Une brassée de linge (en fait plusieurs), une sauce à spag, un petit coup de vaisselle… ah une notification Facebook… Voici un aperçu des activités qui se sont mises en travers de mon chemin pour écrire cet article. Procrastination ou dispersion? Pour la psychologue organisationnelle et CRHA Julie Carignan, il faut distinguer les deux phénomènes. La dispersion résulte de la difficulté à se concentrer sur nos tâches professionnelles, et elle est décuplée en contexte de télétravail. « Tous nos sens nous amènent à la dispersion », explique Julie Carignan. Car la distraction peut être visuelle, face à ce panier de linge à plier qui nous fait de l’œil, auditive ou même olfactive si l’appel de biscuits tout juste sortis du four parle plus fort que ce rapport urgent à terminer. Pour y remédier, elle suggère de placer un paravent devant son bureau afin de se couper des distractions visuelles, et d’écouter une musique qui couvrirait les bruits ambiants.
« Retard autodestructeur »
La procrastination, quant à elle, est la tendance à remettre nos tâches à plus tard. Le Dr Tim Pychyl, professeur au département de psychologie à l’Université Carleton d’Ottawa, et directeur du Procrastination Research Group définit la procrastination comme « le report volontaire d’une tâche attendue dont les conséquences sont aggravées par ce délai. » La notion essentielle ici est la décision intentionnelle derrière ce report. « Bien entendu, les retards sous différentes formes font partie de notre quotidien. Nous établissons des priorités, parfois déclassées par de nouvelles priorités. Dans ce cas ce n’est pas de la procrastination. La procrastination est un retard autodestructeur », précise le Dr Pychyl.
En télétravail, le risque de procrastination est accru, car nos tâches personnelles et professionnelles se chevauchent. Pour Julie Carignan, « on vit un conflit de priorités ».
Une histoire d’émotions
Certaines personnalités sont plus enclines à procrastiner, «les gens moins consciencieux (moins organisés), les personnes impulsives ou les perfectionnistes qui essaient de répondre aux attentes des autres», explique Tim Pychyl.
Tim Pychyl et Julie Carignan identifient également les personnes anxieuses comme plus sujettes à la procrastination, ainsi que celles plus « sensibles à leur humeur immédiate ». Un phénomène décuplé par le télétravail en contexte de pandémie mondiale et de confinement, qui peut augmenter le niveau de stress et la fatigue cognitive liée aux interminables réunions sur Zoom et aux problèmes de communication avec sa hiérarchie.
«Il est important de réaliser que la procrastination n’est pas un problème de gestion de l’emploi du temps, insiste Tim Pychyl. On peut méticuleusement gérer et planifier notre temps, mais on arrive au moment de la journée où l’on a prévu d’accomplir la tâche repoussée et on se dit qu’on ne veut pas ou qu’on ne se sent pas de le faire. Ce n’est pas de la gestion de temps, c’est de la gestion d’émotions. Il faut passer par-dessus notre résistance à la tâche, et c’est principalement émotionnel ».
La psychologue organisationnelle Julie Carignan propose une liste de conseils pour combattre la procrastination en contexte de télétravail
- Commencer sa journée avec une liste de 2 ou 3 priorités incontournables, qui nous rendront fiers de nous à la fin de la journée, et ne pas hésiter à revoir ces priorités au cours de la journée si des imprévus surviennent.
- Découper les tâches trop lourdes en petites tâches afin de nous donner le courage de les commencer.
- Prévoir des microrécompenses qui vont procurer du plaisir et s’autodiscipliner pour ne pas sauter sur la récompense immédiatement. C’est le « délai de gratification».
Si la récompense est un 5 minutes sur les réseaux sociaux, attention au piège d’y perdre la notion du temps. Cinq minutes deviennent rapidement 25, alors on essaie de contrôler le temps alloué à nos comptes FB et Instagram; et pour ne pas être tentés d’y retourner, on désactive les notifications.
- Arrêter de viser la perfection et gérer nos attentes envers nous-mêmes.
- Prendre soin de nous. En effet, «la procrastination peut venir d’un manque d’énergie ou d’un besoin primaire non comblé », explique Julie Carignan. Alors on mange bien, on dort bien, on évite l’alcool, et on prévoit un verre d’eau sur son bureau.
Photo principale: Getty Images
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