Au moindre malaise ou symptôme, Amélie, 34 ans, comptable et maman, avait l’habitude de se précipiter sur son ordi ou sa tablette pour entreprendre des recherches. «J’explorais inlassablement les tonnes de sites que me proposait Google en quête d’explications à propos d’une douleur dans le bas du dos ou d’une toux inhabituelle chez un de mes petits, raconte-t-elle. Je me noyais dans une mer d’informations souvent contradictoires. Je ne savais plus si je devais m’inquiéter ou non. Je n’osais pas déranger mon praticien avec mes théories ni embêter un professionnel de la santé avec mes craintes. À force de chercher à tort et à travers, je ne trouvais jamais de réponse satisfaisante… ni la tranquillité d’esprit.»
REDOUTER LA TEMPÊTE
On ne veut pas attendre jusqu’à notre prochain rendez-vous médical pour parler de nos pépins de santé? Et hop, on fait appel à Dr Google, «médecin» sans frontières, dispo 24 heures sur 24. De 2005 à 2009, selon Statistique Canada, le pourcentage de Canadiens ayant consulté le Web pour toutes sortes de raisons liées à leur condition physique ou mentale, ou à celle d’un proche (renseignements médicaux, saines habitudes de vie, etc.) est passé de 57,9 % à 69,5 %. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Étant donné la multiplication des maladies chroniques, le vieillissement de la population et les attentes prolongées pour obtenir une consultation, on serait folle de s’en passer. Le hic c’est que toute info que nous transmet ce doc virtuel n’est pas forcément crédible ni pertinente. «Les gens croient que parce que c’est en ligne, ça doit être vrai, dit Marie-Thérèse Lussier, médecin et coauteure du livre La communication professionnelle en santé. Or, ce n’est pas toujours le cas. N’importe quel individu ou groupe est en mesure de créer un site d’apparence respectable, mais dont le contenu n’est pas pour autant fondé sur des données probantes.»
Une information glanée sur la Toile, qu’on prend pour argent comptant, peut aussi générer de la peur. «Par exemple, en apprenant qu’une tache de rousseur sur l’arrière de la jambe pourrait être un mélanome, on devient certain qu’il s’agit d’un cancer de la peau alors qu’en réalité, ce n’est pas obligatoirement le cas», souligne la Dre Lussier.
Geneviève, 42 ans, maintenant devenue une navigatrice hyper futée, sait à quel point il est facile de se faire bluffer, surtout si on manque de jugement. «Dès qu’un ami ou un parent me parlait d’un symptôme, je me lançais dans des recherches sur le Web, puis je lui revenais avec un tas de suppositions et de recommandations. On m’appelait Dre G. Mais à un moment donné, je suis allée trop loin en laissant supposer à une cousine qui avait une douleur à l’aine qu’il s’agissait sans doute d’un cancer des ovaires. Moi qui voulais l’aider, je n’ai réussi qu’à l’affoler pour rien.»
S.O.S. CYBERCONDRIE
La croissance exponentielle des sites consacrés à notre mieux-être, sans compter la diffusion au petit écran d’une foule d’émissions médicales, peut certes contribuer à exacerber le sentiment d’angoisse chez certaines personnes, notamment celles qui sont prédisposées à l’hypocondrie. Comme Amélie, qui avoue avoir souffert de cybercondrie, un trouble touchant une partie des internautes, obsédée par les sites liés à la santé sur le Web. «J’imitais ma mère hypocondriaque qui, durant mon enfance, appelait le pédiatre dès que mon nez se mettait à couler ou que mon frère se blessait à un genou. Elle consultait des livres médicaux et dévorait des articles dans des magazines, puis se faisait sa propre idée, toujours sous le coup de l’anxiété. Pour ma part, je me fiais à Dr Google et à Dr House, deux médecins savants, avec lesquels il est cependant impossible de dialoguer. Sans bénéficier de conseils experts, j’imaginais sans cesse les scénarios les plus catastrophiques.» Pour Amélie, dont le moral avait chuté à force de s’inquiéter pour elle-même et surtout pour ses enfants, une intervention en psychothérapie s’imposait: «En consultant, j’ai appris à tempérer mes angoisses et cessé de poser des diagnostics.»
«Les algorithmes de Google sont basés sur la popularité et n’ont aucune validité médicale.» — Cathy Bazinet, fondatrice et éditrice d’e-santé communication
E-PATIENTE MODÈLE
Si on ne veut pas que notre toubib nous prenne en grippe, on aurait intérêt à ne pas imiter Woody Allen qui avait essayé de convaincre son praticien que ses lèvres gercées indiquaient qu’il avait une tumeur au cerveau ou la maladie de la vache folle. Pour mieux prendre soin de nous et de nos proches, on gagne à se dire «Wô capitaine Bonhomme!» devant une info qui n’a pas été validée. En évitant de jouer au docteur, on est plus assurée d’arriver à bon port. Bonne navigation!
Photo: Stocksy
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