Les ravissements de Kim Thúy : Karaté

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22 Juil 2021 par Kim Thúy
Catégories : MSN / Oser être soi / Véro-Article
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L’autrice Kim Thúy raconte les leçons de vie que son fils Justin a apprises grâce au karaté.

Je pesais 2,5 kg quand je suis née. J’étais allergique au poisson, aux fruits de mer, aux œufs, au lait, au vent, au froid… Je pleurais au moins deux, trois fois par jour, jusqu’à en perdre connaissance.

Depuis toujours, je me sais faible. Mon poing est plus petit qu’une pomme et mes jambes sont trop courtes pour les tabourets de bar! C’est pourquoi je me suis toujours tenue loin des conflits, des sports de contact et des combats. La première fois que je me suis retrouvée à jouer au football, je suivais la trajectoire de la balle pour courir dans le sens inverse.

Dès que j’ai pu, j’ai emmené mon fils Justin (il avait à peine six mois) à des cours de gym afin de déjouer chez lui, le plus rapidement possible, toute l’influence de mes gènes faibles. À ma grande surprise, il a commencé à marcher à 9 mois et à courir à 11 mois. (Je sais.) J’ai poursuivi ce travail de renforcement en l’inscrivant, entre autres, à un cours de karaté offert à son école primaire. Je l’ai accompagné au premier tournoi, où j’ai vu des karatékas plus âgés donner des coups qui déplaçaient l’air comme dans les films. Le seul son de ces mouvements me coupait le souffle!

Tranquillement, Justin a été obligé d’apprendre ces techniques de combat, ce qui m’a donné envie de le retirer du cours. Or, Justin m’a supplié de continuer. Il était tellement engagé, investi et heureux de rejoindre les autres karatékas – et surtout ses maîtres – qu’il allait à son dojo deux ou trois fois par semaine. Ensemble, ils formaient une bulle qui excluait les parents trop curieux, comme moi. Dès qu’il a pu, Justin m’a demandé de ne pas m’asseoir dans la salle et, éventuellement, de le laisser sortir de la voiture quand il arrivait au dojo sans que je m’arrête… ou presque.

Le plaisir qu’éprouvait Justin à faire du karaté n’a pas changé le fait que j’étais toujours contre l’idée du combat, des coups et des entraînements qui me semblaient bien trop exigeants. Mais je l’ai soutenu et encouragé après que Justin m’eut raconté une histoire à son retour d’un samedi de course en montagne avec son groupe.

Il devait avoir 10 ans. Son prof demandait toujours à celui ou celle qui arrivait au sommet en premier de retourner sur ses pas pour ensuite tenir compagnie au plus lent. Justin était très rapide, alors il se trouvait souvent à redescendre et à refaire le parcours. Du haut de ses 10 ans, Justin avait du mal à saisir la chance qu’il avait de s’entraîner deux fois plus que ses camarades, ce qui le rendait encore plus rapide… et surtout, plus attentif aux autres. Il avait inconsciemment appris de son prof que la force peut et doit être partagée sous forme de solidarité, de soutien et d’empathie.

Justin est devenu autonome et mène sa vie de jeune adulte avec discrétion. Je ne sais donc pas s’il met en pratique ses apprentissages. Cela dit, à la maison, peu importe le jour de la semaine, il reçoit la visite de son frère autiste dans son lit à six heures du matin sans broncher, même si Valmond lui raconte haut et fort ses rêves dans une langue inconnue, et ce, directement dans le creux de son oreille. Chaque fois, je dis tout bas: «Merci, Daniel Pépin!»

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