Gluten: Devrait-on lui faire la guerre?

Gluten: Devrait-on lui faire la guerre?
13 Jan 2016 par Linda Priestley
Catégories : Santé
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Depuis quelques années, le gluten suscite une levée de boucliers. Bon ou mauvais pour la santé? Pas facile de trancher. Explications pour ne pas perdre une miette de ce débat alimentaire.

Comme un raz-de-marée, les histoires sur le gluten ont pris d’assaut le Web et les réseaux sociaux en faisant circuler un nombre incalculable d’informations, vraies ou fausses, à son sujet. Même s’il a sa place sur notre table depuis des millénaires, le gluten est devenu, pour diverses raisons, le fruit défendu. Le mouvement «sans gluten», quant à lui, n’a pas fini de gagner du terrain. On ne l’adopte plus seulement pour notre santé digestive, on se tourne vers lui pour retrouver la vitalité, comme le champion de tennis Novak Djokovic, ou pour perdre du poids, comme Miley Cyrus.

Ce mouvement est aussi un commerce florissant où les produits se vendent comme des petits pains chauds… sans gluten: on estime que le marché mondial de cette niche devrait se chiffrer à 6, 2 milliards de dollars US d’ici 20181. Au Canada, les produits portant la mention «sans gluten» ont gagné des parts de marché, passant de 4,5 % à 15,4 % du nombre total de nouveaux produits de 2007 à 20132. «Un nouveau produit alimentaire sur six qui apparaît sur le marché canadien porte l’allégation “sans gluten”», précise Suzanne Laurencelle, directrice générale de la Fondation québécoise de la maladie cœliaque. D’où la question qui brûle toutes les lèvres: le «sans gluten» est-il un simple régime tendance ou une façon révolutionnaire de s’alimenter?

1. MARKETSANDMARKETS 2013, 2. AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE CANADA.

Les baguettes en l’air

Précisons d’abord la nature de ce fameux ingrédient qui fait tant jaser. Pour tout dire, ce sont les gliadines et les gluténines, deux types de protéines qui, au moment de l’hydratation et du pétrissage des grains de céréales moulus (avoine, blé, épeautre, kamut, orge, seigle et triticale), se frottent et donnent naissance au gluten. Celui-ci, devenu une substance gommante pendant la cuisson du pain, confère à la mie sa souplesse et fait lever la pâte. À part les protéines, le gluten contient une petite quantité d’amidon, de sucres et de lipides. Jusqu’à présent, rien de diabolique. Par ailleurs, Nicole LeBlanc, nutritionniste experte en gastroentérologie, mentionne que le blé, dont le gluten est un constituant, entre dans la composition de la plupart des produits préparés avec de la farine enrichie, tels le pain, les pâtes alimentaires, les gâteaux, les biscuits et autres: «Ce qui signifie qu’ils sont une source de fibres, de minéraux et de vitamines, dont l’acide folique, la thiamine et des vitamines du complexe B. Les gens qui ont adopté un régime sans gluten doivent donc trouver des substituts à ces vitamines. De plus, les céréales sans gluten renferment moins de fibres que les céréales contenant du son de blé, par exemple.»

Luttes intestines

Il n’en demeure pas moins que le gluten n’est pas l’ami de tous. Pour les personnes qui souffrent de la maladie cœliaque, il est au contraire un traître qui déclenche l’apparition d’une multitude de symptômes: divers troubles intestinaux, perte de poids inexpliquée, anémie, fatigue chronique, douleurs osseuses ou musculaires. À l’intérieur du corps, d’infimes particules de gluten, agissant comme des chalumeaux microscopiques, s’attaquent aux parois de l’intestin grêle et provoquent une forte réaction inflammatoire dans celui-ci. Avec le temps, cette destruction nuit à l’assimilation des nutriments, comme les protéines, les gras, les glucides, les vitamines et les minéraux. Non traitée, la maladie peut entraîner une carence nutritive (manque de fer, d’acide folique, de calcium ou de vitamine B12). «D’autres complications secondaires peuvent survenir, comme l’ostéoporose et des troubles de fertilité», ajoute Suzanne Laurencelle. Pour soigner la maladie cœliaque, il est impératif d’adopter un régime qui ne comprend aucun aliment renfermant du gluten: produits de boulangerie et de pâtisserie, céréales à déjeuner, pâtes alimentaires, craquelins, pizzas, bières, sauces et plats précuisinés. «Les aliments transformés en contiennent beaucoup, souligne Mme Lauren-celle. Il faut aussi se méfier de ceux qui pourraient avoir été contaminés par croisement.»

La famille des maladies induites par le gluten comprend également la dermatite herpétiforme, soit la forme cutanée de la maladie cœliaque, et l’ataxie au gluten, connue depuis peu et qui entraînerait la destruction des cellules du cervelet. Une troisième maladie, la sensibilité au gluten non cœliaque, a été reconnue en 2011 par la communauté scientifique. Un soulage-ment pour les 6 % de la population canadienne qui n’ont pas reçu de diagnostic de la maladie cœliaque, mais qui éprouvent tout de même des malaises gastro-intestinaux et extra-intestinaux. «Cette sensibilité est toujours à l’étude, mais on sait qu’elle présente les mêmes symptômes que la maladie cœliaque, rapporte Suzanne Lauren-celle. La principale différence est qu’il n’en résulte pas d’inflammation ou de destruction cellulaire intestinale. Des experts affirment toutefois que cette condition pourrait peut-être mener à la maladie cœliaque.»

Pourquoi évite-t-on le gluten

Sur près de 10 millions de Canadiens, soit environ le tiers de la population, qui recherchent des produits sans gluten:

250 000 (1 %) le font en raison d’un diagnostic de la maladie cœliaque;

2,1 millions (6 %) parce qu’ils ont une sensibilité au gluten non associée à la maladie cœliaque;

7 millions (22 %) parce qu’ils les perçoivent comme un choix santé ou qu’un membre de leur famille a des recommandations médicales.

SOURCE: ASSOCIATION CANADIENNE DE LA MALADIE CŒLIAQUE, 2013.

Le nerf de la guerre du gluten

Alors, un peu, beaucoup ou pas du tout de gluten? Dans la communauté scientifique, le verdict est loin d’être prononcé. Mais, chose certaine, avant de faire le tri de son garde-manger, mieux vaut consulter son médecin, rappelle Suzanne Laurencelle: «Si on éprouve des troubles intestinaux, un test sérologique suivi d’une visite chez le gastroentérologue permettent d’en savoir un peu plus sur notre condition.»

En l’absence de diagnostic ou en cas d’incertitude, notre arme la plus sûre demeure la prévention. En étant attentive aux besoins de notre corps, en diversifiant notre alimentation, en évitant la surabondance et en se fiant à des sources d’information dignes de confiance («Dr Google» n’a pas toujours raison!), on est sur la bonne piste. Sachant que notre intestin est unique, et qu’il ne peut donc être soumis à une quelconque panacée, cela nous encourage à solliciter une aide sur mesure (la médecine personnalisée n’est-elle pas la voie de l’avenir?), visant à nous traiter adéquatement. C’est notre meilleur gage de santé.

Photo: Getty Images

La version intégrale de cet article a été publiée dans le premier numéro du Magazine VÉRO, à la page 96, avec le titre « Gluten: Devrait-on lui faire la guerre? ».

 

 



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