Est-ce que le cocooning est toujours une bonne idée?
UNE PAUSE NÉCESSAIRE
Pourquoi valorise-t-on autant le cocooning de nos jours? Parce que c’est un moment de détente qui sert à nous materner nous-même et à nous rapprocher de ceux qu’on aime, bien à l’abri dans le cocon familial. On se rappelle de ces moments de notre enfance, quand on était trop enrhumée pour aller à l’école et que notre mère prenait soin de nous avec une doudou et un bol de soupe. On a encore besoin de ce genre de bulle de réconfort. Le cocooning sert à nous mettre à l’abri du tourbillon, à nous rapprocher de notre conjoint et de nos enfants, à valoriser notre intimité et à faire contrepoids à notre vie publique.
Je n’ai ni enfant ni conjoint avec qui vivre des moments de «reconnexion». Devrais-je quand même me réserver du temps pour «cocooner» avec moi-même? Bien sûr que oui! Une personne vivant seule doit aussi se permettre de sortir de sa routine et se détacher de ses obligations. Ce n’est pas parce qu’on dispose de tout notre temps à la maison qu’on prend forcément le temps de se dorloter. Le cocooning en solo devrait nous permettre d’autres choix que ceux qu’on fait tous les jours, comme flâner au lieu de faire le ménage un samedi, regarder des films jusqu’à 2 h du matin sans culpabilité, ou flâner dans un bain chaud au beau milieu de l’après-midi, ce qui n’arrive jamais d’habitude. On peut en profiter pour s’autoriser diverses explorations: cibler ce qu’on aime boire et manger et s’offrir ces douceurs; définir aussi ce qu’on aime regarder, écouter, et y consacrer du temps. L’écoute du silence est aussi bénéfique pour mieux prendre contact avec notre vie intérieure, nos rêves, notre créativité.
J’ai envie de cocooning tous les jours. Est-ce malsain? Ça devient malsain quand le besoin de rester seule chez soi est synonyme de fuite. Par exemple, quand on ne veut plus voir personne, parce qu’entretenir des relations nous apparaît trop lourd, ou qu’on n’a pas la force de trouver des solutions pour résoudre nos problèmes ni faire face à nos responsabilités.
Le cocooning s’inscrit dans le temps: comme pour des vacances, cette période de détente a un début et une fin. On peut tirer les rideaux, verrouiller la porte et ne plus répondre au téléphone pour le simple plaisir de vivre à notre rythme pendant quelques heures, voire une journée. Cocooner, ça ne signifie pas ne rien faire, ça veut plutôt dire prioriser notre bien-être dans l’intimité. Or, si ce n’est pas la recherche de plaisir qui nous motive, mais plutôt l’anxiété de faire face au monde, c’est qu’on est peut-être au bord de la dépression. Une consultation avec un professionnel serait alors à considérer.
Admettons que tout ce qui compose le cocooning nous déplaît: la cuisine réconfortante, les marathons de télé, les siestes sur le canapé. Est-il possible que le cocooning ne soit pas fait pour nous? Tout à fait! Le cocooning n’est pas forcément le moyen universel pour se détendre! Certaines personnes ont besoin de stimulation extérieure: des expositions à découvrir, des spectacles auxquels assister, des gens à rencontrer qui les propulsent ailleurs que dans leur quotidien et qui leur procurent aussi une vive impression de contentement. Flâner dans sa propre ville comme si on était en voyage, c’est aussi du cocooning!
Cela dit, c’est aussi un besoin essentiel chez l’humain d’avoir un chez-soi où il n’est pas en représentation, où il ne répond à aucune exigence, où il vit en harmonie avec lui-même et ce qui l’entoure. Si notre maison est un problème, s’il lui manque ce petit supplément d’âme pour s’en faire un agréable cocon, il faut alors s’inspirer des lieux où on se sent bien pour améliorer notre propre logis afin de satisfaire notre besoin d’un chez-soi. Si c’est l’idée même de se retrouver ne serait-ce qu’une heure à la maison qui devient source d’angoisse, il faut alors cesser de fuir la solitude et apprendre à l’apprivoiser. Être bien seule avec soi-même est essentiel à notre liberté.
DÉTENTE: MIEUX VAUT NE PAS EN FAIRE TROP!
Dans nos vies très organisées, à quel moment est-il plus judicieux de faire une pause cocooning: lorsque notre agenda nous le permet ou quand on est vraiment à bout de souffle? La dimension la plus importante de la santé psychologique et du bonheur est la connaissance de soi. Or, pour se connaître, il faut être constamment à l’écoute de nous-mêmes, particulièrement afin de sentir ou de prévoir notre niveau de fatigue (selon les périodes de pointe à notre travail, par exemple), ainsi que d’évaluer notre degré de satisfaction et d’insatisfaction, nos besoins de repos et de plaisir.
Prévoir un moment de repos, c’est déjà commencer à se reposer… et ça nous aidera sûrement à surmonter certaines exigences du quotidien. Pour la majorité des gens, tirer profit d’un long congé férié de temps en temps – ou de la semaine de relâche pour les parents – est suffisant pour recharger leurs batteries et se reconnecter avec ceux qu’ils aiment. D’autres personnes ont besoin d’aller à leur chalet chaque weekend de façon à pouvoir cocooner régulièrement. Il faut savoir ce dont on a besoin pour prendre soin de soi comme on prendrait soin d’une amie.
Comment faire en sorte que notre weekend ou notre semaine de cocooning soit bénéfique pour nous, notre conjoint et les enfants? Le rythme est important. Ce qui est fatigant dans une famille, c’est de ne pas toujours être au même rythme. Le cocooning devient donc l’occasion idéale de se mettre au diapason, ne serait-ce que le temps d’un souper. Ce n’est pas l’activité qui est importante en soi; l’essentiel est qu’elle nous rejoigne et qu’elle favorise la construction de liens intimes et complices. Regarder un film tout droit sorti des années 80 avec nos enfants (Ferris Bueller’s Day Off, Uncle Buck, etc.) va certainement les faire s’interroger sur notre réalité d’adolescence («Quoi? Internet n’existait pas dans ce temps-là?»)… et nous rappeler, de notre côté, quelques beaux moments nostalgiques!
S’ARRÊTER SANS CULPABILITÉ
La dernière fois qu’on a voulu «cocooner» en famille, on n’en a tiré aucun bienfait. Les enfants étaient sur leurs écrans ou constamment en train de se chamailler, et on a passé notre temps à ramasser les traîneries et à cuisiner. On s’est juré de ne plus jamais recommencer! À moins que… À moins de réduire nos attentes! En fait, il faut changer notre grille d’analyse et envisager qu’une semaine de relâche réconfortante puisse être constituée de plusieurs petits bonheurs. Et qu’à travers nos activités en famille, il devra y avoir des espaces consacrés aux plaisirs individuels. Il ne faut pas «forcer» le cocooning: la liberté et le bien-être de chacun passent avant tout le reste.
On aurait aussi avantage à accorder un peu plus de latitude à notre routine quotidienne, que cela respecte ou non les bonnes pratiques éducatives et nutritionnelles. Les enfants préfèrent manger des collations toute la journée plutôt que notre bœuf aux carottes mitonné avec amour? Pourquoi pas, pour une fois, ouvrir les sacs de maïs soufflé et congeler notre ragoût? Ils ne veulent pas mettre le nez dehors? Et alors? Ce n’est pas quelques jours passés en pyjama qui causeront un énorme impact sur leur avenir! Comme les jeunes le disent si bien: «Chill, maman!»
Tout l’art du cocooning vise le ressourcement, le bien-être, le bonheur et le lâcher-prise. Comment arriver à cet état de grâce sans culpabiliser devant les tâches qui s’accumulent pendant qu’on essaie de relaxer? Il faut se rappeler que l’essence même du cocooning, c’est de s’accorder une pause du quotidien même s’il reste des choses à faire. Cela dit, il est certain qu’on va garantir l’essentiel: s’assurer que tout le monde mange à sa faim, que chacun puisse dormir dans un lit confortable, que tout le monde ait sa dose de bisous et de câlins. Puis, on se fait le cadeau d’une pause bien méritée, même si certains membres de la famille voudraient nous voir ailleurs (sur les pentes de ski avec eux… ou en train de changer la litière du chat).
Gare au piège Pinterest!
À trop vouloir que tout soit parfait (c’est-à-dire se mettre en scène comme dans un photoreportage, avec notre nouvelle tenue coordonnée à nos coussins tout droit sortis d’un catalogue), on risque de passer à côté de l’objectif de base du cocooning: se retrouver soi-même… pas une image!
«Attention à la performance, même dans la détente: c’est soi-même qu’il faut retrouver dans le cocooning, pas une image à partager sur Pinterest!»
Cocooning et relâche font-ils bon ménage?
Ce n’est pas parce qu’on se retrouve en congé avec nos petits qu’on doit forcément organiser une semaine d’activités dignes d’un camp de vacances! Prévoir faire du ski cinq jours d’affilée sous prétexte qu’il faut rentabiliser notre séjour dans les Laurentides? Ouf!
La bonne stratégie, c’est de permettre à chaque membre de la famille de réaliser, au moins une fois cette semaine-là, une activité qui lui tient à cœur (qu’il s’agisse de faire la sieste quand bon nous semble ou de dévaler les pentes en planche à neige), et laisser libre cours aux décisions spontanées. Surtout, il faut se rappeler qu’il n’est écrit nulle part dans le manuel du parent parfait qu’on doit rester collés sur nos enfants pendant toute la semaine de congé.
Repenser le modèle du cocooning
Si le trio bain chaud, chandelle parfumée et feu de foyer n’est pas précisément notre tasse de thé, on n’a qu’à inventer un modèle de cocooning qui nous plaît davantage. L’important, c’est de faire des découvertes et des choix qui nous conviennent. Pour une fan de mode, par exemple, ça peut être aussi simple que de consacrer du temps au ménage de sa garde-robe. Essayer ses vêtements, agencer de nouvelles combinaisons, se prendre en photo, écarter ce qui ne lui va plus et faire de la place pour quelques nouveaux articles lui permettront d’être en contact avec sa passion, tranquillement à la maison.
Photo: Stocksy
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