J’ai rencontré Isabelle à un cours de haute couture. Au premier abord, je n’ai pas sympathisé avec elle, je lui trouvais un petit air snob. Mais au fil des semaines, j’ai découvert en ma compagne de classe une personne généreuse, rieuse, curieuse. Nous sommes devenues amies. J’avais 21 ans.
Inutile de vous dire que nous n’avons pas tardé à nous régaler de soupers au resto, de séances de cinéma, d’expos dans les musées, de virées dans les boutiques de tissus.
Quelques années plus tard, Isabelle s’est mariée, et le couple a déménagé à Paris où son mari venait d’être muté. Comme je travaillais alors pour une société aérienne et que je bénéficiais de certains avantages, notamment des billets gratuits, j’allais fréquemment la visiter.
Dix ans plus tard, ils sont revenus à Montréal. Son mari étant régulièrement appelé à se déplacer pour son travail, Isabelle et moi nous côtoyions souvent. Un jour que nous prenions le thé ensemble – notre rituel -, je détecte chez elle une certaine fébrilité. Je lui demande ce qui la trouble. Elle me répond que son mari a disparu. Je précise ici que je n’ai jamais su le fond de cette histoire, je n’élaborerai donc pas sur le sujet. Mon seul souci se limitait à réconforter mon amie.
Puis, l’époux est réapparu. Je n’ai posé aucune question. Isabelle et moi allions célébrer 20 années d’amitié, et cela seul m’importait. Sauf que..
Un soir, elle m’invite à l’accompagner au resto. Je l’avise qu’il se pourrait que je ne puisse me joindre à elle, car un ami belge, de passage à Montréal, aimerait qu’on casse la croûte ensemble. Mais, ça reste à confirmer. Aucunement froissée, elle propose de m’appeler le matin pour vérifier ce qu’il en est. Vers 17h, sans nouvelle de sa part, je pars rejoindre mon ami bruxellois. Je présume qu’elle a simplement remis notre souper à une date ultérieure.
En rentrant chez-moi en fin de soirée, je constate que mon répondeur clignote. À noter qu’à l’époque, les téléphones intelligents n’existaient pas. Isabelle m’avait laissé quatre messages! Son premier m’informait qu’elle m’attendrait devant le resto, point. Dans les deux suivants, je décelais de l’agressivité dans sa voix. Quant au dernier, il ne comportait que des insultes. Soit, à ce moment-là j’ai réalisé que j’aurais dû vérifier ma boîte vocale. Seulement, j’étais convaincue qu’elle avait décidé de reporter notre rencontre. De surcroît, elle ne m’avait pas contacté en matinée, tel que prévu. Je l’ai appelée aussitôt; elle m’a raccroché la ligne au nez. Je ne pouvais croire qu’elle veuille rompre une amitié de longue date pour un malentendu. Que j’ai pleuré! J’ai eu beau par la suite lui téléphoner, lui écrire, et ce, à maintes reprises, elle m’ignorait toujours.
Les années ont passé, et il a bien fallu que je me rende à l’évidence : nous n’étions plus amies. Cela fait 25 ans.
Crédit photo : Klaus Vedfelt Getty Images
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