À Noël, on célèbre… les autres!

22 Nov 2017 par Rose-Marie Charest
Catégories : Psycho
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La psychologue Rose-Marie Charest nous invite à célébrer nos relations interpersonnelles.

Et si on profitait du temps des Fêtes pour célébrer nos relations interpersonnelles, celles qu’on a vécues, celles qu’on voudrait enrichir? Et si on décidait d’investir davantage sur le capital humain plutôt que sur des cadeaux empilés sous le sapin?

En cette fin d’année, qu’est-ce qui nous donne envie de passer davantage de temps avec nos proches?

Je pense que les gens sont de plus en plus en quête de sens à leur vie, et les relations interpersonnelles sont ce qui donne le plus de sens à notre existence. On veut aussi sentir qu’on vit intensément. Or, ce sont nos relations avec les autres qui suscitent les émotions les plus fortes… pour le meilleur et pour le pire.

On pourrait très bien appliquer cette résolution toute l’année, alors pourquoi attendre au temps des Fêtes?

Parce que cette période de l’année a tendance à augmenter la charge émotive tant par les souvenirs qu’on revit que par ceux qu’on se construit. À preuve, bien des gens sont capables de se remémorer des émotions, des odeurs, des moments très précis liés à des Noëls de leur enfance, même si tout ça remonte à plusieurs dizaines d’années. Ce qui se passe dans le temps des Fêtes reste longtemps gravé dans la mémoire. Par conséquent, on pourrait décider cette année de ne pas consacrer tous nos efforts à en mettre plein la vue aux invités avec une grandiose réception qui fait «wow», mais plutôt à tenter de créer des moments de belle complicité avec nos proches, qui repartiraient avec un «wow» intérieur. Au lieu de se dire: «Quel serait le meilleur resto où aller dans le temps des Fêtes?», on pourrait se demander quelle serait la meilleure façon de célébrer avec notre famille, nos amis ou nos collègues afin de pouvoir apprécier le temps qu’on passe avec eux. Ça inclut bien sûr le choix du lieu, mais ça ne s’y limite pas. Il faut arrêter de penser que l’extravagance est garante de beaux souvenirs: pas besoin que l’événement soit compliqué et coûteux pour créer une atmosphère porteuse de sens!

Participer au party de bureau, recevoir parents et amis, faire des cadeaux aux enfants: n’est-ce pas justement ça, célébrer les relations interpersonnelles?

Ça dépend ce qu’on ressent en posant ces gestes: on pourrait se plier à ces rituels par convention, parce que c’est ce qu’on attend de nous, sans toutefois y mettre du cœur. Pour aller véritablement à la rencontre des gens, tout est dans l’attitude: la curiosité, l’écoute, l’ouverture, l’engagement de soi.

Par exemple, si on organise le 5 à 7 du bureau et qu’on a en tête de permettre aux gens de se parler, on évitera de choisir un bar où la musique forte empêche toute tentative de conversation. Les rencontres interpersonnelles passent d’abord par le langage, et le but des rencontres, c’est de découvrir des aspects inconnus ou méconnus de l’autre. Pour ça, il faut un cadre propice. À cet égard, je déplore ces repas où l’étiquette exige que les conjoints s’assoient ensemble, alors qu’il y a sans doute d’autres personnes à table qu’il serait plaisant de découvrir ou de redécouvrir (soit dit en tout respect pour nos conjoints… qu’on voit tous les jours ou presque!).

Et si on n’a rien à dire? Belle soirée en perspective!

La question à se poser est plutôt: «Qu’est-ce qui nous fait peur dans le fait de rencontrer de nouvelles personnes ou des membres de la famille qu’on fréquente moins?» Est-ce qu’on craint d’être jugée? Ça risque d’arriver si on se met en «mode performance» et qu’on cherche à briller. Je suggère plutôt d’aborder les gens avec plus de légèreté, en se disant qu’on part à leur découverte. Une personne qu’on découvre est toujours intéressante. On peut même passer un bon moment avec notre cousin prétentieux qui se vante de sa montre à 3000 $ si on décide de découvrir ce qui habite cet homme, ce qui le fait vibrer. Il y a fort à parier qu’il y a une histoire derrière cette fameuse montre et qu’il sera heureux de la raconter!

Les gens adorent parler d’eux, ils en ont même besoin. On le constate d’ailleurs sur les réseaux sociaux, où ils expriment volontiers leurs opinions et n’hésitent pas à exposer les moments marquants de leur vie. Le besoin d’expression de soi est de plus en plus fort: après tout, on vit à l’ère des communications!

Est-ce que ça vaut la peine de s’intéresser aux personnes qu’on ne reverra probablement jamais, comme la «copine du jour» d’un collègue volage, par exemple?

Bien sûr que oui! On regarde bien un film pendant deux heures tout en étant certaine de ne jamais croiser les personnages, alors pourquoi on ne consacrerait pas autant de temps à découvrir une vraie personne? Les rencontres nous enrichissent, car elles nous permettent de mieux connaître ce que nous sommes vraiment, nos limites, nos propres réactions à ce qu’on nous raconte. Peut-être qu’on se rendra compte qu’on n’a rien en commun avec la jeune femme en question, mais peut-être aussi que sa spiritualité ou son sens de l’humour nous marquera. On ne perd jamais son temps à rencontrer des gens. Si on s’intéresse à eux, ils deviennent intéressants.

Comment faire en sorte que les relations interpersonnelles soient au cœur des célébrations avec nos proches?

On commence par réfléchir à ce qu’on attend des moments qu’on passera ensemble. On se consacre ensuite à créer une atmosphère favorable, car le succès d’un événement repose souvent sur l’atmosphère qui y règne. Par exemple, on dose les activités de manière à prévoir des pauses propices à la conversation. On dispose aussi les tables et les chaises de manière à favoriser les échanges. Et on s’organise pour que les gens puissent bouger et changer d’interlocuteur assez régulièrement.

Cela dit, il se passe beaucoup de choses en un an. Tout le monde traverse des étapes, qu’il s’agisse d’une naissance, d’un déménagement, d’un changement d’emploi, de la perte d’un être cher, d’un voyage, d’une maladie… Or, ces étapes rythment la vie de ceux et celles qui les traversent et leur récit peut s’avérer fort enrichissant. Alors non seulement on manifeste notre intérêt, notre complicité ou notre sympathie en abordant ces sujets avec les personnes concernées, mais on amorce du même coup une réflexion sur ce qui nous attend quand on devra faire face à des situations semblables. Oser se révéler en partageant ses propres expériences renforce le lien qui nous unit aux autres.

Au fait, de qui a-t-on vraiment envie de se rapprocher durant les Fêtes?

On commence dès maintenant à réfléchir aux personnes qui nous sont chères, avec qui on aimerait approfondir notre relation, et à la façon dont on aimerait vivre le temps des Fêtes avec elles. Si on veut les intégrer à nos activités de Noël, on le planifie sans tarder. Et si une sortie au resto ou au musée serait plus appropriée avec telle personne ou tel groupe, on l’inscrit à l’agenda.

Les Fêtes sont aussi l’occasion de se rapprocher des gens avec qui on veut reprendre contact ou faire la paix. À ce propos, la simplicité a bien meilleur goût. Une invitation à faire quelque chose ensemble, sans trop dramatiser les retrouvailles, serait une bonne manière de faire un premier pas. Et comme on sait déjà que la période de Noël est fertile en émotions, il n’est pas nécessaire d’en rajouter. On ouvre la porte sans rien forcer. Une fois le contact rétabli, le lien pourra se retisser au rythme de chacun.

Il n’y a pas de honte à profiter de l’ambiance des Fêtes pour dire à ces gens qui ont compté pour nous à quel point on a envie de garder contact avec eux. Cette collègue dont on a été très proche, mais qu’on ne voit plus parce qu’elle a pris sa retraite, pourquoi ne pas l’inviter pour un café? Et pourquoi pas au party du bureau? Même si elle ne vient pas, elle saura au moins qu’on ne l’a pas oubliée. Et le lien continuera d’exister.

Il n’est pas rare d’entendre: «Je ne sais vraiment pas quoi lui acheter, cette année!» Les cadeaux ne devraient-ils pas avoir une portée plus significative?

On voudrait tellement trouver l’objet qui plaira à l’autre! Parfois, la magie opère: on est inspirée et on tombe juste. Mais souvent, ce n’est pas le cas. Or, les mots demeurent la meilleure façon de donner tout son sens à un cadeau. Un mot authentique, qui s’adresse à la personne à qui on l’offre. Les cadeaux servent à exprimer un sentiment: l’amour, la complicité, la tendresse, la bienveillance… C’est aussi ça, célébrer les relations interpersonnelles: exprimer nos émotions aux personnes qui nous sont chères. Une paire de mitaines rouges offertes à notre cousine peut sembler un cadeau bien «ordinaire», mais si la paire de mitaines est accompagnée d’une carte mentionnant «je les ai fait tricoter pour toi, pour garder ta nouvelle bague de fiançailles bien au chaud cet hiver!», le présent devient beaucoup plus significatif. Ce qui compte n’est pas tant le cadeau comme tel, mais son emballage affectif, le sentiment qu’il y a derrière l’objet qu’on a choisi d’offrir pour faire plaisir.

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Photo: Stocksy



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