J’ai ce doux souvenir de ma jeunesse qui inclut le désagréable son de la soupape qui valse frénétiquement de gauche à droite: Pish! Pish! Pish! Pish! Et qu’est-ce qui arrivait si on ouvrait le Presto avant que la pression intérieure redescende? Le jambon allait revoler directement au plafond.
Je ne sais pas pour vous, mais par les temps qui courent, j’ai l’impression de vivre dans un Presto. Que la pression défonce le plafond, que la population est aussi fébrile que la soupape sur le couvercle et qu’à tout moment, les gens sont prêts à grimper dans les rideaux. Le niveau d’agressivité, d’anxiété et de colère atteint 147 sur une échelle de 1 à 10.
Vous dire à quel point je suis content de ne pas faire le Bye Bye cette année. Je suis plein d’empathie pour mes collègues scénaristes, acteurs et actrices, producteurs et productrices. La pression dans le Presto nous empêche d’avoir du recul, d’analyser, de lire les choses au deuxième degré. Dans la seconde, tout est perçu comme étant noir ou blanc, de gauche ou de droite, promasque ou complotiste, démocrate ou républicain, Suzie ou Annie Villeneuve. LOURD.DE. CHEZ.LOURD.
Lors du dernier gala des prix Gémeaux, ma conjointe Véronique Cloutier a fait un minigag sur Lucie Laurier. Ou plutôt, un gag sur le fait que Lucie Laurier se séparait de son agence artistique. Un gag inoffensif. Mais la réaction des gens contre le port du masque – complotistes, pas moutons, gardiens de la vérité, appelez-les comme vous voulez – est débarquée sur ses réseaux sociaux avec une violence inouïe. En presque 25 ans de métier, j’en ai vu, lu et entendu des critiques et des vacheries. Mais là, c’était de la pure folie. Un gros vomissement incontrôlé, illogique et épeurant. Je vous en livre un petit échantillon…
Ce genre de messages, Véro en a reçu des centaines (avec plusieurs «s») sur Facebook, Instagram et Twitter. On peut toujours banaliser la situation, y voir une exception, rester pragmatique et se dire qu’il y a toujours eu des fous et qu’il y en aura toujours, mais je me pose quand même des questions sur notre santé mentale collective. N’est-ce pas un peu réducteur de clore le débat en affirmant que «c’est juste des caves»? Quand une vidéo Youtube m’accusant d’être un collaborateur d’un gouvernement secret qui veut nous endoctriner et détruire l’économie (c’est bien mal connaître François Legault!) récolte des milliers de commentaires et de partages, ce n’est plus si marginal que ça. Quand un hurluberlu m’accuse d’être un pédosataniste et que des centaines de personnes abondent dans le même sens, ce n’est plus juste un «coucou» ou «un crayon mal aiguisé».
Au début, j’ai ri… Neuf mois plus tard, je commence à me poser certaines questions. Je ne veux pas être un prophète de malheur, mais j’ai bien peur que tout ça se termine dramatiquement. Suis-je le seul à vivre avec la crainte qu’une personne à la santé mentale fragile tombe sur les messages de dangereux manipulateurs à la Alexis Cossette-Trudel et que, dans une psychose, elle commette un geste irréparable? Les États-Unis n’ont pas le monopole des gens dérangés mentalement. Le Québec a eu son Richard Henry Bain. Attendons-nous un dénouement aussi dramatique pour se calmer le pompon collectivement?
Les messages que vous avez lus ci-contre font suite à un gag de huit secondes. Alors le 31 décembre, en regardant le Bye Bye, ne faites pas comme le jambon de ma mère en sautant au plafond. Je vous invite à enlever un peu de pression dans le Presto et à penser au défi que l’équipe aura à surmonter et aux commentaires auxquels ils devront faire face. Je vous souhaite de la paix, de l’amour et, plus que jamais, de la santé.
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Photo: Andréanne Gauthier