Psycho : Oser aller vers les autres

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25 Jan 2023 par Chantal Tellier
Catégories : MSN / Psycho / Véro-Article
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Dans une société où chacun doit affronter tellement de changements, aller vers les autres et leur faire confiance semble de plus en plus difficile. Pourtant, on a beaucoup à gagner en élargissant notre cercle social!

Quels sont les réflexes à cultiver et les attitudes à adopter pour s’ouvrir aux autres? On en parle avec la psychologue et conférencière Rose-Marie Charest.

 

Pourquoi s’ouvrir aux autres est-il si difficile pour certaines personnes, alors qu’il y a des gens qui vont facilement vers les autres, qui leur font aussitôt confiance et qui arrivent à se faire des amis rapidement? Est-ce seulement une question de personnalité?

Nos relations avec les autres sont ce qui compte le plus pour notre bien-être psychologique: être en présence physique d’autrui répond à un besoin fondamental d’attachement. Mais si le contact avec les autres est essentiel, c’est aussi ce qu’il y a de plus exigeant. Tout le monde, à divers degrés, ressent une petite crainte d’aller vers les autres. On remarque d’ailleurs que très peu de rassemblements ont lieu sans alcool, qui sert de liant social.

La perception qu’on a de soi-même joue un rôle important. Si on se perçoit comme une personne intéressante, on est davantage rassurée quant à l’accueil que l’autre nous réservera. N’oublions pas que la crainte du rejet est une de nos plus grandes peurs comme humains et qu’elle habite certaines personnes plus que d’autres, notamment à cause de leurs expériences passées. On comprend que les gens qui ont vécu des traumatismes liés au rejet ou à l’abandon seront moins enclins à s’ouvrir aux autres et à leur accorder leur confiance. Ces personnes auront tendance à attendre que les autres viennent vers elles. Mais les autres ne se sentent pas bienvenus devant une personne qui se tient en retrait. Ils ont le sentiment qu’il y a une frontière à franchir pour la rejoindre et ça n’a rien à voir avec la valeur de la personne en tant que telle.

 

Y a-t-il un lien entre l’incapacité à s’ouvrir aux autres et une mauvaise estime de soi? A-t-on peur d’être jugée si on se confie aux autres, ou que l’expression de nos émotions soit vue comme un signe de faiblesse?

La base de la confiance en l’autre est la confiance en soi. En effet, aucun ami, partenaire, collègue, amoureux, bref aucune personne avec qui on est en relation dans la vie ne répondra totalement à nos attentes, qu’elles soient exprimées ou non. C’est déjà un pas de les exprimer, un pas que plusieurs n’osent pas faire, espérant plutôt que l’autre, «s’il nous aime et nous respecte suffisamment», saura comment agir pour nous faire plaisir. Cela dit, pouvoir faire confiance à l’autre totalement et aveuglément est utopique. Dans toutes les relations, on doit parfois corriger le tir, que ce soit pour de toutes petites choses ou pour défendre des valeurs fondamentales.

Si la crainte du rejet est très répandue, elle est suivie de près par la peur du jugement. Or, notre valeur personnelle ne dépend pas du jugement que telle ou telle personne porte sur nous. On n’a qu’à penser à notre propre jugement sur les autres, qui est largement influencé par ce qu’on vient de vivre: une journée où tout va mal, on peut critiquer notre voisine de bureau juste parce qu’elle a l’air heureuse… A-t-elle le contrôle sur ce qu’on pense d’elle? Non. C’est la même chose pour nous. On n’a pas le contrôle sur ce que les autres pensent de nous.

La capacité de prendre des risques et de tolérer un jugement sévère repose sur notre propre aptitude à nous demander «Qu’est-ce que je pense de moi?» et à agir en conséquence pour modifier certains comportements et assumer qui nous sommes, malgré nos imperfections. Selon moi, c’est la base de notre santé psychologique et de la qualité de nos relations avec les autres. En ayant confiance en notre capacité de nous affirmer, de prendre en considération le malaise que l’autre peut provoquer en nous, de demander des changements ou de quitter la relation si elle devient destructrice, on peut alors oser aller vers les autres.

 

Pourquoi est-ce une bonne chose d’aller vers les autres? En quoi ça nous rend plus heureuse?

Aller vers les autres permet d’orienter et de choisir nos relations. Bien sûr, dans une soirée ou au travail, on peut attendre que les autres viennent vers nous. Mais si les deux personnes sont dans la même attente, il ne se passera rien. Et n’oublions pas que l’autre a ses propres malaises, ses propres hésitations, voire ses propres peurs. Mais en évitant toujours de faire les premiers pas, on se prive de développer des relations avec les personnes qui nous intéressent et qui, peut-être, n’auraient pas osé nous approcher.

La capacité de prendre des risques et de tolérer un jugement sévère repose sur notre propre aptitude à nous demander “Qu’est-ce que je pense de moi?” et à agir en conséquence pour modifier certains comportements et assumer qui nous sommes, malgré nos imperfections.

Quand on se méfie des autres, on est constamment dans l’attente d’être déçue. Et ça finit souvent par arriver, ne serait-ce que parce que nos propres exigences sont trop élevées! Alors que si on apprend à aller vers les autres et à leur faire raisonnablement confiance, notre perception du monde change. On a une vision d’ensemble de ce que l’autre est. On se sent plus heureuse, plus vivante, plus attrayante. On laisse tomber les barrières qu’on avait érigées autour de nous pour nous protéger. Vivra-t-on des déceptions? Sans doute. Mais ça ne sera pas aussi dramatique que l’idée qu’on s’en était fait.

S’ouvrir aux autres nous permet de sortir de notre routine et de notre zone de confort. Nos amis de longue date partagent généralement les mêmes valeurs et les mêmes intérêts que nous. C’est très bien, mais c’est bénéfique aussi d’avoir l’occasion de remettre en question notre façon de penser, de découvrir différentes perspectives sur certains sujets. Rencontrer de nouvelles personnes nous aide également à tenter des expériences qu’on n’aurait pas vécues autrement et à apprendre des choses sur nous-même.

J’ajouterais qu’il faut aussi se montrer curieuse envers les membres de notre famille et nos amis de longue date. On a l’impression qu’on les connaît bien, qu’on sait tout à leur sujet, mais on les fige parfois dans des rôles statiques alors qu’ils continuent, comme nous, d’évoluer. On serait surprise de voir à quel point on peut les redécouvrir. C’est d’autant plus pertinent en ce moment, alors que nos rencontres ont été pas mal moins fréquentes durant la pandémie.

 

Existe-t-il des façons d’agir, des techniques pour nous aider à s’ouvrir aux autres et à leur faire confiance?

Il faut d’abord s’accepter, être fière de qui on est, de ce qu’on a à partager avec l’autre. La première étape consiste donc à avoir une vie qui nous ressemble, tant en ce qui concerne nos intérêts que le respect de nos valeurs et l’investissement dans ce qui nous rend heureuse. Cette vie intéressante fait de nous une personne qui a quelque chose à partager et qui est contente de le faire. Il ne faut pas que l’autre sente qu’il est seul à porter la responsabilité de nous valoriser, de nous rendre heureuse. Plus notre vie comporte d’intérêts, de projets, de réalisations, d’implications, moins on aura peur du risque inhérent à toute relation et plus on se sentira autonome. Et cette autonomie est la base de notre capacité d’être en relation.

S’ouvrir aux autres nous permet de sortir de notre routine et de notre zone de confort. Nos amis de longue date partagent généralement les mêmes valeurs et les mêmes intérêts que nous. C’est très bien, mais c’est bénéfique aussi d’avoir l’occasion de remettre en question notre façon de penser, de découvrir différentes perspectives sur certains sujets. Rencontrer de nouvelles personnes nous aide également à tenter des expériences qu’on n’aurait pas vécues autrement et à apprendre des choses sur nous-même.

Pour aller vers les autres, on doit aussi avoir l’intention de les découvrir, d’accepter leurs différences, le désir de partager et l’envie de sortir de notre zone de confort. De même, pour créer et nourrir ce lien, il est primordial de se montrer sensible aux sentiments des autres et d’être réceptive à ce qu’ils nous disent sans avoir besoin d’être toujours d’accord avec eux. Les gens heureux sont des gens curieux. La clé, c’est de focaliser sur la personne qu’on veut approcher, de s’intéresser à elle. Concrètement, il s’agit davantage de poser une question qui lui permettra de se dévoiler que de trouver quelque chose de brillant à dire. Les gens qui se font des amis sont ceux qui s’intéressent aux autres et qui ont des projets à partager.

Pour briser la glace et faciliter les premiers contacts, on peut se tenir au courant de l’actualité, s’inscrire à de nouvelles activités qui favorisent les rencontres (groupe de marche, club de lecture, cours d’informatique…), se renseigner sur les gens qui sont invités au même party que nous, apporter notre aide en cuisine si on est invitée à souper, participer à l’organisation d’une rencontre politique, etc.

 

Est-ce qu’une seule trahison, un seul événement fâcheux peut tout changer? Peut-on accepter que l’autre puisse nous décevoir sans que ça remette en question notre capacité à faire confiance?

Certaines trahisons peuvent nous amener à remettre en question notre capacité de porter un bon jugement sur l’autre. Il faut être prudente, car certains grands manipulateurs sont très difficiles à démasquer. Si on a été ébranlée, on peut regarder toute la chaîne d’événements qui nous a amenée à croire en l’autre plutôt que de se juger sévèrement et ne plus se faire confiance. Il faut surtout éviter de généraliser en se disant que les hommes sont tous pareils ou que les femmes sont toutes des rivales potentielles.

Ces affirmations ne tiennent pas compte des nuances et surtout des différences individuelles. Elles parlent plutôt de notre blessure, de notre désir de ne plus jamais souffrir et, donc, de ne plus faire confiance à personne. Or, une telle colère, un tel isolement sont des sources de souffrance. Il vaut mieux tenter de comprendre ce qui s’est passé dans chaque situation et voir ce qu’on pourrait faire pour se prémunir contre tel type d’individu ou contre tel aveuglement.



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