Il y a quelques semaines, j’étais invitée à Tout le monde en parle pour jaser de la télésérie L’œil du cyclone. Christine Beaulieu y incarne Isabelle, une mère de trois enfants débordée, tandis que je joue sa sœur Éliane, une femme de carrière célibataire et sans enfant.
Durant cette entrevue, Guy A. Lepage m’a demandé ce que je pensais du phénomène des «mères à boutte/mères indignes». J’ai expliqué que, tout en me sachant privilégiée d’avoir l’aide d’une gardienne à la maison depuis 18 ans, il arrive que mes enfants m’énervent, moi aussi, mais que je ne me reconnais tout simplement pas dans cette «mode» des mères qui ont besoin d’un verre de vin pour endurer leurs enfants. Je faisais bien sûr référence au discours répandu à ce sujet sur les réseaux sociaux et non à des individus en particulier.
Les jours suivants, plusieurs mamans m’ont écrit avoir été soulagées d’entendre une mère de trois enfants qui travaille exprimer un inconfort sur la tendance des «mères à boutte». J’ai aussi reçu quelques messages de mamans offusquées qui se sont senties attaquées par mes propos… et j’en étais vraiment désolée. J’ai répondu à quelques-unes d’entre elles que l’entrevue était en direct et que j’avais manqué de temps pour nuancer ma pensée (je ne voulais pas voler de temps d’entrevue à Christine).
Version longue de ma réponse? Je ne suis pas à boutte d’être une mère, mais je ne suis pas une maman en parfaite harmonie avec la maternité non plus. J’ai l’impression que nous sommes toutes pareilles. On a toutes des journées de rêve, du genre: les enfants s’entendent bien, les brassées de lavage roulent entre deux batches de muffins santé (qu’ils mangent sans dire ark!), on a de la patience et des sourires jusqu’au coucher. Et on a toutes, aussi, des journées poches: tout le monde se chicane, ça crie, le plus jeune commence à faire une otite, on est en retard au cours de gym, on manque de temps pour le lavage pis les lunchs, les enfants mangent des chips pis des céréales pour souper.
Évidemment, en tant que maman de 46 ans qui a eu trois enfants, je connais bien le concept de culpabilité liée à la parentalité. Un sentiment amplifié par les réseaux sociaux où, souvent, on voit des bébés et des mamans magnifiques poser dans de doux lainages coordonnés, dans une cuisine immaculée de style scandinave. Sur ces profils Instagram, la chaise haute est toujours en bois blond avec une tablette blanche, le couffin est en osier avec un coussin crème, toutes des belles affaires bien agencées qui nous font sentir ben nulles, nous autres, avec nos meubles qui matchent pas, notre salon bordélique pis notre tablette de chaise haute tachée de vieille sauce à spag (une tache qui date d’au moins sept ans, parce que c’est l’ancienne chaise haute de notre neveu). Je sais bien que le mouvement des mères qui affichent leur «à-bouttisme» sert à retrouver un certain équilibre. Comme un retour du balancier qui permet de ventiler sans être jugée.
Mon constat: la maternité soulève les passions et divise, alors que nous avons plus que jamais besoin d’être unies, solidaires et surtout… de se donner un break.
Ces mamans dont j’ai parlé tantôt, dans leur belle cuisine blanche, sont critiquées elles aussi. Je pense entre autres à Marilou, dont les abonnées lui reprochent souvent ses photos très esthétiques où ne traîne aucun jouet ni tache de ketchup. Mais c’est son choix de montrer du beau! Est-ce que ça fait d’elle une moins bonne ou une meilleure mère pour autant? On ne devrait pas avoir à justifier nos choix, que ce soit dans la vie réelle ou dans l’univers virtuel. Tes enfants sont aimés, nourris, soignés et stimulés? Parfait! Le reste, c’est pas de mes affaires! Si la simple vue d’une chambre de bébé bien rangée ou d’une cuisine sens dessus dessous nous enflamme, on devrait d’abord se questionner nous-mêmes sur la gestion de notre propre culpabilité.
Quelques personnes m’ont écrit que je ne pouvais pas comprendre ce que c’est que d’être au bout du rouleau parental, étant donné que j’ai «des nounous 24/7 depuis toujours» (ce qui est faux). Moi, c’est ça qui déclenche ma sirène de culpabilité et le besoin de me justifier. Comme si je ne m’étais pas occupée de mes enfants, comme si je ne m’étais pas levée toutes les nuits pour eux, comme si je n’avais pas ramassé leur vomi, consolé leurs peines et fait des maudits muffins santé.
On a toutes nos bibittes. On a toutes nos défis. On fait toutes notre possible.
En 2021, on le sent, la société essaie de devenir meilleure et bienveillante. Et si on ajoutait le mom-shaming à la liste des choses à bannir?
Je vous aime les mères parfaites, les mères à boutte pis tout ce qu’il y a entre les deux.
* Mon texte est au féminin par souci d’uniformité, mais tout ça s’applique aussi aux papas si vous le sentez!
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