On peut dire sans se tromper qu’on sera quasiment tous, un jour ou l’autre (ou plutôt une nuit ou l’autre!), touchés par un trouble du sommeil. Un nouvel emploi, un conflit au travail, des brûlements d’estomac: autant de raisons susceptibles de perturber notre repos nocturne. Et s’il est frustrant d’être dans son lit à regarder le plafond pendant que le reste de la maisonnée et le voisinage dorment à poings fermés, il est encore plus désagréable de ne pas pouvoir fermer l’œil parce qu’on souffre d’un problème digestif.
Brûlements nocturnes
Parlez-en aux gens qui sont aux prises avec des brûlures d’estomac ou des reflux gastriques. Ils sont nombreux, comme on l’apprend sur le site de la Fondation canadienne de la santé digestive (cdhf.ca/fr), qui signale qu’environ cinq millions de Canadiens en souffrent au moins une fois par semaine. Et chez les individus dont les symptômes de brûlement sont les plus fréquents, ceux-ci se manifestent en général plus intensément durant la nuit. Par conséquent, la qualité de leur sommeil – voire leur qualité de vie, dans certains cas – en pâtit.
C’est du moins ce que révèlent deux enquêtes menées au début des années 2000, l’une publiée dans International Archives of Medicine1, l’autre réalisée pour l’Association américaine de gastroentérologie2. Ces études ont démontré qu’entre 74 % et 79 % des gens importunés par des brûlements d’estomac avaient des symptômes nocturnes. Une majorité d’entre eux (75 %) disaient éprouver des difficultés à dormir, alors que 40 % estimaient que le manque de sommeil affectait leur capacité de fonctionnement le jour suivant.
Cela dit, dormir avec l’impression qu’on digère mal et que ça brûle au niveau du sternum ou dans la gorge nous entraîne dans un cercle vicieux. Le manque de sommeil dû aux brûlements risque d’exacerber les problèmes digestifs, lesquels auront pour effet d’écourter les nuits du dormeur… et ainsi de suite.
Meilleure sera la nuit
Pour limiter l’inconfort lié aux brûlements et aux reflux acides qui surviennent durant la nuit, la Fondation canadienne de la santé digestive de même que le Collège des médecins de famille du Canada recommandent d’attendre au moins trois heures après le dernier repas avant de se coucher. Quand on sait que le mécanisme de digestion requiert au moins deux bonnes heures, on comprend mieux la pertinence de cette mise en garde.
Autre conseil utile: éviter les repas lourds et copieux avant de dormir. Se coucher bien repu alors que le système digestif s’ap- prête à passer en mode veille (ralentissant la digestion pendant la nuit), c’est en quelque sorte jouer avec le feu! De même, on a intérêt à privilégier une alimentation variée. De saines habitudes alimentaires contribuent aussi à une bonne hygiène de sommeil.
Pour remédier aux symptômes nocturnes, on suggère enfin de dormir en relevant la tête avec des oreillers, ce qui empêche l’acidité de remonter dans l’œsophage. De même, dormir sur le côté gauche (où se trouvent l’estomac et le pancréas) plutôt que sur le côté droit favoriserait le processus de digestion.
Dormir là-dessus
La science a mis du temps avant de s’intéresser au sommeil, une omission paradoxale compte tenu que toutes les espèces animales dorment et que l’origine du sommeil remonterait aux premières formes de vie apparues sur terre.
Dans Pourquoi nous dormons – Le pouvoir du sommeil et des rêves (Éditions La Découverte), l’auteur Matthew Walker, professeur de neuroscience et de psychologie à l’Université de Californie, explique que «le sommeil nourrit une foule de fonctions cérébrales, parmi lesquelles nos capacités à apprendre, mémoriser, prendre des décisions et faire des choix logiques.» Il permet également de «réapprovisionner l’arsenal de notre système immunitaire, nous aidant à lutter contre les tumeurs, les infections, les maladies.»
De fait, «chaque grand système (cardiaque, immunitaire, digestif, reproducteur, etc.), tissu ou organe de notre corps souffre d’un sommeil écourté». L’impact plus que dévastateur d’un manque chronique de sommeil sur notre santé devrait donc nous inciter à consulter. Il en va de même pour les brûlements persistants que les antiacides et autres traitements ne réussissent pas à calmer.
- The Impact of Nocturnal Symptoms Associated With Gastroesophageal Reflux Disease on Health-Related Quality of Life, Christina Farup, MD; Leah Kleinman, DRPH; Sheldon Sloan, MD; et al. International Archives of Medicine, 2001.
- 2. Nighttime heartburn is an under-appreciated clinical problem that impacts sleep and daytime function, R. Shaker et al. Association américaine de gastroentérologie, 2003.
Photo : GETTY IMAGES