J’ai tout pour être heureuse, mais…

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27 Juil 2022 par Chantal Tellier
Catégories : MSN / Psycho / Santé / Véro-Article
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Notre vie semble géniale. Bon boulot, enfants brillants, famille unie, grande maison... mais voilà, on n’est pas heureuse. Réflexions sur la notion de bonheur.

D’où vient ce mal-être? Que nous faut-il de plus? Et comment venir à bout des obstacles qui se dressent entre nous et le bonheur? On en discute avec Rose-Marie Charest, psychologue et conférencière.

 

Pourquoi n’est-on pas heureuse même si on a tout pour l’être : une famille, un bon emploi, une maison, des amis, un pays en paix?

Le bonheur est influencé par plusieurs facteurs et ce qui est observable de l’extérieur ne suffit pas. La famille, par exemple, n’apporte pas automatiquement le bonheur, et ce, même chez les personnes qui ont souhaité avoir un conjoint ou une conjointe et des enfants. Les difficultés familiales sont nombreuses et il y a loin du rêve à la réalité. L’image qu’on se faisait de notre future famille, ou même celle qu’on projette de notre couple et de notre famille, ne reflète pas toujours ce que nous vivons dans l’intimité.

L’amitié est précieuse, mais elle ne peut suffire à combler tous nos besoins affectifs. Et un bon emploi peut comporter davantage de sources de frustrations que d’occasions de réalisation personnelle, qui est pourtant essentielle au bonheur de travailler. Et si la maison est notre chez-soi, encore faut-il qu’on y trouve le bien-être. Par ailleurs, un pays en paix est souvent tenu pour acquis… comme beaucoup d’autres choses!

Le bonheur est un état d’esprit, et non pas le résultat d’une liste d’acquisitions. Pas plus qu’il ne repose que sur un seul élément, comme se réaliser au travail ou en couple. Il découle bien davantage de notre capacité d’aimer et de créer des relations satisfaisantes, de la correspondance entre nos aspirations et nos réalisations, de notre tolérance à la frustration, du réalisme de nos attentes envers nous même, les autres et la vie. Bref, de notre attitude.

Le bonheur est un état d’esprit, et non pas le résultat d’une liste d’acquisitions. Pas plus qu’il ne repose que sur un seul élément, comme se réaliser au travail ou en couple.

D’où vient cette inaptitude au bonheur, ce sentiment d’insatisfaction? De notre enfance, de la société, de notre obsession du bien-être?

D’un peu tout ça. Des enfants qui ont eu comme modèles des parents insatisfaits ou très exigeants peuvent avoir de la difficulté à apprécier ce qu’ils ont et ce qu’ils font. Ils peuvent aussi avoir senti la tristesse des parents et éprouvé le besoin de faire des choses extraordinaires pour les «réparer». Une fois adultes, ils risquent de poursuivre cette quête de l’extraordinaire. Il peut également être difficile d’être heureuse quand on s’est toujours oubliée pour plaire aux autres.

Il faut aussi savoir que certains traits de caractère  comme le perfectionnisme ou la dépendance nous prédisposent davantage à l’insatisfaction chronique. Si on attend que tout soit parfait pour se sentir satisfaite, ça nous arrivera rarement. Et si on attend que tout vienne des autres ou du hasard, on sera aussi plus souvent frustrée. Même lorsqu’on obtient ce qu’on souhaite, on éprouvera moins de satisfaction que si on se sentait maîtresse de notre bonheur.

Notre bonheur est-il influencé par les standards qu’on se crée et les attentes qu’on satisfait… ou pas?

On est toutes influencées par notre environnement. Parfois, sans trop s’en rendre compte, on veut ce qu’ont les autres, du moins ceux auxquels on s’identifie. On veut ce qui est valorisé, ce qui contribue au statut social. Il peut arriver que ça corresponde à nos désirs authentiques (famille, travail, maison, etc.), mais lorsque ce n’est pas le cas, ce qui est fréquent, la satisfaction de l’obtenir risque d’être de courte durée.

Les femmes sont-elles plus à risque de ne pas être heureuses? La charge mentale jouet-elle un rôle à cet égard?

Les femmes ont souvent des objectifs plus globaux et plus élevés. On en est encore à relever le défi de réussir notre vie familiale et professionnelle autant que si on se consacrait entièrement à l’une ou à l’autre, tout en se sentant responsable (voire hyper responsable) de tout. La barre est haute et on risque de perdre de vue l’essentiel: la capacité de mener et d’apprécier notre vie à notre manière.

Est-ce parce qu’on est trop perfectionniste et qu’on veut être hyper performante sur tous les plans?

La performance peut créer de la satisfaction. Le sentiment d’être efficace, d’être capable de relever des défis et de se dépasser est une source de bonheur. Le problème surgit lorsque la performance est recherchée pour elle-même et non pour l’atteinte d’objectifs qui nous rejoignent. C’est aussi un problème lorsqu’on veut être performante tout le temps, dans tous les domaines. En fait, lorsque c’est notre seul moteur, la seule image satisfaisante qu’on ait de nous-même.

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Quels sont les principaux obstacles au bonheur?

Il y a des obstacles réels qui ne dépendent pas de nous: certaines maladies physiques ou mentales, la pauvreté, l’isolement, le deuil, les déceptions amoureuses, les coups durs. On n’est pas heureux ou malheureux tout le temps; il y a des fluctuations selon les périodes de la vie. Mais notre propre attitude y est pour beaucoup. Sur quoi repose notre estime de nous-même? Sur les apparences, sur la comparaison, sur ce que les autres pensent de nous? Tout ça nous met à risque de ne pas être heureuse. Quelle est notre vision de notre vie? A-t-elle un sens pour nous? Choisissons-nous nos projets en fonction de ce qui nous ressemble, de ce qui nous convient ou seulement en fonction de ce qui est valorisé?

On ne peut pas être heureuse sur commande. Alors, comment faire pour changer? Quelles sont les pistes de solution?

Souvent, notre vie semble complexe. Une façon de trouver le bonheur consiste à la simplifier, en commençant par identifier plus clairement nos besoins réels et nos valeurs authentiques, pour ensuite investir nos énergies dans ces directions. Notre bonheur ne peut pas être défini en fonction des critères des autres, il provient de nous.

Après avoir ciblé nos besoins et nos valeurs, on établit nos priorités. Ça nous évite de nous éparpiller dans tous les sens. C’est bien d’avoir des objectifs et de vouloir les atteindre, mais il est important de se rappeler qu’il faut franchir une étape à la fois et prendre le temps de s’arrêter pour apprécier le chemin parcouru.

On travaille ensuite sur nos objectifs et nos projets concrets en fonction de nos propres ressources. Quand on souhaite apporter un changement, on prend appui sur ce qu’il y a de solide et de positif dans notre vie. On n’a pas à tout changer et surtout pas à rejeter le fruit de notre expérience passée. Il ne faut pas tomber dans la pensée magique qu’en changeant tout emploi, couple, résidence on sera plus heureuse. Il est préférable de voir le changement sous la forme d’une spirale, qui conserve les éléments positifs du passé pour améliorer notre présent et notre avenir.

Il faut aussi prendre le temps de souligner nos bons coups et d’apprécier ce qu’on a accompli. Malheureusement, on s’habitue vite à ce qui nous procurait initialement un grand plaisir ou un sens de l’accomplissement. On banalise le fait d’avoir un toit, un travail intéressant, un salaire régulier, un ou une partenaire de vie, des enfants en santé, de précieux amis. Rappelons-nous de temps à autre qu’on n’a pas toujours eu tout ça et que ça mérite d’être reconnu. Et quand on s’attarde à prendre conscience de nos réalisations, on réduit la comparaison avec les autres une pulsion naturelle, mais qui ne conduit à rien de bon. L’essentiel n’est pas d’avoir une vie qui gagne ou qui perd si on la compare à d’autres, mais plutôt une vie qui nous ressemble, en accord avec qui on est profondément.

Pour être heureuse, il faut prendre le temps de bien se connaître, de ressentir nos émotions, nos réactions à différents événements. En plus de faire des choix qui tiennent réellement compte de qui on est et d’avoir des projets, on doit aussi apprendre à faire des deuils, dont celui de la perfection. Apprendre à s’apprécier globalement plutôt qu’en pièces détachées, et faire de même pour apprécier les autres.

Ne pas être heureuse, est-ce le signe d’une dépression? Quand faut-il s’en inquiéter?

Ça peut parfois être le cas. On n’est pas heureuse quand on est déprimée, mais l’absence de bonheur ne signifie pas nécessairement qu’on est en dépression. Il nous arrive à toutes d’avoir des périodes creuses, des journées tristes. Il faut chercher de l’aide si notre manque d’énergie et de motivation persiste, si on est souffrante et qu’on a l’impression que notre propre vie nous échappe.

Je serai heureuse quand...

Il y a les personnes qui disent : «J’ai tout pour être heureuse, mais je ne le suis pas», et il y a celles qui disent : «Je serai heureuse quand… je serai fiancée, j’aurai eu ma promotion, j’aurai fondé une famille, j’aurai gagné tel prix, etc.»

Pourtant, tous les grands sages s’entendent là-dessus : le bonheur repose sur la capacité d’apprécier le moment présent. Le fait d’atteindre des objectifs apporte certes du bonheur, mais ce dernier est éphémère. D’où l’importance de prendre le temps de savourer les progrès et de reconnaître ce que chaque expérience nous apporte. Non seulement on les appréciera davantage, mais on se réjouira aussi du chemin qui nous y a menée.



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