J’ai notamment vu le documentaire The Social Dilemma sur Netflix (oui, je peux parfois regarder autre chose que Véro.tv). Je vous le recommande fortement, même si j’ai tristement appris peu de choses.
Je sais que je suis constamment «monitoré» par des algorithmes, que mon téléphone en sait trop sur moi et que les likes ont un effet néfaste sur des milliers de personnes, particulièrement les jeunes, qui se définissent dans l’œil de l’autre. Et c’est tragique que je ne sois plus indigné devant tout ça. J’ai abdiqué, probablement parce que je suis dépendant des systèmes mis en place.
Là où j’ai été sonné par le documentaire, c’est lorsque la production rappelle et démontre à quel point nos réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) sont programmés pour nous nourrir de points de vue qui nous réconfortent. Les réseaux sociaux ne sont plus des lieux d’information. Ils deviennent des lieux de propagande où les gens ne font que s’abreuver des paroles de personnes qui pensent comme eux. Combien de fois vous êtes-vous dit: «Comment quelqu’un peut-il croire les âneries de Donald Trump? Comment peut-on croire que la COVID-19 est une machination d’une élite mondiale?» Réponse: parce que cette personne ne consulte que des publications qui vont dans le sens de ses croyances. Nous nous retrouvons dans une guerre des clans, où chaque clan ne parle qu’à des convertis et n’écoute plus le point de vue de son adversaire. On finit par ne répéter que ce qu’on entend, en oubliant de remettre en question certaines données qui nous sont balancées, de prendre le temps de se demander pourquoi nous pensons ainsi ou de demander à l’autre: «Pourquoi tu penses ça?»
La présence de Mathieu Bock-Côté à l’émission Tout le monde en parle, le 6 décembre dernier, a fait une belle démonstration de notre incapacité à débattre, de l’incompréhension du point de vue de l’autre et de la pauvreté des discussions sur la place publique. À la treizième minute de l’entrevue, Dany Turcotte insinue que Bock-Côté est un radical, qu’il est «à l’autre bout du spectre». Ce à quoi Bock-Côté répond: «Pourquoi?» Turcotte patine un peu. Bock-Côté enchaîne: «Mais encore?» Dany conclut son affirmation avec un «je ne sais pas quoi vous dire». Un simple «pourquoi?» resté sans réponse, qui représente bien la société actuelle.
Je m’en confesse, j’ai très peu d’atomes crochus avec Bock-Côté. Ses positions sur le racisme systémique et son protectionnisme identitaire m’exaspèrent. Mais il n’a pas tort 100% des fois où il s’exprime. Je compte d’ailleurs lire son essai [NDLR: L’empire du politiquement correct] dans les prochaines semaines. Si je suis pour détester quelqu’un, au moins je saurai pourquoi je le déteste. Et c’est là que les Québécois me dépriment, parfois. On veut faire taire ceux qui ne partagent pas notre point de vue sans même avoir écouté le leur. Paradoxalement, quand on prend le temps de jaser avec l’autre, on réalise souvent que nos positions ne sont peut-être pas si éloignées qu’on le croyait au préalable.
Demandez à quelqu’un: «Pourquoi t’as peur de l’immigration? Pourquoi ça te choque autant que Jay Du Temple porte du vernis à ongles? Pourquoi tu dis que le racisme n’existe pas? Tu travailles avec combien de Noirs? Tu en as vu combien acheter une maison au pied de Tremblant cette année?» Échangez… Vous allez voir que votre point a de bonnes chances de gagner, car les gens sont malheureusement souvent très mal informés.
«Wô, Morissette, Donald Trump n’a pas pris que des mauvaises décisions, tu sauras!» Certes, il a fait des choses intéressantes. Mais il faudrait d’abord définir «bonnes» et «mauvaises» décisions. Pour moi, valoriser systématiquement la libre entreprise et l’économie, c’est creuser l’écart entre les riches et les pauvres. Ça, c’est effriter le tissu social. Et ça, c’est plus dommageable que la baisse du Dow Jones. Pour moi. Vous n’êtes pas d’accord? Écrivez-moi, je vais vous lire.
Questionner. Se remettre en question. Se demander: «pourquoi?» Écouter le point de vue des autres. Et se forcer à consulter des articles et des éditorialistes qui ne nous rejoignent pas d’emblée. Il pourrait également être judicieux de ne pas toujours s’informer à la même source. La Presse a des affinités avec des gens ouvertement fédéralistes, Radio-Canada a un mandat pancanadien et Québecor appartient à un homme qui rêve d’être à la tête d’un Québec souverain. Je n’accuse personne, mais je vous conseille de varier vos sources. Vous croyez que les salles de nouvelles sont imperméables à toute forme de ligne éditoriale? OK… J’imagine que vous croyez également à la fée des dents ou à la défense d’Éric Salvail?
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Photo: Andréanne Gauthier