Avez-vous déjà eu le vertige, en tant qu’épouse du premier ministre, devant la pression de prendre la parole et d’être scrutée à la loupe?
Je mentirais en disant qu’il n’y a aucune pression. Mais j’ai 44 ans, je n’en ai plus 20, et j’ai commencé à œuvrer dans ce métier-là avant de rencontrer mon mari. C’est donc un peu comme si la vie m’y avait préparée, d’une certaine manière. Je ne pense pas que les gens sont surpris de m’entendre quand je m’exprime, parce que c’est entièrement dans mon registre.
Comment enseignez-vous à vos enfants à s’exprimer et à assumer leurs convictions?
Dans la famille, on parle beaucoup de nos émotions et les enfants se nourrissent de notre énergie, de nos paroles, de nos gestes. Récemment, j’ai conseillé à ma fille, qui avait de la peine, de vivre son émotion, de l’explorer, car c’est un cadeau. On n’a pas été élevés comme ça, au Québec. Notre culture nous dicte plutôt de fuir ce qui fait mal, alors qu’au fond, la transformation passe par là. Pour oser être soi, il faut savoir qui on est. Et pour y arriver, on doit passer par une gamme d’émotions, parfois positives, parfois négatives. On ne souhaite de souffrance à personne, mais l’évolution implique d’explorer les situations avec lesquelles on est mal à l’aise, tant dans une discussion en société que dans une discussion intérieure avec soi-même.
Que veut dire «oser être soi» pour vous?
C’est devenu un projet excessivement difficile à explorer et à réussir, parce qu’il y a tellement de forces contraires qui projettent des images et des idées irréalistes de nous-mêmes! Et se mentir à soi-même, se mentir en tant que société, c’est la plus grave erreur qu’on puisse faire pour le bien de l’humanité.
Vous êtes porte-parole de la fondation Fillactive, de la Semaine de la santé mentale, et guide honoraire de Parc Canada. Comment choisissez-vous les causes auxquelles vous vous associez?
Je choisis mes causes en fonction des démarches que j’avais déjà entamées personnellement. Par exemple, j’aime m’impliquer auprès des jeunes filles ayant des désordres alimentaires, parce que j’en ai moi-même souffert quand j’étais jeune. C’est toujours plus vrai quand on parle d’une expérience personnelle. En fait, si je ne sens pas d’intégrité, ça ne m’intéresse pas.
Pourquoi donner la parole aux femmes est-il une priorité pour vous?
La moitié de la planète voit ses droits bafoués parce qu’il s’agit de femmes. L’information, la recherche et la science nous le démontrent. Pour moi, le féminisme n’est pas un choix, c’est un fait. Réveillons-nous!
Quelles sont les femmes qui vous inspirent?
Il y en a trop pour que j’en choisisse. Je suis profondément nourrie et touchée par la solidarité féminine. Ça me renverse! Maintenant, il faut embarquer nos hommes et nos gars, parce qu’ils sont pris dans l’étau d’une définition de la masculinité qui nous fait mal et qui leur fait mal. Au final, le féminisme n’est pas une bataille des sexes, c’est une quête vers plus d’harmonie entre les êtres humains.
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