Au moment d’écrire ces lignes, le film que j’ai scénarisé avec François Avard et Jean-François Léger, Le guide de la famille parfaite, est en salle depuis quelques jours. Vous êtes nombreux à vous présenter dans les cinémas – merci! –, mais aussi à m’écrire des messages qui témoignent de l’impact du film sur vos vies, vos familles. Ça me touche et me préoccupe énormément. Mes conclusions préliminaires sont les suivantes:
- En famille, on parle souvent de choses banales, mais rarement de nos émotions, nos craintes, nos angoisses.
- Les jeunes sont sous pression, tendus comme des cordes de guitare.
Beaucoup de jeunes avec un potentiel immense pourraient ne pas s’accomplir pleinement, étouffés par la pression de la société, des réseaux sociaux et des attentes de leur entourage immédiat. Et si je me fie aux centaines de messages reçus en espagnol, en anglais, en malaisien, en portugais… le problème n’est pas propre au Québec, il est mondial.
Jusqu’ici, les sportifs d’élite semblaient faire bande à part. Forts, capables de gérer la pression, habitués au regard des autres, ils et elles faisaient figures d’exception dans une société qui démystifie très, très lentement les troubles de santé mentale. L’année 2021 marquera un tournant dans cette illusion que ces hommes et ces femmes sont au-dessus de la loi du commun des mortels. La figure de proue de la gymnastique américaine Simone Biles a courageusement (je déteste employer le mot courage, mais je n’ai pas trouvé mieux, parce que c’est malheureusement encore un peu ça) décidé de se retirer des épreuves olympiques pour préserver son équilibre mental. Pareil pour la championne de tennis Naomi Osaka, qui a fait l’impasse sur les tournois de Roland-Garros et de Wimbledon pour la même raison. Plus près de nous, le joueur du CH Jonathan Drouin n’a pas participé à la fabuleuse épopée des Canadiens lors des séries éliminatoires de 2021 pour s’occuper de quelque chose de plus important: lui-même.
Les athlètes sont humains et ont le droit de dire: «J’en ai assez.» L’incessante pression exercée par la société, les commentaires assassins sur les réseaux sociaux, les familles, les points de presse, les commanditaires et la course folle à l’argent rattrapent les athlètes de pointe. Et pas les moindres.
Lorsque Jonathan Drouin a été retiré de l’alignement du Canadien, il était évident que la situation était aussi grave qu’inhabituelle. De mon vivant, je n’avais jamais entendu parler de dépression ou d’épuisement professionnel chez un hockeyeur dans la vingtaine. La dépression d’après-carrière, je connaissais. Mais chez un sportif au sommet de son art, jamais. Je suis évidemment triste pour Jonathan, un homme aussi sympathique que talentueux. Du même souffle, je pense que cet épisode pourrait s’avérer salutaire pour de nombreux jeunes athlètes. L’aura macho d’un sport «viril» comme le hockey commence à craquer, car Jonathan ne sera pas le dernier. Je sais bien que la culture du milieu ne changera pas du jour au lendemain, mais ce douloureux passage dans la vie de Drouin donnera une dose d’espoir et de courage à plusieurs jeunes qui n’osaient pas avouer leur mal de vivre, préférant abuser d’alcool, de drogues, de pilules et d’autres écrans de fumée pour camoufler des troubles psychologiques. C’est un rappel simple: l’athlète est humain.
Les temps changent et souvent pour le mieux. Luke Prokop, espoir des Prédateurs de Nashville, a révélé son homosexualité en juillet dernier. Il est le premier à le faire dans la Ligue nationale de hockey. Idem pour Carl Nassib, qui est devenu le premier joueur de la NFL à faire son coming out. Comme s’ils étaient les premiers joueurs gais de hockey ou de football professionnel. Comme si Jonathan Drouin, Naomi Osaka et Simone Biles étaient les premiers athlètes dans la force de l’âge à devoir affronter la dépression. À propos, qu’avait fait Michael Jordan après la mort de son père? Il avait pris une retraite pour jouer au baseball dans les ligues mineures avant de faire un retour dans la NBA. À l’époque, nous n’aurions jamais osé associer le mot «dépression» au nom de Michael Jordan, le plus grand joueur de basketball de tous les temps. En 2021, nous pouvons l’ajouter à la liste d’athlètes qui nous rappellent qu’en tant qu’amateurs de sports, on devrait lever le pied et prendre notre gaz égal. Et que la maladie mentale ne fait pas d’exceptions en fonction du talent ou du salaire.
Cette devise s’applique aussi à nos enfants. Chers parents, laissons-les respirer un peu. Sinon, je vais vous envoyer au banc des pénalités pour un 10 minutes de mauvaise conduite.
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