«Il y a quelques années, j’ai été en congé de maladie à la suite de plusieurs évènements stressants sur les plans personnel et professionnel. C’était trop en même temps! Trouble d’adaptation, selon le médecin. Pas faux, mais je crois que la vraie raison de mon épuisement était mon anxiété, mes standards inatteignables et mon manque de confiance en soi.»
Marie-Pier est une jeune professionnelle pleine d’énergie, gentille et drôle. Quand on l’interroge sur ce qu’elle pense de son discours interne pendant cette période difficile de sa vie, elle l’associe d’emblée à son syndrome de l’imposteur: «Je ne livre pas mon point de vue en réunion parce que tout le monde en sait plus que moi» et au discours du «faucon»: «Faut que je m’entraîne, faut que la maison soit propre, faut que je cuisine tous les repas, etc.»
En tant que psychologue, je rencontre de nombreuses personnes avec des pensées similaires et qui ne savent pas comment s’en départir. Or, chaque être humain devrait bénéficier d’une meilleure connaissance du discours interne pour mieux le comprendre… et le modifier.
Qu’est-ce que le discours interne?
On se souvient bien du slogan «T’es belle. T’es bonne. T’es fine. T’es capable!» d’une ancienne publicité télévisée d’IGA, non? «T’es laide. T’es pourrie. T’es méchante. T’es incapable!» est nettement moins agréable comme mantra, avouons-le. C’est pourtant ce que de nombreuses femmes se disent au quotidien, parfois même au saut du lit. On peut s’imaginer la lourdeur de la journée qui s’ensuit!
Quand on se parle intérieurement pour se motiver, se réconforter ou même se préparer à un évènement, on utilise notre discours interne. Ces paroles sont précieuses, car elles guident nos comportements et influencent la façon dont nous agissons avec les autres. Ce discours joue également un rôle majeur dans notre rapport à nous-même, aux autres et au monde en général.
Lorsque notre discours interne est négatif, il confirme et renforce souvent des croyances et des attitudes nocives, comme des peurs et des fausses aspirations, par exemple l’impression ne pas pouvoir obtenir une promotion ou la conviction qu’on ne trouvera plus jamais l’amour. Et croire à ces pensées négatives peut causer des problèmes de communication, des troubles relationnels et la prise de décisions malsaines. C’est alors que des émotions nuisibles (tristesse, colère, etc.) se développent et que l’état psychique (sentiment d’inutilité, démotivation, déprime…) peut devenir plus difficile à supporter au quotidien. Tout le contraire du maintien d’une bonne santé psychologique, qui requiert plutôt de gérer nos pensées, de réguler nos émotions et d’agir en cohérence avec nos valeurs.
Comment modifier nos idées nuisibles?
Pour atteindre nos objectifs personnels ou professionnels, la clé du succès commence par le fait d’identifier et de modifier nos pensées nocives. Dans certains types de psychothérapie, l’une des tâches du thérapeute consiste d’ailleurs à encourager le client à remplacer ce discours intérieur négatif par un discours plus constructif. Sans tomber dans le positivisme toxique en louangeant tout ce qui entoure la personne ou en évitant d’accueillir des émotions ou des pensées négatives, le but est plutôt de rechercher l’équilibre dans un cheminement propre à chacun.
Adèle*, par exemple, est consciente que son discours interne, qui se veut théoriquement positif, peut aussi l’amener dans un cycle plus négatif: «Je me dévalorise très peu dans mon discours interne. Ce que je me dis me sert plutôt à trouver les points à améliorer. Par contre, ce désir de faire mieux vient parfois aussi avec de grandes exigences envers moi-même.»
Marie-Pier vivait une situation semblable: «Je considérais tout comme une tâche à accomplir, un standard à atteindre. Évidemment, ce standard n’était jamais atteint et ne faisait que miner mon moral et ma confiance en soi. J’avais l’impression de toujours échouer, de ne jamais être à la hauteur».
Une des stratégies pour se départir de certaines idées rigides est de prendre le temps de trouver des exceptions aux pensées et aux règles établies. Plus on y arrivera, plus il sera possible de les remplacer par des propos plus nuancés et réalistes. Pour Adèle*, ça débute par un temps d’arrêt: «Je prends une pause. Ça me permet de faire taire mon discours négatif en changeant complètement la perspective de mes pensées. Je reviens ensuite graduellement au sujet initial et je constate que mes commentaires sont plus doux après ce temps d’arrêt.»
Identifier, remettre en question et modifier notre discours interne négatif est un travail qui peut d’abord paraître ardu, mais graduellement, des changements d’humeur, d’émotions et de comportements pourront se manifester. Ça peut être le début d’un cheminement pour faire la paix avec le passé, régler des conflits avec l’entourage, considérer le présent différemment et penser à l’avenir de façon optimiste… mais réaliste et lucide! En d’autres mots, ça pourrait stimuler une ouverture d’esprit, un apaisement émotionnel, des relations plus saines et une meilleure estime personnelle. Alors, on décide aujourd’hui de se répéter: «T’es belle, t’es bonne, t’es fine, t’es capable!»
* Prénom fictif.
Différents types d’idées erronées
La pensée du «tout ou rien» catégorise trop facilement et rapidement les gens ou les évènements! C’est la philosophie du tout est «blanc» ou «noir», par exemple: «Tous ceux qui votent pour ce parti politique ont de mauvaises valeurs.»
La pensée qui généralise à l’excès amène à généraliser abusivement un événement précis: «J’ai été malade en mangeant des sushis la première fois. Je ne mangerai donc plus jamais de plats asiatiques!»
La pensée qui filtre le positif accorde davantage d’attention aux éléments négatifs, en minimisant leur côté bénéfique: «Je suis une bonne à rien parce que je prends encore des antidépresseurs, même si mon médecin a diminué ma dose aujourd’hui.»
La pensée télépathique incite à présumer ce qui se passe dans l’esprit des autres: «C’est certain que mon/ma partenaire ne m’aime plus.»
La pensée qui personnalise surestime la responsabilité qui incombe à la personne dans les différentes situations qu’elle vit: «Mon amie n’a pas répondu à mon texto. Je dois avoir fait quelque chose qui l’a mise en colère.»
La pensée catastrophique interprète au pire tout ce qui peut arriver et ce, sans aucune preuve concrète: «Je devrais aller vérifier si mon enfant respire… alors qu’il dort paisiblement dans sa chambre.»
La pensée trop émotive fait prévaloir les impressions sur la réalité et, souvent, avec très peu de nuances pour interpréter les situations: «J’ai peur de quitter mon emploi; ça veut donc dire que je devrais rester en poste.»
La pensée qui étiquette nous pousse à donner des qualificatifs précis, souvent négatifs, aux personnes ou aux sphères dans lesquelles on gravite: «Les gens qui reçoivent des prestations d’assurance-emploi sont des paresseux.»
La pensée qui prédit l’avenir projette un déroulement négatif sur les évènements à venir: «Si je vais à ce souper de famille, c’est certain que ma sœur et moi, on se chicanera. Alors je n’irai pas.»
La pensée de l’irréel idéal cherche à comparer notre tempo à celui des autres plutôt qu’à notre propre rythme: «Après mon accouchement, je devrais reprendre l’activité physique aussi vite que ma voisine l’a fait.»
Le truc de l’amie
Lorsqu’on reconnaît notre discours interne négatif, on peut se demander si on tiendrait les mêmes propos à l’égard d’une bonne amie. Si la réponse est «non», parce que ces paroles sont démoralisantes, intransigeantes, décourageantes ou méchantes, c’est un signal qu’il faut les modifier pour des formules plus réconfortantes et motivantes!
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