Quand nos parents vieillissent

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26 Mai 2022 par Chantal Tellier
Catégories : Famille / MSN / Psycho / Véro-Article
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Comment bien accompagner nos parents vieillissants?

On les a vus comme nos piliers, notre source de sécurité. Comment accepter la réalité de leur vieillissement? Et comment bien accompagner nos parents dans cette étape de leur vie sans se perdre soi-même de vue? On en parle avec la psychologue et conférencière Rose-Marie Charest

Pourquoi est-ce difficile de voir nos parents vieillir?

Parce que la relation avec nos parents n’est pas rationnelle. On sait qu’ils vont vieillir et mourir, on sait qu’ils passeront de plus forts que nous à plus faibles que nous mais, émotivement, c’est difficile à accepter. On a été habitués à compter sur eux. Ils représentaient nos points de repère. En les voyant vieillir, on perçoit leurs limites et ça nous fragilise.

Leur vieillesse nous met aussi face à notre propre vieillissement… et à notre mortalité. En même temps que nos parents font le deuil de leur jeunesse, on doit faire le deuil de notre enfance et de notre insouciance. On n’est pas préparés à ça. Le plus effrayant dans cette prise de conscience est souvent le changement de dynamique. On réalise alors que non seulement on ne peut plus compter sur eux, mais qu’on devra sans doute prendre soin de nos parents à notre tour. On peut ressentir de la tristesse, mais aussi de la frustration, voire de la colère. Il faut également faire le deuil des parents idéalisés, ceux qu’on aurait voulu avoir, ceux envers qui on avait des attentes. Voir vieillir nos parents, c’est devoir faire une croix sur beaucoup de choses qu’on aurait aimé vivre avec eux, accepter ce qu’ils sont comme parents et prendre conscience de nos propres besoins ou désirs inassouvis.

Comment se préparer au vieillissement de nos parents?

Mieux on connaît nos parents, plus il sera facile de faire les adaptations que leur vieillissement exigera, tant sur le plan concret que relationnel. En jasant avec eux, avant même que surgissent les problèmes, on devrait les sensibiliser au fait qu’ils pourraient un jour avoir besoin d’aide; on prête attention à leurs priorités, on discute de leurs attentes, et, le cas échéant, on réajuste le tir. Nos parents sont des adultes habitués à prendre leurs propres décisions. Plus ils participeront à celles qu’on devra mettre en œuvre, plus il sera facile pour nous d’agir de manière appropriée. Il ne faudrait pas réduire leur avenir à la maladie, aux pertes, aux soins et au soutien que ça peut exiger. On devrait aussi les questionner sur leurs projets futurs et leurs désirs pour les aider à les préciser. Que souhaitent-ils réaliser? Dans quoi veulent-ils s’investir?

Voyager à l’étranger? Apprendre une autre langue? Faire partie d’une chorale? Pratiquer une activité physique? Voir leurs petits-enfants et leurs amis plus souvent? Il y a une multitude de choses qui peuvent intéresser nos parents et faire d’eux des gens plus épanouis. Rappelons-leur que les voir heureux nous rend aussi plus heureux.

Comment savoir que le moment est venu d’intervenir?

Il est parfois difficile de prendre position entre ce qui pourrait être vu comme de la négligence (si on n’agit pas) et ce qui pourrait être vécu comme du non-respect de la liberté ou de l’intimité de nos parents (si on agit). On peut prêter attention à certains indicateurs, comme l’oubli de prendre leurs médicaments, l’apparition de nouveaux problèmes de santé, des difficultés sur le plan alimentaire, un certain isolement, une confusion qui entraîne des risques. On peut surtout faire réaliser à nos parents qu’on ne peut pas deviner leurs besoins et les inviter à nous en faire part, tout en leur précisant qu’on ne pourra pas forcément y donner suite nous-même, mais qu’on les aidera à trouver d’autres ressources. On peut aussi suggérer des formules auxquelles ils n’ont peut-être pas pensé, comme s’abonner à une popote roulante ou faire leur commande d’épicerie en ligne.

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Si nos parents n’admettent pas qu’ils ont besoin d’aide, comment les en convaincre?

Il est probable qu’ils soient réticents au début. Personne ne veut perdre le contrôle de sa vie, sans compter qu’il est humiliant de perdre son autonomie, surtout devant ses enfants. C’est pourquoi il est si important d’impliquer nos parents, autant que possible, lorsqu’on planifie l’aide dont ils auront besoin. Ça les incitera à nous considérer davantage comme un partenaire que comme quelqu’un qui intervient soudainement pour décréter des changements. Tant que nos parents ne sont pas en danger immédiat ou en situation de risques importants, on essaie de ne rien imposer. On peut commencer par des approches moins intrusives, en se concentrant sur un ou deux besoins essentiels, et augmenter le niveau d’aide au fur et à mesure.

Voir vieillir nos parents, c’est devoir faire une croix sur beaucoup de choses qu’on aurait aimé vivre avec eux, accepter ce qu’ils sont comme parents et prendre conscience de nos propres besoins ou désirs inassouvis.

Pourquoi nos parents refusent-ils nos conseils?

Rappelons-nous qu’il y a belle lurette que nous ne voulons pas des leurs non plus. Ce sont des adultes qui ont le droit de prendre des décisions, même celles qu’on trouve moins bonnes. Si notre père, malgré nos exhortations, refuse de faire opérer ses cataractes ou de se procurer un appareil auditif, c’est finalement son choix, et c’est lui qui en subit les conséquences. Sa décision n’est peut-être pas celle qu’on prendrait et ça peut être très frustrant, mais il nous faut lâcher prise, autrement c’est notre relation avec lui qui sera gâchée.

On peut toutefois se demander si nos parents agissent comme ils le font par habitude, pour affirmer leur indépendance ou parce qu’ils sont déprimés ou désorientés. Si on a des doutes, on pourrait leur demander de les accompagner chez leur médecin ou de nous autoriser à lui parler, dans le but d’aller chercher toute l’aide dont ils ont besoin. À ce propos, un tiers aura souvent plus de chances d’être entendu. Par exemple le médecin traitant, qui dispose d’une forte crédibilité, un ami qui a déjà subi une opération pour les yeux, une voisine proche… Cela dit, l’enfant doit aussi reconnaître que l’isolement, la perte d’autonomie et la maladie font partie du vieillissement normal. On peut faire beaucoup de choses pour ralentir le processus et soulager les malaises et la douleur, mais on n’est pas tout-puissant.

Qu’est-ce qu’on peut faire pour réellement aider nos parents?

Dans le meilleur des mondes, chaque enfant – ou membre de la famille ou du groupe d’amis – est amené à jouer un rôle différent. On convient à l’avance de la manière dont chacun de nos efforts peut se compléter afin de former une équipe efficace, où chaque participant pourrait assumer les tâches qui correspondent le mieux à ses compétences ou à ses intérêts.

On dit souvent que ça prend un village pour élever un enfant. Ça prend aussi un village pour prendre soin d’un parent âgé.

  • Est-ce qu’on est doué pour trouver des informations, tenir les gens au courant de l’évolution de la situation et offrir de l’encouragement?
  • Est-on doué pour superviser et diriger les différents services?
  • Est-on à l’aise de parler avec le personnel médical et d’interpréter ce qu’il dit aux autres membres de la famille?
  • Est-on habile avec la paperasse, comme payer les factures, suivre les relevés bancaires et examiner les polices d’assurance?
  • Habite-t-on assez près des parents pour leur rendre visite aussi souvent que nécessaire?
  • A-t-on du temps pour faire les courses, des aptitudes et un intérêt pour la cuisine?
  • Partage-t-on un intérêt commun avec eux pour une activité qui leur est encore accessible?

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On dit souvent que ça prend un village pour élever un enfant. Ça prend aussi un village pour prendre soin d’un parent âgé. L’aidante – parce que ce sont plus souvent des femmes – qui s’isole, qui croit tout pouvoir faire par elle-même, qui n’ose pas demander de l’aide risque elle- même de devenir souffrante.

Comment prendre soin de soi-même tout en devenant une proche aidante?

Avouer sa propre fatigue ou son exaspération n’est pas toujours facile… Il est très important de pouvoir compter sur une personne à qui on pourra se confier. Aider un parent âgé, c’est très généreux. Mais ça peut facilement devenir une source de stress, voire d’épuisement, et entraîner des émotions dont on est moins fière: peur de ne pas y arriver, irritabilité, hâte que ça finisse, colère envers les autres membres de la famille qui nous laissent tout ça sur le dos. On ne doit pas avoir honte de ces réactions si humaines. Il faut plutôt prévoir qu’elles peuvent survenir et s’assurer à l’avance qu’on aura quelqu’un pour nous écouter et nous aider à y voir plus clair. Parce que les proches aidants sont souvent débordés, ils peuvent facilement négliger leurs propres besoins et leur bien-être, ce qui met en péril leur santé, mais aussi leur capacité à prendre soin de leur parent âgé et à établir des liens avec lui. Cela dit, ils peuvent recourir à diverses stratégies pour gérer la pression qu’ils subissent, comme se joindre à un groupe de soutien, se réserver du temps pour faire des activités qui leur plaisent, se consacrer à des projets personnels, etc. Il est aussi très important de fixer ses limites. Être un chef d’orchestre, ce n’est pas jouer de tous les instruments. On veut que nos parents soient en sécurité et en santé. Mais il se peut, par exemple, qu’on n’ait pas la capacité physique ou émotive de donner le bain à un parent. Et ce n’est pas de l’égoïsme ni un manque de cœur que d’admettre qu’on n’est pas la personne qui pourra prodiguer ce genre de soin.

Pourquoi la culpabilité est-elle souvent si présente?

Cette sensation qu’on devrait faire plus ou mieux pour nos parents. On a tendance à se fixer des normes déraisonnables, comme être capable de tout faire sans aide, avoir une solution pour régler chaque problème, prendre toujours la bonne décision, ne jamais contrarier ou frustrer la personne qu’on aide, etc. Rien de tout ça n’est réaliste. Il faut pouvoir s’évaluer globalement, prendre conscience de tout ce qu’on fait pour l’autre, accepter qu’on ne peut pas tout faire et, surtout, qu’on ne peut pas le faire parfaitement.

Photos : Stocksy

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  1. Josée Brunelle dit :

    Merci de nous aider à prendre conscience de cette réalité 🙂 🙂

  2. Ed Gleeson dit :

    Hi. Is this article available on English?
    Thanks

  3. Elizabeth dit :

    Intéressant

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