Notre culture de travail fait en sorte que nous sommes plusieurs à vivre pour travailler et non à travailler pour vivre. Je pense à une amie entrepreneure qui est incapable de décrocher de son boulot. Pas une journée ne passe sans qu’elle réponde à ses courriels, envoie des factures à ses clients ou lise des publications liées à son domaine. Elle est en train de craquer… sans savoir pourquoi. Comment la convaincre de prendre de vraies vacances?
Il existe différentes raisons pour lesquelles des gens sont incapables de s’arrêter de travailler. Certaines réalités – notamment celle d’être propriétaire de sa propre entreprise en démarrage, comme l’amie dont il est question –, ne permettent pas de déléguer. On se retrouve donc constamment responsable, même lorsqu’on veut prendre des vacances. Votre amie s’identifie peut-être tellement à son entreprise qu’il lui est difficile de prendre du recul. Cela dit, n’oublions pas que le travail procure aussi des satisfactions. Il peut nous donner un sentiment de contrôle, de pouvoir et d’efficacité bien plus grand que ce que notre vie personnelle peut nous apporter. Demander à un employé d’accomplir une tâche donne généralement plus de résultats que de formuler une demande à son ado ou même à son conjoint. De plus, le travail peut combler le vide qu’on ressent parfois à certaines périodes de notre vie. Quand on est occupée à travailler, on se sent moins seule.
Comment gérer les nouvelles technologies qui nous permettent d’être connectée même en vacances?
Nos appareils électroniques sont à la fois le prolongement de notre cerveau et notre connexion avec le monde extérieur. Ils nous donnent un sentiment de compétence, d’appartenance, voire de notoriété. On peut en devenir dépendante, à partir du moment où on a besoin de cette stimulation pour se sentir vivante. Pour réellement se reposer, il faut pourtant en prendre congé. Se déconnecter ne serait-ce que quelques heures par jour en vacances permet à notre cerveau de prendre une pause de ce genre de stimulation. Ça nous force aussi à ressentir davantage ce qui se passe en nous et autour de nous: une rêverie qui ne serait pas interrompue par un «ding» annonçant un message, une marche sur la plage en ayant les mains libres et l’attention complètement portée aux odeurs et aux sons, une conversation en tête-à-tête sans que le regard dévie sur l’écran, qui devient alors plus important que la personne en chair et en os.
Quels sont les bienfaits des vacances?
Le repos est essentiel. Il permet d’améliorer la santé physique et psychologique, d’éviter l’épuisement et tous les maux qui en découlent. Or, même si on se repose un peu tous les jours et qu’on bénéficie généralement de deux jours de congé par semaine, ça ne suffit pas pour «décrocher», c’est-à-dire pour que les pensées reliées au travail s’estompent vraiment. On a besoin de s’éloigner suffisamment du travail pour se recentrer sur d’autres composantes de notre vie et mieux en profiter. Par exemple, fréquenter davantage les membres de notre famille, renouer avec des amis qu’on ne voit pas assez pendant l’année, explorer des lieux et des états d’âme différents, se projeter dans l’avenir, rêver… Les vacances nous offrent également l’occasion d’acquérir de nouvelles compétences. Les activités qu’on pratique ou encore les voyages qu’on fait nous permettent d’assimiler de nouvelles connaissances et d’acquérir de nouveaux savoir-faire. Se reposer favorise donc notre créativité et stimule notre imagination. À ce propos, il se pourrait que la meilleure décision à prendre au sujet d’un quelconque projet surgisse soudainement en écoutant le bruit des vagues.
Les vacances ont-elles un effet sur la productivité?
Oui. On travaille plus intelligemment et on est plus performante quand on prend soin de soi. Rattraper un manque de sommeil et faire plus d’exercice sont deux façons très simples d’améliorer la concentration dont on a tant besoin pour être efficace. On se fait ainsi des réserves utiles pour composer avec les nombreuses situations stressantes qui jalonnent notre quotidien.
La fatigue, en soi, n’est pas un problème. C’est l’incapacité de se reposer qui en est un. Les vacances servent aussi et surtout à apprendre à se reposer. Il faut explorer plusieurs moyens pour identifier ce qui nous fait réellement du bien et ainsi pouvoir y recourir durant les mois suivant notre retour au travail. On réalise, par exemple, que la marche nous détend davantage quand on va se promener seule. On apprend à méditer et on se rend compte que ce n’est pas si difficile et que ça ne prend pas tellement de temps non plus. On redécouvre le plaisir de la lecture, ce qui nous fait prendre une pause des écrans.
De plus, si les vacances nous mènent à un état de calme et d’harmonie avec les autres, on cherchera à maintenir cet état et on prendra davantage conscience des dérapages qui peuvent mener au burnout ou à d’autres problèmes de santé. On aura ressenti l’ensemble de ce qui est important pour nous: un bien-être physique, un esprit serein, du temps de qualité avec nos proches et des intérêts différents de ceux liés à notre travail. Le cercle vicieux à éviter, c’est de travailler au point de ne plus s’intéresser à rien d’autre et de travailler tout le temps parce que rien d’autre ne nous intéresse…
À quelle fréquence devrions-nous prendre des vacances? Quelle en serait la durée idéale pour profiter de leurs bienfaits?
Nous sommes tous différents et nos modes de fonctionnement le sont tout autant. Certaines personnes ont besoin de congés courts mais réguliers, alors que d’autres ont besoin d’une plus longue période pour décrocher.
Des données en psychologie organisationnelle tendent à démontrer que la productivité décline rapidement à partir de 8 à 10 semaines après un retour de vacances. Selon ces données, dans un monde idéal, on devrait prendre au moins une semaine de congé à toutes les saisons. Cela dit, il est parfois bon de décrocher plus longtemps en s’octroyant au moins deux semaines de vacances consécutives. Mais au-delà de la quantité de jours de vacances, c’est la qualité qui est souvent plus importante. Car le succès d’une tentative de déconnexion dépend aussi de la façon dont on occupe et organise notre temps de repos.
Tout le monde n’a pas la même façon d’envisager les vacances. Pour certains, il est impossible de relaxer sans quitter la maison et partir dans un tout-inclus ou de faire du tourisme en Europe ou en Asie. D’autres apprécient davantage de rester chez eux et de se livrer aux joies du staycation [NDLR: une contraction des mots stay pour «rester» et vacation pour «vacances»]. Dans ce cas, on évite de dresser une longue liste de tâches à accomplir. Il s’agit plutôt de se livrer à notre passion (jardinage, yoga, lecture, peinture, photo) ou de profiter à plein des musées, parcs, festivals, restos, bref, de tout ce qu’on n’a jamais le temps de faire le reste de l’année. Une semaine ou deux sans agenda, sans réveille-matin, sans obligations, pour faire uniquement ce qu’on a envie de faire, c’est aussi ça, les vacances.
Comment parvient-on à profiter des vacances sans penser aux centaines de courriels et à la charge de travail qui nous attendent au retour?
D’abord, il faut reconnaître qu’on n’est pas totalement indispensable. Il faut aussi préparer notre absence. En l’annonçant à l’avance et en déléguant clairement chacune de nos tâches, on évitera la surcharge de travail au retour. On peut aussi aviser les personnes concernées de ce qui ne sera pas fait durant nos vacances et revoir les échéanciers en conséquence. Tout ce qui reste à faire au moment de notre départ devrait être soit délégué, soit reporté à une date ultérieure. Il faut également accepter que les choses ne se feront pas de la même manière en notre absence. Peut-être avons-nous besoin d’apprendre à être moins contrôlante pour notre bien-être et celui des autres…
On peut aussi mettre en place un «rituel» de vacances, histoire de vraiment quitter le mode «métro-boulot-dodo». Pour certaines personnes, ce lâcher-prise s’opère grâce à des activités relaxantes comme le yoga ou la médiation. Pour d’autres, ça va plutôt passer par l’organisation minutieuse de vacances bien remplies. Il s’agit de respecter notre propre style et de se demander ce qui, pour nous, est synonyme de vacances: déguster un verre de vin sur la terrasse, s’offrir un marathon de téléséries sur Netflix, etc. C’est l’état d’esprit dans lequel se déroulent les vacances qui en assure le succès. À nous de trouver notre formule gagnante.
Comment décrocher… chaque jour?
Il est bien sûr important de s’accorder des vacances chaque année. Mais il est tout aussi indispensable de décrocher du travail un peu chaque jour. Voici quelques astuces pour y arriver.
- Se réserver du temps pour planifier notre travail dans le but d’éviter d’être constamment débordée. En discuter de manière constructive avec nos collègues, patrons ou employés.
- Organiser nos journées de travail autour des choses importantes, en commençant par les plus urgentes… selon nous. On laisse les autres gérer leurs propres urgences. Il est plus facile de décrocher à la fin de la journée quand l’essentiel a été fait. On risque moins d’être préoccupée en soirée… ou même en pleine nuit!
- Quitter le travail en mettant l’accent sur tout ce qu’on a fait et planifier sommairement ce qu’il reste à faire.
- Investir temps et énergie afin de rendre notre vie personnelle intéressante et harmonieuse, histoire de ne pas la «combler» par des préoccupations liées au travail.
Quand sait-on qu’il est temps de prendre des vacances?
- On n’arrive plus à se reposer suffisamment durant la fin de semaine.
- On a l’impression de travailler aussi fort que d’habitude sans obtenir les mêmes résultats.
- Tout le monde nous énerve.
- On est obsédée par certains problèmes qu’on n’arrive pas à résoudre.
- On n’éprouve plus de plaisir à travailler ni à être en congé.
Note
Au moment où cet article a été rédigé, le Québec était plongé en pleine pandémie de la COVID-19. Peut-être le sera-t-il encore au moment de la publication. Si c’est le cas, vous avez sûrement d’autres préoccupations que de prendre congé à l’heure actuelle, mais quand la situation redeviendra normale, tout le monde aura sans doute besoin de vacances bien méritées. Car il ne faut pas confondre vacances et arrêt forcé.
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