D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été complexée par mes seins. À 11 ans, je portais déjà un vrai soutien-gorge, à une époque où la puberté se pointait beaucoup plus tard qu’aujourd’hui. J’ai entendu TOUS les quolibets auxquels on peut s’attendre dans ce genre de situation, et j’en suis encore mortifiée à ce jour.
À 14 ans, je portais déjà du DD. Mes seins me précédaient partout où j’allais. Le fameux test du crayon? L’étui au complet aurait pu tenir sous mes seins. Je détestais les cours d’éducation physique. Bon, soyons honnête, je n’ai jamais été très sportive de nature, mais quand tu risques de t’assommer avec tes propres seins en te mettant à jogger, tu choisis vite la lecture comme loisir.
Je m’habillais en taille extralarge pour dissimuler mes courbes. «Mais des vêtements pour cacher des seins, ça n’existe pas! martèle Marie-Noëlle, qui a subi une réduction mammaire il y a une vingtaine d’années. Souvent, quand on a une forte poitrine, on porte des vêtements informes. On ne veut pas attirer l’attention sur nos “attributs”, alors on a l’air de la fille timide, effacée. Mais cette fille-là, ce n’est pas moi! Je suis de nature enjouée, j’aime être avec les gens. Et là, je me repliais de plus en plus sur moi-même.»
Du monde au balcon
J’entends déjà des lectrices se dire: «Mais de quoi se plaignent-elles? J’aimerais bien avoir une plus grosse poitrine, moi!» Or on parle de seins tellement lourds qu’ils provoquent des douleurs au dos et à la nuque, rendent l’activité physique difficile, creusent des marques profondes au niveau des épaules à cause des bretelles de soutien-gorge. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de réductions mammaires sont couvertes par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
«Je refusais de me faire opérer pour des raisons “esthétiques”, dit Marie-Noëlle. Mais il a bien fallu que je me rende à l’évidence que mes maux de dos étaient causés par ma poitrine. J’avais l’air d’une petite vieille, le corps toujours voûté.»
Dans mon cas, le véritable déclic a eu lieu le jour où j’ai acheté un soutien-gorge de taille 36… I. Yep! Vous avez bien lu: 36 I, soit la lettre qui suit le H dans l’ordre alphabétique. Moi qui avais toujours rêvé d’une poitrine (ou plutôt d’une absence de poitrine) à la Jane Birkin, j’étais loin du compte! J’aurais aisément pu faire tenir deux cantaloups dans mon nouveau soutien-gorge. Un seul bonnet couvrait au complet la tête de mon chum. (Oui, on a des photos pour le prouver!) J’ai décidé que ça suffisait et j’ai entrepris des démarches pour subir l’opération.
Choisir son chirurgien
La première étape, c’est bien sûr de trouver un chirurgien qui pratique ce type d’intervention. C’est lui qui sera en mesure de répondre à vos questions et de vous dire si votre opération sera couverte par la RAMQ. Pour qu’elle le soit, un minimum de 250 g par sein doit être enlevé. On s’entend pour dire que je me qualifiais. Le médecin m’a retiré 1551 g en tout, soit 3,4 lb!
Commencez par en parler autour de vous. «Ma clientèle se construit souvent par le bouche-à-oreille», confirme le Dr Daniel S. Guberman, chirurgien plasticien à Westmount. Il faut dire que c’est une opération plus courante qu’on le pense. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, 12 433 réductions mammaires ont été effectuées en 2018, comparativement à 4322 augmentations. #teampetitsseins
Le premier rendez-vous
Selon le chirurgien que vous choisissez et la région où vous habitez, il peut s’écouler de quelques semaines à plus d’un an pour avoir un rendez-vous… et autant de temps avant de subir l’intervention.
Alors, préparez-vous bien pour cette première rencontre, histoire de ne pas figer, comme je l’ai fait. Le doc parlait vite, je ne me sentais pas à l’aise, bref, ça n’a pas été un bon fit, en partie par ma faute. Notez par écrit toutes les questions que vous souhaitez poser lors de la consultation. C’est ce que j’ai fait quand je suis allée rencontrer un deuxième chirurgien, qui m’a dit, compatissant: «Mais ma chère dame, pourquoi avez-vous attendu aussi longtemps?» J’ai failli me mettre à pleurer tellement j’étais soulagée d’être enfin comprise.
Non, il ne m’a pas dit quelle serait la grosseur de mes seins après l’opération. Je sais, c’est frustrant. Mais la taille exacte ne peut être déterminée avant la chirurgie. Surtout quand on sait que 80 % des femmes choisissent mal la taille de leurs soutiens-gorge et que la grosseur des bonnets varie d’une compagnie à une autre. Le chirurgien fait toutefois son possible pour se rapprocher des attentes de ses patientes.
Il m’a ensuite expliqué comment se déroulerait l’intervention. Puis, il a pris des photos de ma poitrine à des fins de comparaison postopératoire. (Non, ce ne fut pas le moment le plus glorieux de mon existence…) Il m’a ensuite demandé de passer une mammographie, histoire de s’assurer que tout était correct. Chaque chirurgien donne ensuite ses propres consignes à suivre avant l’opération.
Le jour J
Je suis arrivée à l’hôpital fébrile, en compagnie de mon chum. Moi qui parlais de cette opération depuis mes 14 ans, j’y étais enfin.
Mon chirurgien est venu me voir avant l’intervention. Il m’a rassurée et a fait des dessins sur ma poitrine. Ces lignes servent de repères pour anticiper la forme des seins après la chirurgie. J’avais l’impression d’être une toile de Picasso!
L’opération, qui se pratique sous anesthésie générale, dure en moyenne deux heures et demie. Comme c’est une chirurgie ambulatoire, on ressort de l’hôpital la journée même. N’oubliez pas d’apporter un vêtement ample qui s’enfile sans avoir à lever les bras, et un oreiller, à placer devant vous dans l’auto pour éviter que la ceinture de sécurité vous fasse mal. Ces précautions ne m’ont toutefois pas empêchée de prononcer quelques gros mots contre les #*$%?&* de nids-de-poule. Aïe!
Le retour à la maison
J’avais un gros pansement qui recouvrait ma poitrine au complet. Impossible, donc, de voir mes seins, mais malgré tout, on remarquait déjà un changement de silhouette.
Le plus difficile pour moi, comme pour beaucoup de filles ayant subi cette intervention, a été de dormir sur le dos. Parce que la position sur le côté ou sur le ventre, on oublie ça pour quelques semaines! Si vous avez un fauteuil de type lazy-boy, il vous sera fort utile les premières nuits. Sinon, prévoyez des oreillers supplémentaires à installer sous votre dos et vos bras pour dormir en position semi-assise.
Les consignes sont simples: se reposer, ne pas mouiller le pansement, ne pas lever les bras et ne pas soulever de charge. Pensez à vous laver les cheveux la veille de l’opération, parce qu’après, ça va s’avérer compliqué. Vive le shampoing sec!
Et la douleur? Très supportable, en général. J’ai pris des antidouleurs quelques jours, puis des analgésiques. L’anesthésie m’a cependant sonnée et il m’a fallu deux semaines avant de retrouver toutes mes facultés. Ne paniquez pas si ça vous arrive. Non, vous ne souffrez pas d’alzheimer précoce. Ça se replace.
Le suivi postopératoire
Après trois jours, mon premier rendez-vous postopératoire a eu lieu. C’est à ce moment-là que le chirurgien enlève le gros bandage, puis, une semaine plus tard, ce sera au tour des bandelettes adhésives qui recouvrent les cicatrices de passer à la trappe.
Ne faites pas le saut en vous regardant! Il peut y avoir des ecchymoses ou encore un peu de sang qui a coulé. J’ai aussi trouvé que mes seins étaient haut perchés et en forme d’obus. Je ressemblais à Madonna dans son body-corset à bonnets pointus! C’est normal. Comme le dit le Dr Guberman, la réduction mammaire est une chirurgie invasive: il s’agit d’une destruction et d’une reconstruction des seins. Ceux-ci peuvent prendre jusqu’à un an avant d’atteindre leur forme définitive et de retrouver un galbe plus naturel.
Les risques et inconvénients
Comme dans toute chirurgie, les risques de complications – notamment la nécrose, les hématomes, les infections, les écoulements et la mauvaise cicatrisation – sont présents. «Beaucoup de filles ont peur des cicatrices, souligne Marie-Noëlle. Les miennes sont toujours apparentes, même 20 ans plus tard. Mais si tu me demandes de choisir entre mes cicatrices et ma poitrine d’avant, je préfère mille fois mes cicatrices. Je suis tellement mieux dans mon corps! La première fois que j’ai pu m’acheter un top à bretelles spaghetti, je capotais dans la cabine d’essayage!»
Je fais moi aussi partie des 5 % à 10 % des gens dont la peau cicatrise mal, mais on peut atténuer les marques. «Selon les cicatrices, il est possible d’opter pour des injections de cortisone, des pansements en silicone ou des traitements au laser», précise le Dr Guberman. Autres risques liés à l’intervention: une perte de sensibilité des mamelons et une légère asymétrie des seins.
Et puis, si comme moi vous êtes un peu en surpoids, vous découvrirez après l’opération que vous avez une bedaine. La mienne était auparavant cachée par mon imposante poitrine! «Si on prend du poids ou si on en perd après l’opération, ça peut affecter la taille des seins. C’est pourquoi je demande à mes patientes de perdre du poids avant, pour qu’elles soient satisfaites du résultat», explique le Dr Guberman. Avoir su, c’est ce que j’aurais fait.
La vie après une réduction mammaire
C’est ce sage conseil qu’a suivi Sylvie, avant de subir sa réduction mammaire à 54 ans. «Mon chirurgien m’a redonné la vie, affirme-t-elle. En fait, tout ce processus m’a incitée à me prendre en main. J’ai recommencé à faire de l’exercice, j’ai une plus grande estime de moi, je peux m’habiller plus facilement. Je me suis même mise à flirter, moi qui n’aurais jamais fait ça avant, de peur de me retrouver nue devant quelqu’un. Maintenant, je me regarde dans le miroir et je me dis: “Maudit que j’ai des beaux seins!”» raconte-t-elle en riant.
«Je dirais que 98 % des patientes sont satisfaites des résultats», relate le Dr Guberman.
Et moi? Je crois que j’attendais trop de cette chirurgie. J’aurais voulu qu’elle me redonne mes 30 ans et mes 98 livres. (Je sais, c’est beaucoup demander…) J’ai cependant retrouvé les bonnets DD de mes 14 ans. Et j’aurais aimé que ma peau cicatrise bien, car c’est principalement la peur des cicatrices qui m’a fait sans cesse repousser cette opération.
Cela dit, est-ce que je regrette ma décision? Non. Pas du tout! Je regrette seulement d’avoir attendu aussi longtemps. Si j’ai décidé d’écrire cet article, c’est justement parce que je voulais que les femmes sachent que cette opération existe et qu’elles ne sont pas obligées, comme moi, de souffrir jusqu’à l’âge de 50 ans. Remarquez, il n’est jamais trop tard: le Dr Guberman a déjà pratiqué une réduction mammaire sur une femme de 75 ans!
L’ancre de bateau ou le T inversé
La méthode la plus pratiquée pour une réduction mammaire nécessite trois incisions: une autour de l’aréole; une autre, verticale, de l’aréole jusqu’au pli en dessous du sein; et une dernière, qui suit la courbe naturelle de ce pli. Le chirurgien enlève alors une partie de la graisse et du tissu glandulaire, puis l’excédent de peau. Il ne reste ensuite qu’à replacer le mamelon à sa nouvelle position et à recoudre les incisions. Les seins retrouvent ainsi une courbe harmonieuse et une taille acceptable.
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