Comment élever des enfants heureux?

24 Fév 2020 par Maude Goyer
Catégories : Famille / Psycho / Véro-Article
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Tous les parents du monde ne souhaitent qu’une chose: que leurs enfants soient heureux, épanouis, sereins. Et si certains éléments liés à l’éducation et à l’environnement venaient faciliter le bonheur des enfants?

Sous un même toit, deux enfants élevés par les mêmes parents, dans le même cadre, avec des valeurs, des occasions et des limites identiques, n’auront ni le même parcours ni la même vie. Quand il est question d’élever des enfants, il n’y a pas de recette magique. Et pas de mode d’emploi… malheureusement.  «Chaque être humain arrive avec son tempérament, son bagage génétique, sa sensibilité, ses capacités affectives et cognitives, note Céline Boisvert, psychologue clinicienne spécialisée auprès des enfants et des adolescents depuis 30 ans. Il faut montrer à son enfant à composer avec les frustrations et les déceptions, car la vie n’est pas un long chemin tranquille!»

 Comment transmet-on la résilience, la sérénité et cette aptitude à voir le bon côté des choses? Le bonheur s’enseigne-t-il? France Paradis, orthopédagogue et formatrice en intervention auprès des parents depuis plus de 25 ans, croit qu’il faut d’abord réfléchir à notre propre conception du bonheur. «Le bonheur des enfants ne sera pas bien différent du nôtre, dit-elle. Il faut se demander: qu’est-ce que le bonheur pour moi, pour nous, pour notre famille?»

Le fameux lien d’attachement

Premier élément clé qui rallie tous les spécialistes de l’enfance: le lien d’attachement. En 1969, le psychiatre anglais John Bowlby est le premier à parler de l’importance de ce lien unique, fort et bienveillant entre un parent et son enfant. C’est cette relation, qui se tisse peu à peu, qui viendra nourrir, chez l’enfant, sa confiance en lui… et sa confiance envers les autres. «La relation d’attachement peut se faire avec toute personne significative qui donne les soins, explique Germain Duclos, psychoéducateur et orthopédagogue depuis près de 40 ans. Elle est inconditionnelle, peu importe le rendement ou l’apparence. Elle est présente pour ce qu’est l’enfant, et non pour ce qu’il fait».

 À cet égard, l’une des dérives possibles est d’en faire trop: le parent devient le fan numéro un de son enfant, l’encourageant, le félicitant et le couvrant d’éloges à chaque (minuscule) exploit… «Oui, on veut booster l’estime de soi de notre enfant, mais ce n’est pas en lui disant “T’es le meilleur!” tous les jours qu’on va réussir, estime Solène Bourque, psychoéducatrice. Au contraire! L’enfant risque d’être démoli lorsqu’il sera à l’extérieur de la bulle familiale.»

Le mieux, c’est de l’aider à se connaître dans toutes ses forces, ses préférences et ses défis, afin qu’il s’affirme dans ses choix. «En lui présentant une vision réaliste des choses – d’une situation, par exemple –, on aide l’enfant à trouver des solutions et à devenir résilient. On peut dévoiler notre propre vulnérabilité à notre enfant pour lui montrer qu’il n’y a pas de journée parfaite, ni de maman parfaite», poursuit la psychoéducatrice.

Des besoins à combler

Selon Céline Boisvert, combler les besoins de base, soient ceux de la fameuse pyramide élaborée par Abraham Maslow en 1943, est essentiel au bon développement de l’enfant: manger à sa faim, dormir sous un toit, recevoir des soins pour assurer sa santé, vivre dans un milieu sécurisant et avoir un solide lien d’attachement avec au moins un adulte. «C’est la base, c’est ce qui aide l’enfant à se développer et à socialiser», souligne la psychologue.

Un autre besoin doit être assouvi: celui d’autonomie, qui grandit au fur et à mesure que les petits vieillissent. «Les enfants ont besoin de discipline, de limites claires, de balises, signale Francine Ferland, ergothérapeute et professeure émérite à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Ça leur apporte un sentiment de sécurité.»

 Constance et cohérence sont donc de mise. Là où ça se complique, c’est qu’il faut en même temps laisser de la latitude aux enfants. En bref, les protéger, mais sans les surprotéger. «On leur laisse prendre des décisions dès leur plus jeune âge, suggère Mme Ferland. Ils seront ainsi plus fiers, plus confiants, et deviendront plus indépendants, plus autonomes.»

 Le passage à l’adolescence marque un tournant côté autonomie: l’enfant veut alors négocier une certaine distance avec sa famille. C’est normal, rappelle Céline Boisvert: «Le bonheur, chez les ados, est moins lisse. Il y a des moments d’émotions extrêmes et des oscillations hormonales. C’est une période d’une grande intensité et le bonheur vient par bouffées.» Elle conseille aux parents de rester ouverts, de faire confiance et… d’être à l’écoute.

«On donne beaucoup de lifts durant cette période, précise Mme Boisvert. Ce sont des moments précieux où adulte et enfant dont captifs dans un endroit qui peut susciter les confidences.» Et si on a un message à passer? «Il ne faut pas s’acharner à faire de longs discours, mais on peut prendre 10 minutes pour parler à son ado. Même s’il semble peu ou pas intéressé à écouter notre opinion, ça se dépose en lui. Et il sent qu’on l’aime».

Un temps pour s’aimer

Être aimé. Recevoir de l’affection. Voilà bien deux autres éléments porte-bonheurs. «Aucun enfant ne veut être anonyme! s’exclame Germain Duclos. Et qu’on se le dise: un enfant ne peut jamais recevoir trop d’affection.»

À ce propos, le psychoéducateur et orthopédagogue raconte une anecdote liée à ce qui s’est déroulé en Montérégie pendant la tempête du verglas, en 1998. «À Saint-Jean-sur-Richelieu, pendant trois semaines, les enfants ne sont pas allés à l’école, raconte-t-il. Il n’y avait pas d’électricité, pas de télé. Les familles se sont débrouillées. Elles ont sorti des jeux de société, elles se sont parlé. Un mois plus tard, quand j’ai visité les écoles pour parler aux enfants, ils m’ont confié être très contents. Les nombreux moments de qualité passés en famille les avaient rendus heureux.»

 En riant, M. Duclos propose de «fermer le courant électrique» si on sent que quelque chose nous échappe chez notre enfant ou si on croit que le climat familial n’est pas à son meilleur. L’utilisation grandissante des écrans ne peut que lui donner raison…

 Ces écrans, justement, ne devraient pas meubler tout le temps de nos enfants. Jouer dehors, librement et sans contrainte, est un facteur clé de l’épanouissement des jeunes. «C’est important aussi de ne pas surcharger leurs horaires et de leur accorder le temps de ne rien faire, laisse tomber France Paradis. Un enfant qui n’a rien à faire va utiliser son imagination, il va trouver en lui une source de joie, de créativité. Même Einstein le disait: “Vous voulez développer l’intelligence de vos enfants? Lisez-leur des contes de fées!”»

 Cela dit, il est inutile de se mettre une pression indue. Les parents ne sont pas des superhéros: ils font du mieux qu’ils le peuvent. «On doit être compatissant envers soi-même, rappelle Geneviève Carobene, psychologue au CHU Sainte-Justine. On a le droit d’être vulnérable et d’admettre qu’on n’a pas encore trouvé la solution, qu’on ne sait pas ce qu’on fera mais qu’on va réfléchir et trouver une solution.»

Comment élever des enfants heureux: 3 exercices à faire en famille

La suggestion de Solène Bourque, psychoéducatrice
Pour établir la communication avec les enfants: on demande, au moment du souper, par exemple, quels ont été les moments «soleil» et les moments «nuage» de la journée? Bien sûr, on fait un tour de table et tout le monde parle de son meilleur et de son pire moment.

La suggestion de Francine Ferland, ergothérapeute
Pour créer une atmosphère détendue: lorsqu’on revient de la garderie, de l’école et du boulot, on prend 10 minutes pour jouer avec les enfants, mettre de la musique et danser. Le but? Donner de l’attention aux enfants.

La suggestion de Geneviève Carobene, psychologue
Pour réduire les tensions: on reconnaît les émotions vécues par les enfants en nommant ce qui s’est passé. Un exemple? Dire à son petit «je sais que tu es déçu» peut désamorcer une situation tout en incitant l’enfant à s’ouvrir davantage.

Photo Stocksy



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  1. Nathalie simard dit :

    Je suis éducatrice en garderie et j’ai mon milieu de garde depuis 25 ans . Je trouve que c’est un excellent article . Cela dit, je suis plus inquiète pour l’avenir des enfants qui recevront 25 cadeaux à Noël que ceux qui en recevront 2-3 . Bravo ! Article simple, bien écrit , sans grande théorie et surtout remplie de véridicités .

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