Certains signes ne mentent pas : les rides qui se fraient un chemin jusqu’aux tempes, les cheveux blancs qui s’imposent comme une évidence, la posture qui s’affaisse tout doucement vers l’avant. D’abord imperceptibles, les premiers indices de vieillissement du cerveau sont inévitables et, bien souvent, mal compris par les proches.
La Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, parle de l’initiative Au fil du temps, qui vise à nous faire comprendre le vieillissement du cerveau des personnes âgées afin de favoriser la bienveillance à leur égard.
Comment s’expliquent les changements de comportements chez les personnes qui avancent en âge ?
Ce sont les transformations du cerveau au fil des années qui mènent aux changements de comportements observés chez les personnes vieillissantes. En plus d’avoir de moins bonnes capacités motrices – équilibre, coordination, dextérité, précision –, leurs capacités cognitives, comme la mémoire et l’apprentissage, peuvent aussi être moins efficaces, ce qui induit graduellement des changements dans la façon dont la personne interagit avec son environnement. Les fonctions exécutives vont également s’effriter, ce qui pourrait se traduire par une difficulté, voire une incapacité, à s’organiser ou à planifier, à prendre une décision basée sur un ensemble de facteurs. Comme on l’explique dans l’épisode « Quitter sa maison », issu de la série de balados Au fil du temps, l’organisation d’un déménagement peut devenir un obstacle pour la personne âgée, tout simplement parce qu’elle ne sait pas par quel bout l’appréhender. Ces aspects du vieillissement normal du cerveau peuvent déclencher des épisodes de stress chez la personne qui n’a plus les mêmes capacités motrices et cérébrales qu’avant.
Qu’est-ce qui fait qu’une personne âgée a une réaction inhabituelle ou exagérée ?
Il est très difficile de comprendre ce qui se passe dans le cerveau d’une personne qui vieillit, surtout quand on n’est pas soi-même rendu là. C’est en faisant preuve d’empathie – c’est-à-dire en se mettant à la place de cette personne – qu’on réussit à mieux comprendre ses réactions. Si certaines d’entre elles peuvent nous sembler inhabituelles ou exagérées, c’est bien souvent parce qu’un de ses besoins n’est pas comblé. Par exemple, si une personne âgée refuse de manger, ça ne veut pas automatiquement dire qu’elle n’a pas faim. Il faut plutôt chercher à comprendre ce qui se cache derrière cette réaction : a-t-elle des blessures dans la bouche ou éprouve-t-elle du dégoût pour un aliment qu’on lui sert ?
On pense, souvent à tort, que la maltraitance est forcément volontaire. Pour quelles raisons n’est-ce pas toujours le cas ?
La maltraitance est évidente quand elle est physique ou financière, mais ce n’est pas le cas quand il s’agit de maltraitance psychologique. Non seulement elle n’est pas facile à détecter, mais les gens concernés pensent souvent qu’ils sont eux-mêmes bientraitants. Or, on devient souvent maltraitant quand on ne comprend pas ce qui se passe dans le cerveau d’une personne. Par exemple, un aîné qui est dans un processus dégénératif a beaucoup plus de difficulté à comprendre le langage et, par conséquent, à comprendre ce qu’on lui dit. Parfois, la réaction des proches sera de parler plus fort et de répéter, pensant ainsi qu’ils se font mieux comprendre. Dans un tel cas, en plus de ne pas saisir les propos exprimés, la personne âgée pense qu’on crie après elle, ce qui peut créer de l’anxiété ou des réactions mal adaptées. Le réflexe peut alors être de médicamenter la personne, alors que ce n’est pas nécessaire. C’est ce qu’on explique dans l’épisode « Aider une personne aux prises avec un TNC ».
Peut-on dire qu’il est tout à fait normal pour un proche aidant de se sentir épuisé, désorganisé, voire impuissant ou incapable à certains moments ?
Il est essentiel de s’intéresser davantage à la santé des proches aidants, puisqu’ils finissent par s’épuiser. C’est d’ailleurs ce qu’on a voulu illustrer dans la capsule vidéo « Quand tout bascule » du balado. D’abord, parce que les ressources sont difficiles à trouver, mais aussi parce que ces gens-là sont réticents à laisser d’autres personnes s’occuper de leur proche. Il faut toujours garder en tête l’image du masque à oxygène : si on veut aider les personnes autour de nous dans un avion pressurisé, il faut être en mesure de trouver de l’oxygène pour soi-même. Bien que les proches aidants se sentent souvent coupables de prendre du temps pour eux, il est primordial qu’ils s’accordent du répit afin de préserver leur santé mentale, d’éviter l’épuisement et d’agir ainsi avec bientraitance envers leur proche.
Envie d’en savoir davantage sur le vieillissement du cerveau ? Il suffit de consulter le site web Au fil du temps, une vraie mine d’or d’informations pertinentes et fiables.