Petit guide pour survivre aux actualités

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08 Jan 2020 par Propos recueillis par Julie Laurent
Catégories : Psycho / Véro-Galerie
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On est bombardé tous les jours par une tonne de mauvaises nouvelles: scandales sexuels ou financiers; lock-out et pertes d’emploi; magouilles politiques et corruption; changements climatiques et désastres écologiques. De quoi virer ermite!

Rose-Marie Charest nous incite plutôt à rester optimiste et à expliquer ces infos à nos enfants sans les faire paniquer.

Subir l’actualité

Le président américain Donald Trump est au centre de bien des conversations et on met beaucoup d’énergie à le détester. Pourtant, nos commentaires n’ont pas le pouvoir de changer quoi que ce soit à son mandat ni à ses décisions. Alors, pourquoi en parler (et se fâcher) autant? D’abord, c’est souvent la peur qui nous incite à rechercher des alliés pour se sentir plus fort. Dans le cas de Trump, il ne fait rien comme les autres politiciens, il refuse les diktats. Comme on peut difficilement prévoir sa conduite parce qu’il ne suit pas les règles habituelles, on craint ce qu’il pourrait faire d’irréparable ou de dommageable qui aurait des conséquences sur nous, mais aussi sur toute la planète.

En plus, vu la presque unanimité qui règne ici contre ce président, on ne risque pas de créer une controverse en parlant contre lui. Inconsciemment, le fait de situer le mal ailleurs que chez nous, et de le verbaliser, nous rassure: l’incohérence, l’imprévisibilité, le manque de compassion sont incarnés… ailleurs. Et discréditer celui qui le représente permet d’affirmer notre supériorité en termes de logique et d’empathie.

Il paraît que c’est dans la nature humaine d’être attiré par les histoires macabres. Est-on réellement attiré par les mauvaises nouvelles? C’est surtout notre désir de contrôler notre environnement qui nous pousse à s’intéresser aux mauvaises nouvelles, comme si on pouvait ainsi se préparer au pire ou se conforter dans le fait que ce n’est pas à nous que le pire est arrivé. «Quand on se compare, on se console», prétend le dicton populaire. Prendre conscience de notre propre bien-être procure une bonne dose de satisfaction, ce qui ne veut pas dire qu’on se réjouit que ça aille mal pour les autres!

Est-on voyeur quand on s’attarde à une mauvaise nouvelle? Pas nécessairement. En général, on ne veut pas juste savoir ce qui s’est produit de mal, de triste ou de tragique, on veut comprendre comment c’est arrivé. On a ainsi l’impression de saisir ce qui nous différencie de ceux à qui le ciel est tombé sur la tête, ce qu’on peut faire pour se protéger d’un tel accident ou malheur. Ce n’est pas à nous que ça arrive, mais on prend de l’expérience quand même par l’observation et la réflexion.

Pourquoi se laisse-t-on affliger par ce qui se passe aux nouvelles? Voir des êtres humains faire souffrir ou ne pas protéger d’autres êtres humains affecte la base même de notre sécurité personnelle. On ne veut tellement pas être dominés par la partie «méchante» de l’humain! Or, c’est justement ce qui est au cœur de la grande majorité des mauvaises nouvelles: guerres, conflits, exploitation, abus de pouvoir, négligence… L’anxiété face à ce qui pourrait nous arriver est ravivée par le fait que ça arrive à des gens à qui on ressemble, plus ou moins peut-être, mais avec qui on a en commun d’être des humains. La perte de confiance en l’humanité est un drame en soi. Même à un faible degré, ça génère de l’anxiété. Plus on s’identifie aux victimes, plus notre anxiété sera grande.

Par ailleurs, ce qui arrive de mal aux autres éveille subtilement nos propres combats passés ou actuels, la méchanceté qu’on a vécue et même celle qu’on a pu ressentir envers d’autres. Certaines personnes sont plus vulnérables aux mauvaises nouvelles en raison de leur sensibilité, de leur difficulté à se distancier des événements qui arrivent à autrui, de leurs propres expériences traumatiques, du fait d’être isolées ou de ne pas avoir d’autres intérêts que ce qui se passe dans la vie des autres.

Est-ce qu’on a accès à trop d’informations? Après tout, ne dit- on pas que «ce qu’on ne sait pas ne nous fait pas mal»? C’est vrai qu’on est surstimulé par les nouvelles, mais soyons honnête: on en est un peu responsable. Comment ça? Parce qu’on recherche l’intensité. Dès qu’on a deux minutes libres, on consulte notre fil d’actualité parce qu’on a tellement peur de rater quelque chose! Mais surtout, on a peur du silence, de la solitude, de l’instrospection. Alors on se remplit l’esprit de ce qui arrive aux autres; ça nous distrait de notre propre existence.

Les chaînes d’information en continu ne sont pas à blâmer pour diffuser 24 heures par jour des images en direct; si elles existent, c’est parce qu’elles ont un public. C’est à nous qu’il appartient d’éteindre l’écran quand on a fait le tour des actualités. A-t-on vraiment besoin de revoir les mêmes reportages toutes les heures? Non. Mais rester informé, c’est indispensable. On vit en société et on a besoin de savoir ce qui se passe pour réagir, prendre position.

Légalisation de la lapidation au Brunei, imposition de la burqa dans certains pays, durcissement de la loi antiavortement au Mississippi… Les bulletins de nouvelles s’enflamment. En tant que femme, on a mal. A-t-on raison, au Québec, de se sentir menacée par ce qui arrive ailleurs? Menacée, peut-être pas, du moins à court terme, mais c’est normal d’être touchée en tant que femme, même si ces atteintes à nos droits ont lieu dans d’autres pays. Plus les restrictions touchent à nos acquis récents, plus on a peur de perdre ces acquis. On a beau avoir la réputation d’être un peuple pacifique, on a généralement la mèche très courte au Québec à l’égard de tout ce qui concerne la religion [en réaction à la domination exercée par le clergé pendant plus de trois siècles et qui a pris fin avec la Révolution tranquille]. Et on est hypersensible envers tout ce qui pourrait remettre en question l’égalité homme-femme.

Est-ce que tout ce qu’on perçoit comme des «mauvaises» nouvelles le sont réellement? N’a-t-on pas parfois tendance à tout voir en noir? C’est vrai que la planète est dans un sale état. «C’était mieux avant l’industrialisation, il n’y avait pas de pollution!» pensent certains. C’est facile de dire ça parce qu’on oublie la vue d’ensemble. On idéalise beaucoup le passé, mais qui voudrait réellement retourner en arrière? Par exemple, de nos jours, la conciliation travail-famille est anxiogène, on ne le nie pas, mais l’absence de valorisation des femmes au foyer d’autrefois était déprimant. Beaucoup de choses vont mieux qu’avant. On l’oublie souvent.

Ça chiale ferme autour de la machine à café à propos de tel événement récent. A-t-on vraiment besoin d’ajouter notre grain de sel dans la conversation? On peut se mettre à l’abri du chialage comme de la pollution de l’esprit. On peut décider de ne pas intervenir – même si on pense le contraire des autres – ou de ne pas renchérir, car ça n’ajouterait rien de significatif. Mais surtout, on doit pouvoir choisir les débats auxquels on participe. Souvent, ceux qui sautent dans la mêlée le font par crainte de passer pour des «mous» devant les gens révoltés. Alors ils renchérissent, car ceux qui critiquent beaucoup peuvent donner l’impression d’être plus informés, d’avoir une vision plus large, d’être plus intelligents. Pourtant, certains ne font que colporter des opinions diffusées dans les médias traditionnels et les réseaux sociaux. D’autres ne recherchent que les informations qui servent leur propre point de vue. C’est parfois un réel débat d’idées, parfois de la mauvaise foi, voire de la démagogie. Il y a quelques années, Trump chargeait à fond de train contre l’Obamacare en citant l’exemple de notre système de santé universel qui cause des listes d’attente… mais il se gardait bien de dire qu’au Québec, tout le monde a accès aux soins, incluant les moins nantis.

Quand on n’éprouve rien

Tsunamis et ouragans. Écrasements d’avion. Recrudescence de maladies contagieuses. Fusillades. Des gens meurent loin ou près de nous, mais l’info nous glisse dessus comme de l’eau sur le dos d’un canard. Est-on insensible pour autant? Ça indique qu’on est dans une bulle et il faut savoir pourquoi: est-ce parce qu’on est soi-même traumatisé, déprimé ou trop affecté? Il se peut que durant une période de stress intense, rien n’existe en dehors de nos préoccupations. On est alors tellement plongé dans nos propres problèmes que ceux du reste de l’univers… pfff! Ça ne veut pas nécessairement dire qu’on manque d’empathie, peut-être juste de recul face au reste du monde. Ça ne devrait toutefois pas durer trop longtemps. On peut choisir  de se protéger, mais si on est coupé du monde malgré soi, cela traduit une douleur plus profonde qu’on aurait avantage à apprivoiser ou à investiguer avec l’aide d’un professionnel.

Choisir de ne pas devenir morose

Comment éviter de tomber dans la déprime ou l’agressivité à la fin de la journée? Parce que se faire annoncer une énième hausse des prix alors qu’on en arrache, ça finit par user le moral… Il faut d’abord déterminer ce sur quoi on a du contrôle et agir en fonction de sa propre réalité. C’est le sentiment d’impuissance qui est le plus dévastateur. Gardons toutefois en tête que, dans une démocratie, personne n’est tout-puissant, mais personne n’est totalement impuissant non plus. Il faut s’affirmer, poser des questions à ceux qui exercent le pouvoir autour de nous et oser demander des changements en rapport avec les mesures qui nous affectent personnellement.

Plus globalement, il faut s’impliquer d’une manière ou d’une autre pour influencer le fonctionnement social, politique et économique du monde dans lequel on vit. Par exemple, en votant. Participer à un projet collectif a le pouvoir de rehausser notre confiance en l’humanité.

Par-dessus tout, il faut s’entourer de personnes significatives, augmenter la fréquence des rencontres, laisser place à la vie réelle, la nôtre, qu’on apprécie et qu’on peut toujours améliorer. On vit l’instant présent, on favorise la pleine conscience. Et comme les nouvelles passent par les écrans, on fait une pause. Vive la déconnexion, surtout en vacances!

Nos jeunes enfants ont intercepté des bribes d’information sur des scandales sexuels ou sur la planète qui se meurt… Comment répondre à leurs questions? Les enfants ont besoin de faits, ça les rassure; mais trop leur en donner, ça risque de créer des peurs. On doit éviter les détails scabreux, situer l’événement dans un contexte large et utiliser un vocabulaire adapté.

Par exemple, expliquer le phénomène #metoo aux enfants, c’est loin d’être simple… mais pratiquement inévitable à notre époque. C’est délicat, parce que ce qu’on leur donne comme information risque de s’imprégner dans leur esprit et qu’ils grandiront avec ça en tête. Le message à leur transmettre, c’est qu’il y a eu des abus et qu’il se peut qu’il en existe même autour de nous, mais qu’on est là pour les protéger. Ils doivent toujours sentir qu’ils peuvent venir nous parler du moindre malaise.

En ce qui concerne la planète, on leur dit que c’est vrai qu’elle est menacée, mais qu’on n’a jamais vu un mouvement social aussi important pour protéger l’environnement. Et on s’engage à poser ensemble des gestes concrets à cet égard, on les intègre dans l’action.

Il faut toujours encourager nos enfants à nous parler de leurs peurs, qui peuvent aussi provenir d’extrapolations irréalistes ou d’exagérations. On doit leur donner de l’information simple mais juste, d’où l’importance de bien se renseigner nous-mêmes. Mentir ne ferait que miner notre crédibilité à leurs yeux et les dissuaderait de se confier à nous.

 

Une nouvelle nous affecte… comment réagir?

1. On fait la différence entre ce qui nous trouble et ce qui nous menace réellement.

2. On cible ce sur quoi on a du contrôle.

3. On agit en conséquence.

Une nouvelle affecte nos enfants…

1. On leur donne l’information concrète nécessaire à leur sécurité.

2. On leur rappelle que nous sommes là pour les protéger.

3. On reste à l’écoute de leurs peurs et de leurs malaises. Si le moment n’est pas approprié, on s’engage à y revenir plus tard dans la journée ou la soirée.



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