Je suis un monstre de contradiction. Je chiale contre ma blonde mais je l’adore, je célèbre une victoire de Laurent Duvernay Tardif en arborant un chandail de Tom Brady, je m’inquiète de l’environnement mais je rêve de monter dans l’avion vers le Sud, j’admire les entrepreneurs québécois mais j’achète en ligne, je déteste Occupation Double mais j’ai regardé Claudie sortir d’une douche pour aller se brosser les dents… parce que j’aime les jeunes femmes à l’haleine fraîche.
J’entame donc l’année 2020 habité par ma plus grande contradiction: avoir hâte que mes enfants partent en appartement… mais m’ennuyer lorsque je les quitte plus que 24 heures. Si vous avez vu la capsule des Morissette et moi* de l’été dernier, vous connaissez ma théorie: à 21 ans, c’est byebye popamoman et bienvenue l’appartement! Parce que je fais des cauchemars à l’idée d’avoir à la maison une grande fille de 25 ans pis un grand fouet de 23 ans. Sans compter les chums, blondes, amis, fuck friends et autres. Chu pas Louise Deschâtelets dans Chambres en ville, moé! J’ai hâte de passer un peu de temps avec ma belle femme sans avoir des enfants dans notre bulle, de visiter autre chose que des tout-inclus en famille et de consacrer du temps de qualité à notre bébé Raphaëlle, qui a souvent été la troisième roue d’un carrosse roulant à 100 milles à l’heure.
Je veux mon intimité. Je veux marcher tout nu dans ma maison sans risquer de faire un face à face avec un chum qui glande dans ma cuisine, je veux faire l’amour avec ma femme sans avoir peur de faire trop de bruit, je veux regarder le football dans mon salon sans que la blonde de mon fils me pose des questions de base comme: «Pourquoi ils se rentrent tous dedans?» ou «C’est lequel, Brady?» Je veux du temps, du silence pis du sexe où je veux, quand je veux. Mes enfants doivent me quitter avant que mes érections ne le fassent.
D’un point de vue moins égocentrique, je leur souhaite aussi de vivre dans leurs affaires, de développer leur autonomie, de trouver leur propre valeur et leurs intérêts loin de Véro et moi. De passer du temps seuls avec eux-mêmes. De vivre des expériences positives et négatives, de faire des bonnes et des mauvaises rencontres, de vivre des échecs et des bons coups. De tomber et de se relever. J’ai quitté le nid familial à 18 ans (je comptais les dodos), je me suis formé loin de mes parents et je souhaite cette même chance à mes enfants.
Ça, c’est la théorie. Maintenant, je sens que je vais trouver la transition plus difficile que ce que j’ai anticipé. Récemment, j’ai eu un petit vertige en visitant les cégeps avec ma grande fille. En la voyant marcher devant moi dans les corridors des collèges, je ne pouvais que constater la réalité: mon bébé devient une jeune femme et une page se tourne en direct sous mes yeux. J’étais fier d’elle, de sa démarche, de ce qu’elle devient… et en même temps, j’aurais voulu connaître Plan B pour vrai, juste pour retourner en arrière et lui lire une histoire pendant qu’elle est allongée dans son petit lit de princesse.
Idem pour mon petit Justin, celui qui m’appelle «mon pote» (mon surnom no 1), toujours dans la bulle de son père. Mon plus fidèle partenaire de hockey remplace graduellement son petit Daddies (mon surnom no 2) par son amoureuse. Une nouvelle vie se dessine, alors que maintenant, il me commente les matchs des Pingouins de Pittsburgh via texto… en direct de chez sa blonde.
Ce que je leur souhaite prend forme et tout ça est très sain. Ils se dessinent une vie à eux. Mais curieusement, le vide qui se pointe sera plus grand que je l’anticipais. Comme si je perdais des amis. Peut-être que je fais fausse route, mais j’ai le sentiment que le lien que les parents ont avec leurs enfants en 2020 est bien différent de celui qui existait en 1990. Pour différentes raisons, les familles sont devenues des petits clans tissés serré, des entités autosuffisantes et en symbiose. Et quand les enfants sont prêts à quitter le nid, le trou qu’ils laissent est immense. Mais c’est pour le mieux.
Ne reste plus qu’à souhaiter qu’ils deviennent des adultes solides, équilibrés, respectueux, intègres… et heureux. Mais c’est à eux d’écrire le prochain chapitre.
* ÉMISSION METTANT EN VEDETTE NOTRE FAMILLE SUR LE SITE ICI.TOU.TV/VEROTV.
Louis Morissette est auteur, comédien, humoriste, producteur, entrepreneur et mari de notre muse en chef. Ce texte provient du numéro hiver 2020 du magazine.
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