Et si, pour oublier la froidure, on en faisait notre allié en cette période de festivités?
Dans les rues, les commerces, les entreprises et une majorité de foyers, l’arbre de Noël brille rarement par son absence. Qu’on ait 15 ou 75 Noëls au compteur, il suffit de fouiller un peu dans nos souvenirs pour se rendre compte que le sapin n’est jamais bien loin. Me revient en tête le conifère géant, criblé de lumières et paré de fausse neige, que j’ai eu la chance d’admirer au Magic Kingdom à Walt Disney World, à l’aube des années 1980. «Le plus grand du monde», m’étais-je alors dit, du haut de mes 10 ans.
Le pouvoir de marquer les esprits
Majestueux ou plus modeste, le sapin de Noël est un invité de marque qui s’est taillé une place de choix dans nos salons. Figure emblématique du temps des fêtes, il fait plus que nous replonger dans l’enfance: il nous ramène à la famille, dont l’une des représentations, comme le souligne la psychologue Nathalie Parent, est «l’arbre généalogique», avec ses racines et ses ramifications illustrant la filiation.
Selon Mme Parent, le rituel d’aller couper un sapin ou de le décorer en famille a quelque chose de rassurant: «Les traditions nous permettent de vivre une continuité dans le temps, elles sont un repère stable. À l’adolescence, on les remet en question, mais on y revient quand on a des enfants.» Indubitablement aussi quand on garde des souvenirs heureux des Noëls d’antan.
Considéré comme un symbole de vie éternelle chez les peuples anciens, décoré de bougies au solstice d’hiver et orné de fruits en guise d’offrande, le sapin a certes changé de connotation au fil des siècles, mais il reste au cœur des célébrations hivernales. Et on peut compter sur lui pour nous mettre dans l’ambiance! «Comme toutes les décorations de Noël, l’arbre nous prépare à la fête, affirme la psychologue. Il nous permet de mieux gérer l’attente, de faire monter le désir et le plaisir.»
La business du sapin
Selon Charles Vaillancourt, président de l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec (APANQ), l’industrie du sapin de Noël va bien. Après une carrière comme joueur de football, M. Vaillancourt a repris les rênes de l’entreprise familiale, dont une des activités est la production de sapins. Initié dès son plus jeune âge – «Mon premier travail, ç’a été d’aller trimer les arbres», confie-t-il –, il est bien placé pour savoir combien de temps il faut attendre entre la plantation d’un arbre de Noël et sa cueillette: «Ça prend 9 ou 10 ans avant que l’arbre arrive à maturité. À ce moment-là, il mesurera entre 7 et 8 pieds. Ces arbres, comme ceux de formats “5 à 6 pieds” et “6 à 7 pieds”, sont parmi les meilleurs vendeurs.»
Si les mois de novembre et de décembre sont ceux où monsieur et madame Tout-le-Monde passent en mode «sapin de Noël», pour les producteurs, tout commence en mai, dès que dame Nature accueille la plantation des nouveaux spécimens.
«On va se le dire: c’est elle [mère Nature] qui dicte le travail à faire dans nos champs», résume Charles Vaillancourt. Ainsi, l’entretien des conifères s’amorce en juillet et consiste à égaliser les nouvelles pousses avec de longs couteaux. C’est ce qui donne aux arbres «une belle forme conique». Un travail de bras… qui se fait aussi à pied, les travailleurs se promenant dans les plantations avec des jauges qu’ils utilisent pour mesurer la hauteur des arbres et ensuite les étiqueter.
Quand on lui demande si les changements climatiques jouent les trouble-fêtes, Charles Vaillancourt répond affirmativement. «Il y a les pluies diluviennes, auxquelles s’ajoutent les épisodes de sécheresse, les maladies, les insectes ravageurs et les gels tardifs. Faites le compte: c’est 10 ans de risques à gérer», explique celui qui souhaite sensibiliser le public à cet égard. «Des sapins et des épinettes, on en voit partout dans nos forêts, mais cultiver un bel arbre en santé – un premium, comme on dit dans notre jargon –, c’est plus difficile qu’on pense.» Mais loin de se laisser abattre par les caprices de la météo, M. Vaillancourt est convaincu que l’intérêt pour l’auto-cueillette en famille continuera de croître et que le sapin naturel est là pour rester… «parce qu’il fait partie des traditions».
La sellette
- L’arbre de Noël a fait les manchettes et connu son lot de controverses ces dernières années. Rappelez-vous le fameux sapin de la place des Festivals, couvert d’opprobre en 2016 parce qu’il n’affichait pas une conicité parfaite. Ou encore ces élus qui, pour des motifs d’accommodement raisonnable, ont choisi de le bannir de certains édifices municipaux. Pas question ici d’alimenter l’épineux débat. Soulignons seulement que, même s’il est lié à la fête chrétienne de Noël, le sapin a pris racine dans une archaïque pratique païenne.
- On a volontairement éludé l’éternel dilemme entre sapin naturel et artificiel. Quoique cette rivalité revienne régulièrement à la une, on tient pour acquis que le vrai comme le faux méritent de se joindre aux festivités. Cela dit, une étude comparative réalisée par la firme Ellipsos donne l’avantage aux arbres naturels en matière d’environnement. Si on opte pour un faux, alors vaut mieux le conserver longtemps, voire dix ans ou plus, pour atténuer son empreinte écologique.
- L’autocueillette de sapin est une belle idée de sortie en famille à l’approche des Fêtes. La ferme Quinn, à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, et la ferme Bélanger-Doré, à Mirabel, sont deux endroits à proximité de Montréal où pratiquer cette activité. Découvrez d’autres adresses sur le site de l’APANQ (apanq.qc.ca).
Paradis artificiel
À l’instar du «vrai», le faux sapin a lui aussi pris du galon, semble-t-il. Surtout auprès des inconditionnels, prêts à accrocher leurs guirlandes scintillantes alors qu’ils viennent à peine de souffler sur la bougie de leur citrouille d’Halloween.
Ceux-là sont plus nombreux à se tourner vers les sapins synthétiques et autres similiconifères. N’y voyez pas là un reproche, au contraire! D’autant que les reproductions actuelles, certaines de confection allemande, sont du plus bel effet et plus réalistes que jamais! Rien à voir avec les sapins aux aiguilles style «brosses de toilette» d’une autre époque. Vice-présidente de Jardin Dion, Sylvianne Dion était elle aussi très jeune quand elle a commencé à travailler pour le centre de jardin fondé par son père. «On a toujours vendu des sapins naturels à Noël», raconte celle qui a notamment suivi une formation de fleuriste. «Je faisais des couronnes, des gerbes, puis on a commencé à acheter des boules, des lumières, des ornements, et à monter des sapins [artificiels] à l’intérieur de la boutique. Les clients venaient nous voir et nous disaient: “Je le veux tel quel, pouvez-vous me le livrer?” […] Puis, on a eu cette réflexion: pourquoi ne pas travailler avec des dessins, comme on le fait en aménagement paysager? On s’est mis à faire des croquis à partir des photos que les clients nous apportaient. C’est comme ça qu’on a commencé à faire des décorations sur mesure.» De fil en aiguille, la demande s’est bonifiée et un service d’installation, de décrochage et d’entreposage clés en main est né. Le tout moyennant certains frais, il va sans dire.
On s’entend ici sur une chose: les ménages ne disposent pas tous du même budget pour le temps des fêtes. Sylvianne Dion le confirme d’emblée, affirmant qu’un service cinq étoiles comme celui qu’elle propose profite davantage aux propriétaires de maisons plus cossues. Ceux et celles qui habitent dans des immeubles en copropriété ou dans des maisons de retraite peuvent être tout aussi friands d’une telle offre, même s’ils ne disposent souvent d’aucun endroit où ranger cet attirail de Noël. Pour que tout un chacun puisse rêver, Mme Dion précise: «Avoir carte blanche permet à mes designers – que j’appelle aussi mes lutines ou mes “luminologues” – de s’éclater, mais je sais que je peux compter sur mon équipe pour faire du beau, quel que soit le budget alloué.»
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Photos: Getty Images