous ici.
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