Racisme: 5 phrases qu’on n’est plus capable d’entendre

16 Juin 2020 par Marilou Craft
Catégories : Oser être soi / Psycho / Véro-Article
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L'autrice Marilou Craft revient sur cinq phrases que les personnes racisées entendent plus souvent qu’à leur tour. Elle nous explique pourquoi on devrait éviter de les dire.

À mesure que d’importantes conversations sur le racisme se déroulent dans l’espace public, il devient évident que celui-ci ne se résume pas à une idéologie haineuse et à des préjugés conscients. Si c’est le cas à une échelle sociale, comme en témoigne notamment la reconnaissance officielle du racisme systémique par la ville de Montréal, qu’en est-il de nos rapports interpersonnels?

En 1970, le Dr Chester M. Pierce, psychiatre et professeur à Harvard, utilisait pour la première fois le terme « micro-agression » pour définir les façons subtiles dont les personnes noires pouvaient être rabaissées au quotidien. Le terme est maintenant utilisé pour décrire l’effet d’échanges interpersonnels en apparence anodine, mais qui contribuent néanmoins au traitement différencié de groupes marginalisés. Les micro-agressions peuvent être si insidieuses et inconscientes qu’elles sont difficiles à déceler en temps réel. En voici cinq exemples.

« Tu viens d’où? »

Cette question, malgré sa bonne foi, est posée bien plus souvent aux personnes racisées qu’aux personnes blanches, même dans des contextes où elle est totalement inattendue. Elle peut mener à un interrogatoire intrusif, alors que la personne questionnée n’est pas nécessairement disposée à détailler son parcours et sa généalogie. À force de devoir sans cesse expliquer ou justifier ses origines, on peut avoir l’impression que notre propre communauté nous considère comme une personne différente ou étrangère. En ce sens, cette question illustre bien pourquoi certaines personnes sont dites «racisées ».

« Je ne vois pas les couleurs. »

Lorsqu’on ne voit pas la couleur d’une personne, c’est toute une dimension de son identité et de son expérience qu’on ignore du même coup. En affirmant qu’il n’existe pas d’autre race que la race humaine, on utilise l’argument (pourtant véridique) de la biologie pour nier la dimension sociale de l’expérience humaine. Certains groupes subissent toujours les effets de discriminations historiques. Ne pas voir les obstacles à leur avancement peut mener à croire que les personnes affectées en sont individuellement responsables. Pour contribuer à éliminer ces difficultés, il faut d’abord les reconnaître!

« J’adore les personnes noires. »

On se défend parfois de discriminer les personnes racisées en mentionnant en compter dans son entourage. Certaines personnes vont même plus loin en affirmant une préférence pour une ethnicité particulière dans leurs relations amoureuses ou sexuelles. Bien que personne n’ait envie de subir un traitement défavorable à cause de son identité, l’inverse peut aussi susciter un malaise : il est inconfortable de sentir que nos proches réduisent notre identité à une seule de ses facettes, ou pire, qu’ils nous instrumentalisent ou nous fétichisent!

« Je ne suis pas raciste, mais… »

C’est un signe assez clair que le reste de la phrase peut être remis en question! Prenons l’habitude, lorsqu’on ressent le besoin de débuter une affirmation ainsi, de se demander en quoi elle pourrait être perçue comme raciste. S’agit-il d’un stéréotype ou d’une généralisation, par exemple? Est-ce un fait ou une opinion? D’où vient notre impression? De fil en aiguille, cette curiosité peut nous permettre de développer et ajuster notre point de vue.

Les avocats du diable

Enfin, il n’est pas rare que des personnes qui ne subissent pas directement le racisme se fassent « l’avocat du diable » en adoptant une posture raciste qui n’est pas nécessairement la leur, dans le seul but d’alimenter le débat. Pour les personnes dont la vie et le parcours sont impactés par le racisme, il ne s’agit pourtant pas de simples considérations théoriques! Pour elles, l’enjeu est réel, puisque leur qualité de vie est intimement liée au climat social. Lorsque nous parlons de discriminations que nous ne subissons pas nous-mêmes, il est important de ne pas oublier que notre détachement ne témoigne pas nécessairement d’une meilleure connaissance du sujet.

 

Bien qu’il soit difficile de repérer les micro-agressions, une chose est sûre : nous gagnons à écouter les personnes qui disent en subir les impacts. Leur expérience pratique est une précieuse source d’informations pouvant éclairer les angles morts et mener à une meilleure vue d’ensemble sur un enjeu aussi complexe que le racisme.

Marilou Craft est autrice et conseillère dramaturgique. Elle s’intéresse à divers sujets, dont la discrimination dans le milieu culturel.  Vous pouvez la suivre  sur mariloucraft.com ; Instagram @marilougarou et Twitter @ohmaloutre

 



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  1. yves dumouchel dit :

    Ou encore l’argent n’a pas d’odeur ON Y VOIT DES EFFIGIES DE PORTRAIT D’UNE REINE / OU D’UN MONARQUE ÉTRANGER ON ENTEND UN PAYS SUR LE BORD DU MARASME ÉCONOMIQUE ET ALLEZ DIRE QU’IL N’Y AVAIT PAS DE RACISME / QUAND ON SOUMET PLUS DE 4 MILLIONS D’AMÉRICAINS AU ‘BORD DE LA CRISE ÉCONOMIQUE’ ET LE MAL DU CORONAVIRUS QUI Y FAIT SON OEUVRE !ALLEZ FAIRE UN TOUR VERS L’EURO… OU LA MONNAIE DES ‘CHINOIS’ …OU D’AILLEURS ‘LA MONNAIE C’ EST -Y RACIALE !

  2. Dianne dit :

    Ouffff!! Je sais pas, mais là il y a quelqu’un qui a échappé une belle occasion de montrer qu’elle n’était pas raciste!! Moi, après la lecture de cet article, j’y vois tout le contraire.

    Voyons donc, si on exécute ces propos, plus personnes ne s’intéressera aux différences qui nous rassemble.

    Nous sommes tous des humains, ne vous déplaise!! Et oui, je continuerai à demander à des gens de couleur, aux gens de petites tailles, aux aînés, à mes nouveaux voisins ou collègues d’où ils viennent.
    Il n’y a AUCUN RACISME à s’intéresser aux autres humains que celui de s’intéresser qu’à votre petite personne et non autres!!
    J’aime tout le monde ?

  3. Anny Gagnon dit :

    Entièrement d’accord avec M. Roy. Très exprimé.

    J’ai sursauté la première fois que j’ai lu cette affirmation de Mme Craft. Je ne crois pas qu’elle est partagée par l’ensemble des personnes racisées ou non. C’est une marque d’intérêt et non une intrusion. C’est comme demandé: «vous travaillez dans quel domaine»? Devons-nous nous arrêter en pensant que la personne n’a peut-être pas de travail. Nous irions pas loin dans nos conversation avec autrui!

    À chaque moment où je me suis informée si la personne venait d’ailleurs ou d’ici, je n’ai eu que des échanges agréables avec des gens plus qu’intéressés à partager leur parcours de vie et leur origine. C’est l’occasion d’échanger entre humains.

    La question, bien posée, peut-être très enrichissante.

  4. Jean-Pierre Roy dit :

    Franchement, cette phrase « Tu viens d’où ? » est posée en milliards d’exemplaires partout dans le monde à tous ceux et celles qui ont un accent, une langue ou une allure différente de la culture locale. Je la pose même à un nouvelle connaissance, à un nouveau voisin. C’est une marque d’intérêt évidente. Et il serait raciste de s’intéresser à l’origine de quelqu’unE. Wow ! J’aurai tout lu.

    Quand j’étais en Europe, au Nord Afrique ou au Moyen-Orient, dans les pays de l’Est, autant que dans les provinces du Canada, et parfois à mon retour après 9 ans de voyage (à cause de mon accent légèrement déformée) on me l’a posé presque quotidiennement cette question et, sauf de très rares fois, c’était presque toujours une offre de contact, une marque d’intérêt afin de donner une première forme à ma culture, à mon bagage de vie, à ma dimension sociale de mon expérience humaine (sic). Sans compter les centaines de fois en voyage au Québec, qu’on m’a demandé d’où je venais. De Québec tout simplement.

    Deux blancs qui se portent intérêt ça irait. Deux noirs qui se portent intérêt, ce serait OK aussi. Mais l’intérêt d’un blanc envers un noir, c’est raciste ? Et cette question posée par un noir à un blanc (ce qui m’est arrivé des centaines de fois en voyage) comment devais-je la percevoir ? Votre remise en question de cette approche universelle est à mon avis extrèmement racisante et une invitation directe aux relations inégale entre les différentes origines des individus.
    Mais pire encore, ce rejet de cette expression est en totale contradiction avec vous-même, lorsque vous affirmez « Lorsqu’on ne voit pas la couleur d’une personne, c’est toute une dimension de son identité et de son expérience qu’on ignore du même coup. En affirmant qu’il n’existe pas d’autre race que la race humaine, on utilise l’argument (pourtant véridique) de la biologie pour nier la dimension sociale de l’expérience humaine ». Selon vous, il faut être capable de voir la différence, mais il ne faut pas la verbaliser, il ne faut pas demander d’info pouvant permettre de situer cette différence, il ne faut pas demander d’où a hériter l’interlocuteur/trice de cette différence.

    Pourtant, demander à une personne « d’où elle vient » est fondamentalement une ouverture vers cet accueil de la dimension sociale de l’expérience humaine de l’autre (sic). Mais à vous lire, il faudrait posséder les infos sur une personne par la science infuse, parce que tout en voyant une différence, il serait interdit d’en faire mention. Sinon on fait partie des racistes. Encore une fois Wow !

    Donc, selon vous, à chaque fois qu’unE nouveau/elle voisinE, une nouvelle connaissance, unE noirE, unE blancHE, unE métisséE, unE autochtone, unE arabe, unE espagnol, unE françaisE, unE russe, etc. que ce soit ici ou dans un autre pays, me demandera d’où je viens, il ne me restera plus qu’à lui demander ce que c’est que ce comportement raciste… et refuser cette belle demande de contact spontané…. venant d’un autre être qui voit chez moi une différence et qui s’y intéresse…

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