Le naturisme : Au-delà de la nudité

Le naturisme : Au-delà de la nudité
19 Juil 2023 par Véronique Harvey
Catégories : MSN / Véro-Article / Voyage
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Beaucoup plus qu’un trip de nudistes, le naturisme ? Et comment ! On déstigmatise le phénomène.

Qui n’aime pas être nu ? Il suffit de penser au soulagement qu’on ressent lorsqu’on enlève notre soutien-gorge à la fin d’une longue journée ou de la sensation de l’eau chaude qui coule sur notre corps sous la douche pour éprouver un sentiment de liberté. Alors, pourquoi notre corps nu n’est-il pas socialement accepté ?

À travers toute cette stigmatisation entourant la nudité des corps, on trouve une petite oasis : le naturisme. Or, nudisme et naturisme sont encore trop souvent confondus. Alors que le premier terme signifie se dénuder, souvent de façon furtive et loin des regards, le second réfère à une manière de vivre en harmonie avec la nature, caractérisée par la pratique de la nudité en commun.

« On vit nu de façon rustique, sans se soucier du paraître ni d’avoir de beaux vêtements pour impressionner les gens, explique d’entrée de jeu Michel Vaïs, fondateur de la Fédération québécoise de naturisme. Il y a des jeunes, des vieux, des personnes en situation de handicap, des femmes qui ont eu une mastectomie

On se présente tel qu’on est, avec nos cicatrices et nos marques de vieillesse. On connecte avec la nature dans une ambiance détendue et c’est là que le naturisme prend tout son sens. »

Au Québec, il existe six centres naturistes, dont la majorité ont ouvert leurs portes dans les années 1970 et 1980, alors que ce mode de vie était à son apogée. Les décennies qui ont suivi ont enregistré une forte baisse du nombre de participants. Mais voilà que la pandémie semble avoir eu un effet positif sur le taux d’achalandage de ces centres.

« La fréquentation des centres naturistes a augmenté d’environ 10 % au Québec depuis la pandémie, note M. Vaïs. Pourquoi ? Parce que les gens se sentaient cloîtrés par le confinement, ils s’ennuyaient du contact avec la nature. Le naturisme était donc perçu comme une bouffée d’air frais, vu que le contact avec la nature y est intégral. On entend le chant des oiseaux, il n’y a pas de voitures qui circulent, pas de haut-parleurs qui diffusent de la musique à tue-tête… Et le fait de vivre ça dans la nudité, ça apporte une qualité de connexion à la nature qui est irremplaçable. »

Une vie normale… sans vêtements !

C’est lors d’une activité de groupe organisée au bord d’une rivière que Marie-Neige Saucier a tenté l’expérience du naturisme pour la toute première fois, en 2015. Sa plus grande crainte ? Se retrouver avec « du monde bizarre », des voyeurs qui ne seraient pas là pour les mêmes raisons qu’elle. Au contraire… « Les gens étaient tellement à l’aise ! Ils parlaient de la pluie et du beau temps, normalement, comme si de rien n’était. C’est exactement ça que je cherchais : une vie normale, mais sans vêtements… et sans que ce soit sexuel non plus », explique la femme de 43 ans, qui présente un léger trouble du spectre de l’autisme.

« Le naturisme répond à plusieurs besoins que j’ai en tant qu’autiste et c’est pourquoi cette expérience me fait autant de bien, ajoute-t-elle. Comme je suis hypersensible, j’ai plus de difficulté avec les vêtements, les textures, les sons, les conversations. Dans un milieu naturiste, je suis plus tranquille. Je sens que les gens sont plus respectueux envers moi, aussi. Personne n’essaie de me retenir dans une conversation ou de me forcer à pratiquer une quelconque activité. Je peux donc passer des journées entières sans me faire déranger, tout en étant en contact direct avec la nature », raconte celle qui se rend tous les étés au Centre naturiste Oasis, à Terrebonne.

Accepter son corps tel qu’il est

De façon générale, les naturistes sont beaucoup plus ouverts et respectueux qu’on pourrait le supposer. C’est du moins ce qu’a constaté Sylvie Gingras, 73 ans, grande adepte de cette pratique depuis les années 1980. « J’ai eu un cancer du sein et j’ai été opérée, donc c’est notable, mais jamais personne ne me passe de commentaires là-dessus. Je trouve les gens très délicats », dit celle qui reconnaît du même coup le caractère thérapeutique du naturisme. « Évidemment, ton corps change en vieillissant, mais en présence de gens nus, tu te rends compte que tu n’es pas la seule à changer. Ça aide à s’accepter. Même chez les plus jeunes, le naturisme aide à accepter son corps tel qu’il est : plus gros, plus maigre ou avec une particularité, parce que tu en vois de toutes les sortes, alors tu finis par mieux accepter le tien. »

Même son de cloche du côté de Marie-Neige, qui avoue jeter un coup d’oeil d’ensemble sur les nouvelles personnes qu’elle rencontre, mais sans ressentir l’envie ni le besoin de regarder les gens de la tête aux pieds. « Avant de voir tant de gens nus, dit-elle, je pensais qu’il y avait une moyenne, que la plupart des corps se ressemblaient et qu’il y avait des exceptions. Mais pas du tout ! Il n’y a pas deux personnes qui se ressemblent. Tout le monde a une morphologie différente et c’est ça qui est beau ! »

« Le corps entier est un visage, comme disent les Autochtones.  On n’observe pas les gens, on ne les surveille pas, on accepte leur être tout entier », renchérit Michel Vaïs, qui a d’ailleurs écrit un livre traitant de tous les bienfaits du naturisme : Nu, simplement – Nudité, nudisme et naturisme, paru en 2012.

Tout sauf sexuel

Un des préjugés qui persiste chez les « textiles », comme on surnomme les gens vêtus dans le milieu du naturisme, concerne le caractère soi-disant voyeur d’une telle pratique. Pourtant, il n’y a rien de sexuel ni de pervers dans cette expérience. Les maillots de bain, de plus en plus petits et révélateurs, sont d’ailleurs parfois jugés beaucoup plus excitants – dans le sens d’encourager la perversité du regard, l’indiscrétion, puisqu’ils stimulent l’imagination – aux yeux des naturistes. Mais quand tout le monde est nu, cette obsession du corps disparaît. C’est ainsi que les gens qui se présentent dans un centre naturiste en quête d’une expérience aguichante sont vite repérés, puis expulsés. Et ce, même s’ils ne prennent pas eux-mêmes conscience qu’ils se sont trompés d’adresse…

Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir au sujet des enfants, ce qui semble être une autre crainte fort répandue chez les noninitiés. À ce propos, Michel Vaïs précise qu’« il est prouvé que les enfants élevés en milieu naturiste sont beaucoup plus apaisés sexuellement. Les fillettes assument davantage leur corps et sont plus sures d’elles-mêmes une fois adultes ; les garçons, eux, vont développer moins de comportements voyeuristes ou d’obsession du corps en grandissant. »

Marie-Neige Saucier a initié ses deux enfants au naturisme alors qu’ils étaient tout jeunes. Lorsque leur corps s’est mis à changer, à la puberté, ils ont commencé à éprouver une certaine gêne et ont cessé d’accompagner leur mère. C’est le cas de la majorité des adolescents, qui désertent les centres durant quelques années, mais qui finissent quasiment tous par revenir lorsqu’ils deviennent parents à leur tour. « L’important, pour moi, c’est qu’ils savent maintenant ce qu’est le naturisme, précise Marie-Neige. Ils savent que ça n’a rien à voir avec la sexualité. C’est difficile à définir précisément, mais j’ai l’impression que le naturisme a influencé leur perception du corps, autant le leur que celui des autres. Ils semblent avoir moins de préjugés. »

En fin de compte, le naturisme a pour effet de favoriser le respect de soi-même, d’autrui et de l’environnement. Ce n’est certes pas pour tout le monde, mais la question se pose peut-être pour plusieurs : qu’est-ce qu’on attend pour se dévoiler et tenter l’expérience ?

CENTRES NATURISTES AU QUÉBEC



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