L’animateur et humoriste Jean-Sébastien Girard, le comédien Fayolle Jean Jr et l’animatrice Vanessa Pilon ont maintes fois fait le ménage dans leur vie, tantôt sereinement, tantôt plus difficilement…
Il y a un nombre infini de situations sur lesquelles il vaut parfois mieux tourner la page. Et curieusement, j’ai constaté que si certains peuvent aisément dire byebye à un ex, ils ont plus de mal à quitter la maison familiale ou à s’éloigner d’un ami de longue date devenu toxique. Cela dit, si vous culpabilisez à l’idée de vous extirper d’une situation pénible, rassurez-vous au moins en sachant que vous êtes loin d’être seul.
«C’est quelque chose qui m’angoisse, admet Vanessa, parce que j’ai réalisé que j’avais de la difficulté avec les ruptures, notamment en amitié. Je déteste les fins abruptes. Je prends mon temps avant de sortir quelqu’un ou même un objet de ma vie. Par exemple, je vais changer le bibelot de place quelques fois avant de l’apporter chez Renaissance. J’aime l’idée de réparation, sans pour autant être dans la nostalgie. Une fois que j’ai jeté quelque chose, je ne suis pas triste ; je pense plutôt à l’espace que je crée, ce à quoi je vais pouvoir dire oui dans le futur. D’ailleurs, je garroche pas mal d’affaires au recyclage, à commencer par les dessins de ma fille. Je refuse de m’accrocher au passé et je crois que c’est ce qui m’aide à me renouveler. J’ai déménagé souvent dans ma vie et c’est peut-être ce qui explique que je ne veuille pas trop m’attacher aux choses.
– Chez moi, j’hésite toujours à jeter des objets, raconte Fayolle Jr. Je me dis que ça pourrait servir un jour, mais finalement, ça reste cinq ans dans un placard à prendre la poussière. C’est la même chose avec mes relations. Je ne provoquerai jamais de rupture franche, que ce soit en amitié ou en amour. Je pense avoir un côté nostalgique, car j’ai besoin de gens avec qui partager les beaux moments que j’ai vécus. Contrairement à Vanessa, déménager m’est insupportable. Quand je me suis séparé, j’avais envie que ma fille puisse avoir un point d’ancrage… C’est pourquoi j’ai gardé la maison.»
Je fais beaucoup d’anxiété de performance. Souvent, je vais quitter un projet parce que j’ai peur de ne pas être la bonne personne. J’aime mieux me mettre moi-même dehors avant que les autres le fassent pour moi. - Vanessa Pilon
D’un projet à un autre
Voilà plusieurs années que mes trois invités enchaînent les projets (j’en ai compté près de 80 sur le CV de Fayolle Jr) et, chaque fois, la fin de ces productions marque une sorte de deuil en tirant un trait sur une étape importante de leur carrière. Ç’a été le cas avec la fin de l’émission La soirée est encore jeune, diffusée à ICI Radio-Canada Première, et qui, à ses débuts, avait révélé Jean-Sébastien Girard au grand public.
«Je ne suis pas quelqu’un qui saute dans le vide ou qui se met en danger, révèle Jean-Sébastien, mais lorsque les projets se terminent, je tourne rapidement la page. Je me souviens du lendemain de la fin de La soirée est encore jeune au MTELUS : j’étais paralysé en me demandant ce que j’allais devenir. Deux jours plus tard, j’avais déjà oublié ça. Mais c’était quand même une partie de mon identité à laquelle je disais au revoir. Encore aujourd’hui, lorsqu’on me présente dans une émission, je suis le gars de La soirée. C’est là que tout a commencé pour moi. J’ai donc dû m’éloigner d’une identité qui me confortait. Et je mentirais si je disais que ça ne m’a pas donné quelques vertiges.»
Fayolle Jr n’est pas non plus trop affecté par la fin de ses engagements. Avec le temps, le comédien a gagné en lucidité. Et la franchise avec laquelle il décrit son point de vue à ce sujet est désarmante.
«Au travail, j’ai compris que les relations que je nouais n’étaient souvent que des feux de paille. Les acteurs sont très intenses. Quand on fait partie de la distribution d’une pièce de théâtre ou d’une télésérie, on est toujours ensemble à tout se raconter et on croit qu’on va se revoir comme des amis, mais ça n’arrive pas. Dès que chacun obtient un nouveau contrat, on passe à autre chose. Au début, j’ai trouvé ça dur de créer une telle intimité avec des collègues et de ne plus les voir par la suite. Aujourd’hui, je comprends mieux comment ça fonctionne.
– Pour ma part, je fais beaucoup d’anxiété de performance, avoue Vanessa. Souvent, je vais quitter un projet parce que j’ai peur de ne pas être la bonne personne. J’aime mieux me mettre moi-même dehors avant que les autres le fassent pour moi.»
Durant nos 90 minutes de discussion, je constate que c’est Vanessa qui semble la plus tranchante. Loin d’être nostalgique, elle s’encombre peu du passé, préférant faire place aux nouvelles aventures, qu’elles soient de nature personnelle ou professionnelle. Elle répète d’ailleurs à quelques reprises que même si elle adore son travail, elle ne veut pas en être dépendante.
«J’ai une histoire familiale particulière, puisque mon père [NDLR: Michel Pilon] était un chanteur populaire au début des années 1970. Il avait 16 ans quand sa carrière a décollé à Jeunesse d’aujourd’hui. Ç’a été fulgurant. Il a été très connu et admiré pendant environ trois ans. Puis, ça s’est arrêté. Je crois qu’il a porté ce traumatisme, celui d’être sur la pente descendante. Il était moins sous les projecteurs et il a trouvé ça difficile. Il a alors lui-même décidé de tout arrêter plutôt que d’aller chanter dans des bars anonymes. Aujourd’hui, il dit qu’il a tourné la page, mais je sais que c’est faux. Sa communauté sur Facebook est encore très vivante et je crois que ça nourrit sa nostalgie. Comme je ne voudrais pas vivre ce qu’il a vécu, on dirait que je n’ai jamais voulu m’attacher à ma carrière. Je me protège en ne tenant jamais rien pour acquis. Si ça arrête, j’aurai des arbres à planter autour de la maison et ce sera ben correct comme ça.»
Et vous, les gars, seriez-vous capables de tourner le dos à cette carrière que vous avez bâtie au fil des ans ?
«Ça m’a pris du temps avant de connaître un certain succès, répond Fayolle Jr. J’ai dit oui à tout pendant tellement longtemps ! J’acceptais toutes les offres qui passaient parce que j’avais peur que ça finisse le lendemain. Aujourd’hui, je ne pense plus de la même manière. Si tout devait s’arrêter, j’irais travailler au Dollarama. J’adore ce magasin. Ce serait tough, mais j’accepterais qu’on n’ait plus besoin de moi comme acteur. Qu’est-ce que je pourrais y faire ?
– Moi aussi, ç’a pris beaucoup de temps avant que j’obtienne du succès, réplique Jean-Sébastien. Et pour être très franc, j’ai beaucoup de plaisir avec ce qui m’arrive. J’aurais de la difficulté à tourner la page. Je ne serais pas prêt et j’aimerais m’amuser encore pendant un bout. Cela dit, autant j’admire les personnes qui foncent et qui persistent, autant je respecte celles qui comprennent qu’il faut arrêter. Il y a une différence entre l’acharnement et le réalisme… J’espère avoir la lucidité de ne pas m’acharner.»
Je t’aime, moi non plus
C’est une chose de tourner le dos au succès ou à des engagements, mais faire le ménage dans sa vie personnelle peut s’avérer pas mal plus complexe. Trahisons, blessures, colères, insécurité: tous ces sentiments s’entremêlent et nous brouillent l’esprit, si bien qu’il devient difficile d’y voir clair ou de couper le dernier fil qui nous reliait à l’autre.
«Je ne suis pas capable de mettre fin à une relation abruptement, admet Fayolle Jr. Je regarde toutes les années que j’ai passées avec la personne de laquelle je me sépare et je crois qu’il y aura toujours une certaine forme d’amour qui prévaudra. J’ai eu d’assez longues relations amoureuses, j’ai grandi et évolué avec ces filles-là. Alors oui, j’essaie de garder de bons contacts avec elles. Je suis chanceux, parce que ma copine actuelle comprend très bien mes choix.
– C’est le contraire pour moi, réagit Jean-Sébastien. Je n’ai plus aucun contact avec mes deux grandes histoires d’amour. J’ai dû faire ce ménage-là. J’ai vécu de grands chagrins. Au départ, je restais tout près, avec l’espoir que la relation allait reprendre. J’étais incapable de marquer une rupture complète. Je restais là jusqu’à ce que l’autre personne se “rematche”. Comme je ne voulais pas être témoin de cet amour naissant, je coupais complètement les ponts. Pour toujours. Ce sont des histoires qui m’ont fait tellement mal ! Je ne suis pas très doué pour l’amour. Ça ne m’intéresse plus vraiment d’ailleurs… Je me concentre sur le travail et sur ma vie riche en amitiés.
– Moi, je suis une amoureuse en série, avoue Vanessa. Je tombe en amour avec plusieurs choses ou plusieurs personnes par jour. J’ai des passions très spontanées et très intenses, mais qui ont une durée de vie assez courte. Je conçois que ça peut être très inécurisant pour un gars. Je me suis toutefois beaucoup assagie, notamment depuis que j’ai un enfant. Je constate que les conséquences de mes choix ont un impact sur une troisième personne et ça m’a permis de voir que je fuyais les inconforts. Dès que ça devenait compliqué, je passais à autre chose.»
Amis pour la vie ?
Dire adieu à une relation amoureuse implique souvent de quitter les proches qui l’entouraient, dont les amis, à qui on s’est souvent attaché au fil des ans. Ceux-ci doivent alors parfois choisir entre les deux camps et, la plupart du temps, ils prennent le parti de celui ou celle qu’ils ont d’abord connu.
«Quand une relation se termine, on retourne chacun dans notre univers, affirme Jean-Sébastien. Mes amis ne sont pas tellement autorisés à rester proche de mon ex. Je sais que je suis immature, mais moi, quand c’est fini, c’est fini, et vous êtes mieux d’être de mon bord. Je le dis en étant totalement conscient de l’aspect bébé de la chose, mais quand je trace un trait sur une relation, j’ai envie d’avoir ma gang du bon côté du trait.»
En 2020, dans la foulée du mouvement #MeToo, l’amoureux de Vanessa, le chanteur Alex Nevsky, publiait une story sur Instagram dans laquelle il s’excusait publiquement auprès de son ancienne copine pour ses comportements toxiques et abusifs. L’affaire a évidemment fait grand bruit et la maison de disques liée au chanteur a notamment suspendu leur collaboration. Or, si des partenaires d’affaires ont préféré prendre leurs distances avec Alex Nevsky, il y a fort à parier que certains amis du couple ont voulu faire de même…
«Honnêtement, on n’a pas eu à faire un grand ménage parmi nos relations, assure Vanessa. Vraiment pas. Au moment où on avait migré à la campagne, il y avait déjà eu un élagage naturel, puisque certaines personnes qu’on pensait proches s’étaient éloignées. Dans toute cette histoire, il y a eu beaucoup de soutien. Et les gens qui nous ont moins soutenus m’ont fait réaliser que mes attentes envers eux étaient peut-être trop élevées. Je ne les ai pas reniés, je les ai juste placés dans le cercle des gens avec qui c’est le fun d’aller prendre un verre, pas plus. Je n’ai pas eu besoin de provoquer des ruptures ou même de verbaliser que j’aurais aimé avoir de l’aide. Je constate juste vers quoi certaines relations ont naturellement évolué. Je n’éprouve aucun ressentiment envers qui que ce soit et je n’ai pas d’amertume non plus.»
Tourner la page, donc. Le sujet était vaste, j’en conviens, mais cette conversation m’a fait comprendre à quel point il joue un rôle jusque dans l’intimité profonde de mes invités. Et en sortant sur la rue Sainte-Catherine après notre entretien, je repensais à Vanessa, à Fayolle Jr et à Jean-Sébastien en me trouvant bien chanceux d’avoir pu échanger, ne serait-ce que pendant 90 minutes, avec trois personnalités aussi généreuses…
LEURS ACTUS
En plus de collaborer à l’émission La journée est encore jeune, à ICI Radio-Canada Première, Jean-Sébastien Girard est en tournée avec son spectacle solo Un garçon pas comme les autres.
Fayolle Jean Jr joue dans la pièce Sainte-Marie-La-Mauderne, en tournée jusqu’en juin. On peut aussi le voir dans la télésérie Le pacte, à Télé-Québec.
Collaboratrice au podcast Génération Sidechick, Vanessa Pilon lancera son propre balado en avril prochain.
Nous tenons à remercier le restaurant végane Bloom Sushi du Quartier des spectacles pour son accueil chaleureux.
Photos : Martin Girard
Assistant-Photographe : Stéphanie Chiron
Mise en beauté : Geneviève Sauvé
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