Je n’ai rien vu venir et pourtant, c’est ainsi que je l’ai perçu.
Il y a un peu plus de 25 ans, j’entrais au service d’une compagnie réputée mondialement. Tout de suite, je me suis sentie fière et privilégiée de faire partie de cette grande famille. Je l’ai été tout autant lorsqu’on m’a annoncé le nom du client chez lequel j’allais œuvrer.
Je ne me sens pas mal à l’aise de dire que j’étais une employée dévouée. J’adorais mon travail, et j’étais particulièrement efficace lorsque des urgences survenaient. J’étais motivée, je me sentais utile. Au cours de mes dix années en poste, les gens que je servais m’ont adressé de nombreux éloges; quant à mes supérieurs, ils m’ont attribué quatre prix d’excellence. Puis un jour, notre contrat est venu à échéance et nous avons dû tirer notre révérence.
Certes, je conservais un emploi au sein de cette entreprise. En revanche, comme j’intégrais le siège social, cela m’inquiétait un peu, car l’ambiance était fort différente de celle d’une agence en entreprise. Néanmoins, au fil des mois, j’ai tissé des liens avec mes collègues et mes nouveaux clients. Et, on m’a décerné un autre prix d’excellence.
Mais voilà qu’un acteur étranger s’amène et s’associe avec notre société. Aussitôt, j’ai eu l’étrange pressentiment que plus rien ne serait comme avant. Et je vous assure que je n’étais pas la seule à le penser. Nous constations que le côté humain perdait du terrain au détriment du seul critère désormais valorisé, la sempiternelle productivité. Certains employés ont été congédiés; d’autres, comme moi, se sont absentés du travail pour cause d’épuisement professionnel.
En outre, le personnel était de plus en plus invité, pour ne pas dire obligé, à faire du télétravail et ce, à temps plein. J’ai dû m’y résoudre même si l’idée ne me plaisait guère. J’ai cru du moins être à l’abri de l’ambiance malaisante du bureau. Hélas, je me trompais. Les avertissements et le harcèlement psychologique ont continué de plus belle. Je le reconnais, si je n’avais pas eu un verre de vin pour m’accompagner en après-midi, certains jours j’aurais été incapable de terminer ma journée. Je m’accrochais parce que j’aimais servir mes clients. Il faut dire que ceux-ci appréciaient mon légendaire service à la clientèle, celui pour lequel j’avais justement été récompensée.
Le coup fatal s’est produit le jour où, faute d’avoir atteint l’objectif qu’on m’avait fixé, j’ai été suspendue cinq jours, sans solde. Je ne pouvais croire ce qui m’arrivait. J’avais l’impression qu’on me punissait comme si j’avais fracassé la tête d’un adversaire au hockey. À mon retour au travail, j’ai réalisé que je ne tiendrais pas le coup très longtemps. Ma décision était prise, j’allais remettre ma démission. Mais, ironie du sort, je n’en ai pas eu l’occasion car on m’a devancée. Après 23 ans de loyaux services et cinq prix d’excellence, j’ai été remerciée.
Je l’avoue, jamais je n’aurais imaginé clore ma carrière ainsi. Au fait, j’ai oublié de vous dire, j’avançais en âge…à vous d’en tirer votre propre conclusion…
Photo : Christoph Hetzmannseder Getty Images
À lire aussi :