Ceci n’est pas un billet qui devrait atterrir dans la section des sports de La Presse. Suivez-moi deux secondes. Après des années plus difficiles, la lutte professionnelle revient en force. Oui, oui, la lutte avec des monsieurs huilés en Speedo. En février dernier, plus de 17 000 personnes (incluant l’auteur de ces lignes) se sont rassemblées au Centre Bell pour le SmackDown 2023. Ce fut une expérience fascinante.
Des milliers de personnes totalement impliquées émotivement, criant à tue-tête des «assomme-lé», «fuck him», ou «va chier, mon tabarnak», en regardant des faux ennemis combattre dans l’arène, dans des chicanes scénarisées d’avance pour un championnat qui ne vaut rien. Peu importe la passion déployée par les fans de 7 à 77 ans, l’enjeu avait été décidé autour d’une Budweiser des semaines à l’avance.
Certes, les lutteurs sont des athlètes impressionnants et courageux. Je ne juge pas leurs compétences. J’étais plutôt estomaqué de constater à quel point cette soirée semblait être une puissante catharsis pour les 17 000 personnes réunies. Je répète le chiffre parce que 17 000, c’est plus de spectateurs que pour certaines tournées d’humour, que pour plusieurs films québécois en salle et que pour la plupart des tournées théâtrales. Sans compter que la majorité des amateurs repartaient avec un affreux t-shirt à 40 $ ou une ceinture en plastique rappelant maladroitement celle du champion. Tout ça après avoir bu quelques bières à 15 $ chacune. Une somme substantielle pour regarder des acteurs sans formation faire semblant de s’haïr.
En voyant tous ces spectateurs s’époumoner à grands coups de «ta yeule», je me suis dit que c’était ce même besoin de vomir leurs frustrations accumulées qui incite les gens à écrire à des artistes qu’elles sont «laides», «mal habillées», «toutes refaites» ou «grosses». Kevin de Terrebonne s’agite contre l’ennemi de son lutteur favori, tandis que Francine de Mascouche considère qu’elle a le doua (!) de trouver qu’une artiste a «l’air d’une pute». Seul problème, Francine : la vie, c’est pas de la lutte. Les artistes qui sont derrière leur écran ne jouent pas dans un scénario auquel elles ont consenti à participer. Les insultes font mal pour vrai. Je précise ici que je n’utilise pas le féminin par accident, désinvolture ou provocation. Les commentaires contre les femmes sont plus fréquents et plus violents. Et ils proviennent malheureusement souvent de comptes de femmes. Pourquoi ? Je ne me risquerai pas à analyser cette tendance. Je ne fais que constater.
Récemment, la très gentille Guylaine Tremblay a décidé qu’elle en avait assez et a répondu sur son compte Facebook à des fans qui jugeaient son allure physique. J’ai applaudi dans mon salon. Guylaine est allée là où ma femme refuse d’aller, car Véro considère que ça ne changera rien et qu’il y aura toujours un pourcentage de gens mal élevés dans la société. Elle détourne le regard, parce qu’elle est souvent blessée par des messages du public. De mon côté, je n’ai pas cette grandeur d’âme. Je n’ai plus de patience devant l’impolitesse et la condescendance de certaines personnes du public. Maintenant, je réponds sur le même ton qu’ils ou elles nous écrivent. Mon épouse me chicane chaque fois.
Véro: «Quand tu fais ça, des dizaines et des dizaines d’autres personnes vont insulter cette personne-là.»
Moi: «Je sais. C’est pour ça que j’expose mon commentaire. Parce que je pense que c’est la seule façon de leur faire comprendre. C’est violent, recevoir 75 commentaires haineux ? Bienvenue dans nos vies ! T’es tanné(e) ? Imagine Marie-Mai !»
J’entends des Gaétan me dire : «T’acceptes pas la critique.» Non Gaétan, ça n’a rien à voir. «T’es un crisse de cave», c’est pas une critique, c’est une insulte. Pis non, j’accepte pas ça. Gaétane, elle, me répondrait sûrement : «T’as voulu être une personne publique, ben ça vient avec.» Y’est où ce livre de règlements-là, Gaétane ? Ma femme a choisi d’être animatrice et de divertir le monde, pas de se faire dire «qu’a fait dur».
Le lutteur accepte de se faire crier des bêtises. C’est son personnage qui est détesté. L’artiste n’a pas cette même convention avec son public. C’est sa personne, sa confiance en soi et son estime de soi qui se trouvent attaqués. Si vous «feelez» pas, achetez-vous un billet de show de lutte pis une grosse ceinture en plastique à 28 $.
Sur ce, dans l’espoir de lire des commentaires moins mesquins sur les médias sociaux, j’aimerais dire merci à la majorité des gens du public qui sont gentils, respectueux et constructifs : on ne parle pas assez de vous.
À PROPOS
Louis Morissette est auteur, comédien, humoriste, producteur, entrepreneur et mari de notre muse en chef.
Photo : Andréanne Gauthier
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