Planète hommes : Patrick Emmanuel Abellard

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14 Fév 2023 par Valérie Chevalier
Catégories : Culture / MSN / Oser être soi / Véro-Article
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Tête-à-tête avec le comédien Patrick Emmanuel Abellard, qu'on voit partout et chez qui la reconnaissance est innée.

Ces deux dernières années, on l’a vu dans Toute la vie, Contre-offre, Pour toujours, plus un jour, Plan B, Avant le crash et Chouchou. Au théâtre, il a participé à deux pièces marquantes: Manuel de la vie sauvage et King Dave – qu’il a portée en solo, d’abord en français, puis en anglais, après en avoir assuré la traduction. S’il peut nous émouvoir, il arrive aussi à nous faire rire, comme en témoigne sa participation à la nouvelle mouture de Ladies Night. Bref, il est littéralement partout. Mais qui est cet ovni nommé Patrick Emmanuel Abellard?

Chez tous ceux qui croisent la route de Patrick Emmanuel, il y a cette impression persistante qu’il ira loin. Après l’avoir reçu pour la première fois en audition, Lucie Robitaille, illustre directrice de casting, aurait appelé son agente illico pour lui demander: «Mais il sort d’OÙ?» C’est ce que je comptais bien découvrir.

Patrick Emmanuel était déjà au restaurant iranien Byblos, où nous avions rendez-vous, lorsque je suis arrivée. Zut, je ne fais pas bonne impression! Il me rassure, tout sourire: «Tu es à l’heure, c’est moi qui étais d’avance!» Si poli qu’il s’excuse presque de sa ponctualité. Patrick Emmanuel est vraiment un charmant garçon. On commande du thé à la menthe, boisson signature de l’endroit, et on se met déjà à bavarder. Il est facile d’entrer en contact avec lui.

Patrick Emmanuel travaille autant en français qu’en anglais, et ce, sans accent. Difficile de retracer d’où il vient! Il rit en m’expliquant qu’il est né au Québec, mais qu’il a grandi en parlant trois langues: l’anglais, le français et le créole (ses parents sont haïtiens). Son parcours scolaire ayant été jalonné d’écoles privées bilingues, toutes les portes s’ouvraient devant lui. Mais c’est au Collège Dawson qu’il a fait ses classes.

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Acteur polyglotte

«Le français, c’est ma langue émotionnelle, mais dans ma tête de jeune garçon, quand je rêvais de jouer, je pensais à Hollywood! Si je voulais vivre de mon art, je pensais qu’il fallait que je travaille en anglais. C’était donc logique d’aller chercher mes bases dans cette langue-là, pour pouvoir les transposer à l’écran.» Un outil qui lui sert aujourd’hui et qui lui donne une grande liberté: «Les opportunités sont incroyables. Je ne connais aucun artiste bilingue noir qui maîtrise les deux langues sans accent!»

Difficile de croire qu’il ne caresse pas secrètement le rêve d’une carrière internationale. Et pourtant, pas à tout prix: «J’y vais une année à la fois. J’ai certains objectifs, mais j’adore Montréal. J’ai accès aux deux langues ici, ma famille est ici, on me connaît, on me respecte. Je me sens chez moi.» Sans nier qu’il souhaiterait développer une carrière à Toronto, qu’il aimerait «gravir ces échelons-là», il n’est toutefois pas pressé. Patient, ambitieux et réaliste, plutôt. «J’essaie de garder les pieds sur terre et de voir ce qui est possible. J’ai toujours été très désillusionné [en imaginant] ce que mon salaire allait être, mais chaque année, je m’assure qu’il augmente!» dit-il en riant.

Il y a quelque chose de rafraîchissant dans ce réalisme. À mes yeux, Patrick Emmanuel est à la fois rêveur et travaillant, une théorie que corrobore son agente Bridget Duchene: «Pat, je suis tombée en amour avec! C’est un gars qui connaît un gros succès, mais qui reste très humble par rapport à tout ça. Il est encore émerveillé, il n’en revient pas! Je trouve ça beau à voir.»

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Are you hungry for it?

C’est avec effusion que l’acteur parle de son agente et de ses parents, qui gravitent autour de lui. Il n’hésite pas à partager avec eux la lumière qu’on lui accorde. Son père haïtien, Jean Evens, a travaillé dur. Alors qu’il n’avait que 17 ans, il a immigré seul au Québec avant d’y faire migrer toute sa famille. C’est ici qu’il a rencontré Caroline Thélémaque, la mère de Patrick Emmanuel, de qui le comédien est très proche. C’est d’ailleurs elle qui l’a encouragé à oser rêver au jeu. Si son fils était heureux et faisait ce qu’il aimait, c’était tout ce qui comptait à ses yeux. Et pour cet enfant d’immigrants qui pensait plutôt faire carrière en droit comme ses compagnons de collège pour s’assurer un avenir, ce discours détonnait, mais faisait furieusement écho.

C’est dans ce contexte qu’il s’est inscrit au Collège Dawson, après avoir préparé son audition avec un ami alors qu’il n’avait pourtant jamais fait de théâtre. L’ancien quart-arrière semble avoir eu du flair, si on se fie à la carrière foisonnante qu’il connaît maintenant. Mais ce succès n’aurait pas été possible sans l’aide de son alliée, agente et amie, Bridget Dechene. «Elle travaille extrêmement fort, elle a faim!» dit-il, animé. On a vraiment monté ensemble. Quand elle m’a pris dans son agence, elle commençait tout juste, et aujourd’hui, elle représente plus de 50 comédiens! Je la trouve incroyable.»

Une relation précieuse, et surtout réciproque, s’est nouée entre eux. «Patrick Emmanuel, c’est de la famille!» s’exclame Bridget Duchene au téléphone. «J’ai ouvert mon agence en juillet 2014 et Pat l’a rejointe pas longtemps après. On est anglophones tous les deux, ça nous lie beaucoup. Quand on s’est assis ensemble, je lui ai demandé: “Are you hungry for it?” Il m’a répondu: “Yeah. Are YOU hungry for it?” Et c’est parti comme ça. Une collaboration qui perdure depuis. 

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Je ne sauve pas des vies, mais on me parle tous les jours de ce que je fais à la télévision. Je me dis que c’est un peu ridicule, mais c’est la carrière que j’ai choisie. Et après tout, c’est de l’amour que les gens m’offrent. La meilleure chose à faire, c’est de leur redonner cet amour-là, puis de m’assurer d’en être digne à long terme.

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L’extraterrestre caméléon

Avec ses 27 printemps bien tassés, le comédien peut aussi bien en paraître 25 ou 35. J’avance qu’il est un des comédiens les plus polyvalents de sa génération et il est touché par le compliment: «C’est quelque chose que j’ai toujours voulu, avoue-t-il. C’est un atout d’acteur qui m’impressionne. Je voyais ça en Leonardo DiCaprio, je voyais ça en Denzel [Washington], et je me disais: “I have to be that good if I want to live my dream.” J’ai fait beaucoup de travail personnel pour avoir accès à certaines facettes de moi, qui sont peut-être moins présentes dans mon quotidien.»

Son moteur principal, c’est sa recherche de vérité. «Je pense que je suis dans une grande quête de vérité, personnellement et spirituellement. Quand je travaille, je suis au service d’une histoire, de mon personnage. De mon art. C’est beaucoup plus facile pour moi de laisser aller une partie de mon égo sachant que ce n’est pas de moi dont il est question. Mon devoir, c’est de rendre justice à ce personnage-là, pour que tous les gens qui sont comme lui se sentent représentés adéquatement. Aborder le travail comme ça a beaucoup aidé ma polyvalence.»

Polyvalent, il l’est, oui, confondant les adeptes du petit écran en passant d’une télésérie à une autre sans se faire reconnaître ou cantonner à un type de personnage. C’est qu’il peut tout jouer, le petit mosus!

Comment se prépare-t-il pour un tournage? «Ça dépend du rôle. Pour Plan B, j’avais perdu 30 livres! Je jouais un policier et je voulais être plus découpé, alors j’ai embauché un entraîneur personnel. Il faut dire que c’était en période de COVID et que j’avais le temps et les ressources pour le faire», s’empresse-t-il de préciser. Aujourd’hui plus occupé, le comédien est conscient qu’il n’aura pas toujours ce luxe. «Je pense que maintenant, ma préparation se fait de façon holistique.»

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Brillante trajectoire

Patrick Emmanuel souligne aussi l’importance de prendre soin de lui: «J’ai un chiro, j’ai un ostéo. Très adepte du selfcare. Je consulte aussi un thérapeute toutes les semaines. Avoir une personne qui est là pour être bienveillant envers toi, mais aussi pour te confronter, c’est incroyable!» 

Sa sensibilité et sa transparence font du bien, je le lui souligne. «C’est important, dit l’acteur, qui se sent investi d’une responsabilité. Je veux m’assurer de faire partie d’un mouvement qui est positif pour les gens. J’ai beau être super humble, ne pas vouloir d’attention sur moi, me mettre la tête dans le sable et travailler comme un fou, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Aussi bien apprendre à intégrer cette tribune avec grâce et aider les gens le plus possible. Je ne sauve pas des vies, mais on me parle tous les jours de ce que je fais à la télévision. Je me dis que c’est un peu ridicule, mais c’est la carrière que j’ai choisie. Et après tout, c’est de l’amour que les gens m’offrent. La meilleure chose à faire, c’est de leur redonner cet amour-là, puis de m’assurer d’en être digne à long terme.»

Reconnaissant est le mot qui me vient en tête quand je pense à Patrick Emmanuel. Reconnaissant de sa chance, malgré tout le travail qu’il déploie. Je pense aussi au mot bienveillance, qui semble être la qualité qu’il apprécie le plus chez ses proches… et sur les plateaux qu’il fréquente.

Avant de le quitter, je veux éclaircir une dernière chose qui m’intrigue. Sur Instagram, son compte est libellé «Call Me Moon Rock». Pourquoi? «Moon Rock, c’est mon nom de rappeur. Parce que je veux, éventuellement, faire carrière en musique, avoue-t-il, gêné. Oui, j’aimerais vraiment ça, faire de la musique, et aussi de l’humour!» Les deux? dis-je, un peu ébahie. «Ouais. Life is long, why not? Si j’ai un autre 60 ans sur cette planète, one comedy special and one album, ça ne prend pas tant de temps! Il me reste encore plein d’années!» Et quel est le sens derrière ce fameux nom? «Moon Rock, c’est une roche de lune. C’est un peu comme ça que je me perçois, genre une roche, mais spéciale.»

Ne t’en fais pas, Patrick Emmanuel. Beaucoup de gens n’auront jamais la chance d’aller sur la Lune, mais ils auront celle de te voir briller. Que ce soit sur une scène ou à l’écran, tant que tu resteras sur notre planète, on continuera de suivre ta trajectoire.

SES ACTUS

Patrick Emmanuel présentera la version anglaise de King Dave, à compter du 28 mars, au théâtre Centaur. Il sera également en tournée avec la pièce Ladies Night partout au Québec. On pourra aussi le voir dans la nouvelle télésérie La candidate, qui sera diffusée sur l’Extra d’ICI Tou.tv en 2023.

Photos : Fred Gervais
Stylisme : Farah Benosman
Mise en Beauté : Rose Diop

 

 

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