Enfin l’été. Luxuriante saison s’il en est, avec son abondance de soleil, sa pluie plus que bienvenue par temps humide… et ces épidermes de tout acabit qui défilent.
Je m’attarderai ici au dernier terme énoncé: ces épidermes de tout acabit qui défilent. Parade de chair estivale. Les patios, les plages et les bords de piscines comme des podiums de la vie ordinaire. Au son d’une musique tropicale, plis, replis, bourrelets, varices et vergetures n’ont plus de cachette vestimentaire ou presque. Nirvana pour certaines, enfer pour d’autres.
Je les vois passer depuis le début du printemps sur les réseaux sociaux, vos nombreux statuts de mise en forme extrême et vos élixirs de gingembre râpé pour perdre du ventre. Je la sens, votre insidieuse angoisse de vous retrouver en bedaine, mou de bras, poitrine atonique ou jambes charnues au grand vent, tentant de prendre un selfie sous cet angle parfait qui fera fi de ce que vous considérez comme un défaut.
Je ne vis pas dans une bulle; je les vois passer, ces sirènes aux corps parfaits sur mon compte Instagram. Toujours un peu surprise du nombre de likes qu’une craque de fesses peut générer, mais bon, à chacune sa façon de se faire aimer.
Cela dit, je suis totalement contre l’idée que l’image qu’on projette va avec le mérite, le travail qu’on met pour avoir cette apparence. Je vous rappelle que nous sommes toutes nées avec une enveloppe corporelle définie par un nombre de gènes et de facteurs héréditaires. Certaines sont grandes, d’autres petites. Avec des cheveux raides ou bouclés. Un nez rond, plat ou aquilin.
La peau blanche, brune ou noire. Avec une ou deux jambes. Mince ou grosse. Neurotypique ou atypique. C’est ce qui fait l’unicité de chaque être humain. Un véritable cadeau.
Des moules différents qui donnent des gâteaux différents. Mais tous sucrés et délicieux. Certaines sont des cupcakes, moi, je suis un gros gâteau aux carottes! Avec un extracrémage aux cuisses. J’ai d’énormes cuisses, replètes et bien molles. Je me souviens du premier jour de la colonie de vacances, quand j’étais monitrice de camp: je déambulais sur le quai en présentant mes grosses cuisses molles à mes campeurs et en leur disant: «Voici mon corps, il est beau et je l’aime. Maintenant que vous l’avez bien observé, je ne veux pas entendre une seule remarque négative de l’été!» Ensuite, tous les campeurs et campeuses faisaient le même exercice à leur tour, sous le tonnerre d’applaudissements d’une foule libérée de ses complexes.
Je fais ça, moi, dire aux gens qu’ils sont beaux, imparfaits et encore plus beaux à cause de ça. Offrez-vous la douceur de vous aimer un peu plus.
Merci à mon amie Stéphanie qui m’a rappelé ce beau souvenir de camp. Je nous revois sur le quai, la vie devant nous. J’aurai 50 ans cet été et j’aime – que dis-je, je vénère! – mon corps extracrémage. Sortez vos robes bain de soleil, vos bikinis et vos bretelles spaghettis, et savourez l’été. Une bouchée de gâteau à la fois.
Guylaine Guay est une chroniqueuse, comédienne, humoriste et animatrice québécoise. Elle est aussi la marraine de la Fondation Véro et Louis – et mère de deux garçons vivant avec le trouble de l’autisme.
Photo: Andréanne Gauthier (portrait) / mise en beauté: Anaïs Côté, avec les produits It Cosmetics.
Cet article est paru dans le magazine VÉRO été 2019. Abonnez-vous ici.