À mesure que d’importantes conversations sur le racisme se déroulent dans l’espace public, il devient évident que celui-ci ne se résume pas à une idéologie haineuse et à des préjugés conscients. Si c’est le cas à une échelle sociale, comme en témoigne notamment la reconnaissance officielle du racisme systémique par la ville de Montréal, qu’en est-il de nos rapports interpersonnels?
En 1970, le Dr Chester M. Pierce, psychiatre et professeur à Harvard, utilisait pour la première fois le terme « micro-agression » pour définir les façons subtiles dont les personnes noires pouvaient être rabaissées au quotidien. Le terme est maintenant utilisé pour décrire l’effet d’échanges interpersonnels en apparence anodine, mais qui contribuent néanmoins au traitement différencié de groupes marginalisés. Les micro-agressions peuvent être si insidieuses et inconscientes qu’elles sont difficiles à déceler en temps réel. En voici cinq exemples.
« Tu viens d’où? »
Cette question, malgré sa bonne foi, est posée bien plus souvent aux personnes racisées qu’aux personnes blanches, même dans des contextes où elle est totalement inattendue. Elle peut mener à un interrogatoire intrusif, alors que la personne questionnée n’est pas nécessairement disposée à détailler son parcours et sa généalogie. À force de devoir sans cesse expliquer ou justifier ses origines, on peut avoir l’impression que notre propre communauté nous considère comme une personne différente ou étrangère. En ce sens, cette question illustre bien pourquoi certaines personnes sont dites «racisées ».
« Je ne vois pas les couleurs. »
Lorsqu’on ne voit pas la couleur d’une personne, c’est toute une dimension de son identité et de son expérience qu’on ignore du même coup. En affirmant qu’il n’existe pas d’autre race que la race humaine, on utilise l’argument (pourtant véridique) de la biologie pour nier la dimension sociale de l’expérience humaine. Certains groupes subissent toujours les effets de discriminations historiques. Ne pas voir les obstacles à leur avancement peut mener à croire que les personnes affectées en sont individuellement responsables. Pour contribuer à éliminer ces difficultés, il faut d’abord les reconnaître!
« J’adore les personnes noires. »
On se défend parfois de discriminer les personnes racisées en mentionnant en compter dans son entourage. Certaines personnes vont même plus loin en affirmant une préférence pour une ethnicité particulière dans leurs relations amoureuses ou sexuelles. Bien que personne n’ait envie de subir un traitement défavorable à cause de son identité, l’inverse peut aussi susciter un malaise : il est inconfortable de sentir que nos proches réduisent notre identité à une seule de ses facettes, ou pire, qu’ils nous instrumentalisent ou nous fétichisent!
« Je ne suis pas raciste, mais… »
C’est un signe assez clair que le reste de la phrase peut être remis en question! Prenons l’habitude, lorsqu’on ressent le besoin de débuter une affirmation ainsi, de se demander en quoi elle pourrait être perçue comme raciste. S’agit-il d’un stéréotype ou d’une généralisation, par exemple? Est-ce un fait ou une opinion? D’où vient notre impression? De fil en aiguille, cette curiosité peut nous permettre de développer et ajuster notre point de vue.
Les avocats du diable
Enfin, il n’est pas rare que des personnes qui ne subissent pas directement le racisme se fassent « l’avocat du diable » en adoptant une posture raciste qui n’est pas nécessairement la leur, dans le seul but d’alimenter le débat. Pour les personnes dont la vie et le parcours sont impactés par le racisme, il ne s’agit pourtant pas de simples considérations théoriques! Pour elles, l’enjeu est réel, puisque leur qualité de vie est intimement liée au climat social. Lorsque nous parlons de discriminations que nous ne subissons pas nous-mêmes, il est important de ne pas oublier que notre détachement ne témoigne pas nécessairement d’une meilleure connaissance du sujet.
Bien qu’il soit difficile de repérer les micro-agressions, une chose est sûre : nous gagnons à écouter les personnes qui disent en subir les impacts. Leur expérience pratique est une précieuse source d’informations pouvant éclairer les angles morts et mener à une meilleure vue d’ensemble sur un enjeu aussi complexe que le racisme.
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Photo: Julie Artacho