La crise provoquée par le nouveau coronavirus nous laisse aux prises avec un ensemble de réactions, dont le stress, l’anxiété et la déprime. Pourquoi et comment se manifestent-elles sur le plan physique, psychologique et émotionnel? C’est toute notre façon de vivre qui a été bouleversée, de notre quotidien jusqu’à nos projets d’avenir. Or, on sait que les exigences d’adaptation sont des sources de stress, que l’inconnu fait peur et que les pertes matérielles, mais surtout humaines, nous rendent tristes. Ce sont donc des réactions tout à fait normales à une situation anormale.
Elles se manifestent de manière différente selon les individus et il est important pour chacun d’en identifier les signes: maux de tête, insomnie, perte ou excès d’appétit, baisse d’énergie, rumination d’idées sombres, sentiment d’impuissance, colère, tensions dans le couple, impatience envers les enfants… Le fait de reconnaître ces manifestations et de les attribuer à ce qui se passe dans notre environnement nous aidera à en limiter l’impact. On n’est probablement pas malade, ni physiquement ni mentalement, mais on traverse tout de même une crise. Ça affecte notre corps, notre façon de penser, nos émotions et nos relations. Soyons indulgente envers nous-même. Osons exprimer ce que nous ressentons. On rejoindra alors sûrement l’autre dans ses propres émotions et préoccupations.
Que peut-on faire pour se sentir mieux, ou du moins le mieux possible, dans un tel contexte? Il faut d’abord cibler ce sur quoi on a du contrôle. Plusieurs choses nous échappent, mais on n’est pas impuissante face à notre bien-être. Qu’est-ce qui est actuellement accessible parmi les choses qui nous font plaisir, celles qui nous détendent, celles qui nous font nous sentir bien physiquement et psychologiquement? Quelles sont les personnes avec qui on aime échanger? Dans notre agenda, on peut se planifier des activités de bien-être et inscrire ces appels, ces rencontres via Zoom ou ces moments «juste pour soi». C’est tout aussi important que notre liste de tâches. Et si on craint d’être égoïste en agissant de la sorte, on se rappelle qu’on n’en sera que plus efficace au travail et plus agréable pour ceux qui nous côtoient.
Bien sûr, on doit composer avec des contraintes. Par exemple, il faut se tenir informée et les nouvelles ne sont pas toujours agréables à entendre. Mais on n’est pas obligée d’être bombardée d’informations. Limitons notre temps sur les réseaux sociaux et regardons un bon film ou une télésérie au lieu d’écouter compulsivement les infos. On doit faire du télétravail tout en prenant soin des enfants et de la maison? Demandons-nous si nos objectifs sont réalistes. Ne courons pas après les déceptions. Prenons la mesure de ce qui est possible et faisons des choix, aussi imparfaits soient-ils. On établit nos priorités, on négocie et on s’affirme, tant au travail qu’à la maison. L’idée, c’est de pouvoir se dire, le soir: «Je suis satisfaite de ma journée.» C’est essentiel pour maintenir notre estime de soi, notre motivation et notre efficacité.
Même si on reconnaît certains aspects positifs du confinement qu’on a vécu – le ralentissement du rythme effréné d’avant, l’occasion de reprendre contact avec nous- même, nos familles et nos proches –, on ne peut s’empêcher de ressentir de l’incertitude. On se demande si on va perdre notre emploi, à quel moment on pourra sortir en toute sécurité, serrer nos proches dans nos bras, manger au restaurant, bref, retrouver une vie «normale»… Il faudra redéfinir la normalité. Nous reprendrons certaines habitudes et nous en créerons de nouvelles. Nous sommes tous et toutes capables de changements – d’ailleurs, ceux-ci s’avèrent parfois très heureux. L’incertitude offre aussi des occasions de réinventer notre façon de vivre. L’important est de définir ce qui est essentiel pour nous et d’être ouverte aux diverses façons d’y accéder. Bien sûr, il faut tenir compte des préoccupations financières; on ne peut prétendre que l’argent n’a pas d’importance. Il faut donc y veiller en fonction de nos choix et se poser les bonnes questions: quelles sont les ressources à ma disposition? qui peut me conseiller? Surtout, on se rappelle qu’il n’y a pas de honte à solliciter de l’aide.
Comment peut-on être résilient en période de pandémie? Est-il possible de transformer de manière créative les aspects négatifs de la crise en quelque chose de constructif? Par définition, la résilience est la capacité de rebondir après un traumatisme, mais ça ne signifie pas que nous resterons exactement la même personne. En effet, nous aurons probablement pris conscience de certains enjeux, développé de nouveaux intérêts ou, au contraire, ressenti du détachement à l’égard de quelque chose qui nous semblait important auparavant. La clé de la résilience, c’est l’ouverture aux découvertes. Si on se fait assez confiance pour écouter cet appel de la nouveauté, pour oser considérer notre vie différemment, peut-être allons-nous non seulement retrouver notre état de bien-être, mais aussi se créer une vie qui nous ressemble davantage.
Beaucoup d’entre nous ont grandi en valorisant l’autonomie sur tous les plans. Or, certains viennent soudainement de réaliser, avec la crise, que les humains sont interdépendants. Et plusieurs constatent qu’ils ont besoin de soutien. Où peuvent-ils en trouver? C’est une bonne nouvelle de réaliser qu’on a besoin des autres. Ça ne fait pas de nous des êtres dépendants et ça ne menace en rien notre autonomie. Nous avons besoin d’une diversité de liens pour que les différentes facettes de notre personne puissent exister. Or, s’il y a une chose que la crise sanitaire nous aura forcé à faire, c’est de redéfinir et de multiplier nos liens… À deux mètres de distance, mais quand même! On essaie de compenser la distance physique par diverses façons d’être ensemble: groupes de yoga, apéro entre amis ou rencontres familiales en ligne nous font beaucoup de bien. Il faudrait continuer à découvrir de nouvelles activités et de nouer de nouvelles relations.
Le confinement a incité certains couples à se rapprocher et d’autres à se séparer. Comment expliquer cela? Le degré d’intimité avec lequel chacun se sent à l’aise varie d’un individu à l’autre. L’intimité forcée a permis à certains couples de se retrouver, de passer enfin plus de temps ensemble et de partager un projet commun, celui de traverser cette crise. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. D’autres ont vécu le confinement comme un manque d’espace personnel. C’est particulièrement vrai lorsqu’un des deux conjoints a un plus grand besoin de présence que l’autre. Par ailleurs, le confinement suppose aussi de grandes capacités d’adaptation, qu’on pense au respect des mesures de protection, à l’organisation du quotidien, à la distribution des tâches et au budget… qui suscitent autant de discussions harmonieuses chez certains que de motifs d’altercation pour d’autres. Bien des gens ont alors réalisé la chance qu’ils avaient d’être en couple, tandis que d’autres ont constaté les irritants, voire les failles dans leur relation.
Un de nos proches parle constamment de la COVID-19 et envisage les pires scénarios: chaos social, guerre civile, fin du monde… Comment lui venir en aide? Vous pouvez reconnaître ce qui vous semble réaliste dans son discours, tout en lui suggérant que d’autres scénarios sont possibles. Autre approche utile: l’aider à faire la différence entre ses peurs et la réalité. Il est normal d’être anxieux actuellement: la réalité est difficile, mais pas aussi dramatique qu’il la décrit. Vous pouvez aussi l’aider à vivre une journée à la fois. En considérant la réalité du moment et ce qu’on peut faire, aujourd’hui, pour que ça se passe le mieux possible.
Beaucoup de gens pleurent la perte d’êtres chers qu’ils n’ont pas pu voir ni toucher à la fin de leur vie. Comment affronter ce genre de deuil? C’est une situation extrêmement difficile. On peut avoir l’impression qu’on nous a volé les derniers moments avec la personne aimée et ressentir non seulement de la tristesse, mais aussi de la colère – et ce, même si on comprend les raisons qui ont entraîné une telle situation. Il faut se permettre d’éprouver ces émotions et trouver quelqu’un en qui on a confiance pour les exprimer librement. Un deuil est un processus qui évolue au fil du temps. Les souvenirs de la personne aimée, du déroulement de son existence et de la relation qu’on a eue avec elle occuperont peu à peu une place importante en nous. Ils nous permettront d’accorder plus d’importance à l’ensemble de sa vie qu’aux circonstances de sa mort, et viendront progressivement combler une partie du vide créé par son départ.
S’agirait-il justement d’un bon moment pour parler de la mort, un sujet qu’on a toujours tendance à éviter mais qui vient de nous être rappelé avec force? Entendre régulièrement parler des décès entraîne forcément une réflexion sur la mort. Or, on passe notre vie à ne pas y penser. C’est pour moi un mystère que la seule certitude qu’on partage entre humains échappe tellement à nos discussions, voire à notre propre conscience. Ça témoigne de notre amour de la vie et de la peur de la perdre, bien entendu, mais aussi du fantasme de repousser la mort en n’y accordant pas d’attention. Pourtant, ceux qui osent s’y pencher et en discuter avec leurs proches disent généralement avoir ressenti un soulagement et le sentiment d’un certain contrôle sur leur propre fin de vie. Il ne faut pas tenir pour acquis que les autres savent ce qu’on souhaite pour cette importante étape. S’exprimer concrètement sur nos choix constitue un pas important pour apprivoiser la mort… dans la mesure du possible.
Photo principale: August Images
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