Comédienne et animatrice, Louise Deschâtelets a marqué le paysage artistique québécois des cinq dernières décennies avec ses rôles dans des téléséries mythiques comme Chambre en ville et Peau de banane. Depuis quelques années, grâce à sa chronique quotidienne où elle répond au courrier des lecteurs du Journal de Montréal, elle est devenue la confidente numéro un des Québécois.
Louise, quel regard portez-vous sur votre parcours professionnel? J’ai un parcours que je qualifierais d’idéal. Il y a eu des échecs, mais j’ai toujours eu du plaisir à faire ce que je fais. J’ai travaillé énormément et j’ai très bien gagné ma vie. Je fais partie des privilégiés, alors je ne pourrais pas me plaindre de quoi que ce soit. Encore aujourd’hui, je suis en forme et j’ai toute ma tête; je peux donc accepter les différents projets qui se présentent.
Justement, y a-t-il un projet que vous rêvez secrètement de concrétiser? Disons que si on m’offrait de rejouer dans une télésérie, ce que je n’ai pas fait depuis Virginie, j’accepterais. Ça me tenterait de m’engager dans un rôle de longue haleine.
Quel a été votre plus bel accomplissement professionnel? Je suis fière d’avoir réussi à me maintenir en haut de la vague aussi longtemps et d’être quelqu’un à qui on demande encore des choses étonnantes, comme de me joindre aux gars de La soirée est encore jeune ou de participer à des galas Juste pour rire. De faire des choses complètement folles et d’y prendre plaisir. Et aussi d’être en contact avec la population 365 jours par année, grâce à ma chronique au Journal de Montréal, c’est une grande marque de confiance. C’est la preuve que j’ai ma place dans la société, ma place de femme encore plus que de comédienne.
Quelles sont les qualités essentielles pour durer aussi longtemps dans le milieu artistique québécois? La persévérance et la constance sont les deux qualités les plus importantes, selon moi. Autrement, celle d’être part of the group, de ne jamais se considérer au-dessus des autres et de collaborer avec tous les membres de l’équipe, car c’est tout sauf un métier individuel. On a besoin d’une grande équipe pour arriver à un bon résultat.
«Sagesse» est un mot qui revient souvent lorsqu’on parle de vous. À 74 ans, vous sentez-vous sage? Je ne sais pas si j’ai atteint la sagesse, mais je me suis toujours considérée comme une personne heureuse, même dans les moments difficiles de ma vie. Je n’ai jamais vécu de creux, de périodes où tu es au bord du désespoir, que tu crois que ta vie est finie. J’ai toujours été positive et gardé espoir en l’avenir.
Avez-vous des regrets? Il y a des choses que je ferais différemment, oui, mais je n’ai aucun regret. Les expériences que j’ai vécues, les folies que j’ai faites, même si ce n’étaient pas toujours les meilleures décisions de ma vie, je ne regrette rien de tout ça, car c’est ce qui m’a façonnée.
Si vous pouviez voyager dans le temps, que diriez-vous à la jeune Louise que vous étiez? Qu’elle aurait pu perdre certains complexes beaucoup plus jeune. Ça m’a pris du temps à me décomplexer complètement. En fait, je pense que j’ai rajeuni en vieillissant. J’étais habillée plus strictement quand j’étais jeune, je faisais plus «madame», mais j’ai adouci tout ça en vieillissant, en me décomplexant.
Qui sont les femmes qui vous inspirent? Ma mère a été une personne importante pour moi. Elle était sévère, mais toujours juste et sensée. Elle m’a expliqué très jeune que je devais être une femme autonome financièrement, que je ne devais jamais dépendre des hommes. Les mères ne disaient pas ça, à l’époque… Comme autre femme inspirante, je dirais ma professeure de diction, Liette Janelle, que j’ai connue à l’âge de 4 ans. Elle a été un peu comme ma deuxième mère. Elle m’a vue grandir, évoluer, elle m’a beaucoup aidée.
Qu’est-ce que vous aimeriez réaliser, sur le plan personnel, que vous n’avez pas encore fait? J’espère simplement rester heureuse comme je le suis aujourd’hui pour le reste de mes jours et ne plus jamais avoir peur. J’avais des peurs avant mais je les ai toutes chassées et, maintenant, je n’ai plus peur de rien. D’ailleurs, la peur est ce qui sclérose beaucoup de personnes âgées. Dans mes conférences, je dis aux gens de se libérer de ça, car c’est la peur qui les empêche de se mêler à la société, de se sentir encore utiles. Il faut que les aînés restent à l’affût de ce que font les jeunes, il faut essayer de les comprendre pour qu’eux aussi soient en mesure de nous comprendre. C’est un échange. Les relations intergénérationnelles, ça ne concerne pas juste les jeunes qui doivent accepter les vieux sans faire de l’âgisme, ça vise les deux côtés.
Parlant de vos conférences, que vous présentez maintenant aux quatre coins du Québec, qu’en retirez-vous? Ç’a un aspect très personnel, parce que ça me permet de réfléchir à de grands thèmes sociaux qui touchent la population en général et, en même temps, de tester ma réflexion avec un vrai auditoire. Ça me permet de voir si ma position rejoint bien les gens, si ma parole touche la cible, si je suis sur mon X de société. Pour quelqu’un comme moi, qui écris tous les jours dans un quotidien, c’est important d’être en mesure de comprendre tout le monde et de s’en faire comprendre.
Quel rapport entretenez-vous avec les réseaux sociaux? Je ne suis pas présente sur les réseaux sociaux en raison de ma chronique à caractère humain dans le Journal de Montréal. Je préfère ne pas risquer de trop m’impliquer dans la vie de certaines personnes et de devenir leur béquille. C’est la principale raison de mon abstention. Et quand je regarde le temps que mon mari passe là-dessus… moi, je n’aurais certainement pas tout ce temps-là!
Quelle place occupe la mode dans votre vie? La mode a toujours été importante pour moi. J’ai toujours été intéressée par les designers québécois et je fais partie des premières qui les ont défendus, dont Jean-Claude Poitras, pour qui j’ai été une ambassadrice. Pour moi, ce qui est important, c’est d’apprendre à connaître son corps pour s’habiller en fonction de ce qu’on est. J’aime la mode, mais je ne la vois pas comme un diktat. Je la considère comme quelque chose dont on peut se servir pour maximiser ce qu’on a physiquement. Avec l’éventail de styles proposés sur le marché aujourd’hui, on peut bien s’habiller sans dépenser une fortune si on a appris à se valoriser physiquement et non pas en copiant la voisine ou les mannequins dans les magazines. Il faut aussi faire attention au gaspillage au sens large. Mieux vaut acheter moins, mais mieux!
Que représente à vos yeux le fait de vieillir? Le passage à la cinquantaine fut assez difficile pour moi. Je ne voulais pas en entendre parler, car c’est à ce moment-là que j’ai réalisé que je vieillissais. Je ne m’en étais jamais rendu compte avant… Mais aujourd’hui, je n’ai pas l’impression d’avoir 74 ans.
Quel est votre rapport à la chirurgie esthétique? Je ne suis pas contre la chirurgie esthétique, mais je n’en ferai plus jamais. J’ai subi une intervention il y a très longtemps, et depuis, c’est fini. Mais j’ai recours aux injections parce que c’est à ma portée, que c’est beaucoup moins cher et que c’est léger. Ça me permet d’atténuer les outrages du temps! (rires)
Pourquoi est-il encore tabou d’en parler en 2020? Parce qu’il y a plein de femmes élevées dans la morale judéo-chrétienne qui disent qu’elles veulent s’accepter comme elles sont et vieillir avec leurs rides. J’en ai, des rides, et ça se voit à la télé! Je n’ai plus la face que j’avais il y a 20 ans… Et même si on me dit souvent que je ne vieillis pas, oui je vieillis. Je me prive de certaines choses pour investir sur la qualité de ma peau et sur les produits capillaires que j’utilise. Et au final, ça paraît! Ce sont des choix de vie, ce sont MES choix de vie.
À voir, un extrait de l’émission Face à soi avec Louise Deschâtelets, diffusée dans la section VÉRO.tv de ICI TOU.tv
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Photos: Andréanne Gauthier
Stylisme: Claude Laframboise