Au cours de la dernière décennie, on a assisté à une forte progression du nombre de voyageuses qui décident de faire des voyages en solo. À ce propos, Lonely Planet a publié The Solo Travel Handbook, tandis qu’Expedia signalait une hausse des réservations en occupation simple. Et selon Pinterest, en 2018, une augmentation exponentielle des «épingles» (de 593 % par rapport à 2017) auraient été enregistrées sous le thème du voyage en solitaire. Visiblement, les globe-trotteuses n’attendent plus de tr
ouver la ou le partenaire idéal pour partir à l’aventure!
À preuve, 76 % des répondants à un sondage de l’Association des agents de voyages britanniques (ABTA) ont indiqué que la possibilité de faire tout ce qu’on veut – bref, la liberté d’action sans compromis – durant un périple constitue la principale raison de vouloir s’évader sans être accompagnés. On a donc demandé à des voyageuses qui ont tenté l’expérience de nous raconter ce qu’elles ont appris sur elles-mêmes au cours de leurs pérégrinations autour du monde.

Marie-Josée Ratelle
En compagnie du «meilleur ami de la femme»
Marie-Josée Ratelle, enseignante au primaire, a enfin décidé de voyager seule à l’âge de 30 ans et de ne plus attendre après les autres… sauf sa chienne Chewie. Elle privilégie les road trips de longue durée, en été, un peu partout en Amérique du Nord. Découvrir des trésors cachés, sillonner des routes à perte de vue offrant des paysages époustouflants la fait vibrer. Et vu sa crainte de prendre l’avion, elle se sent plus rassurée en se déplaçant dans sa propre voiture. «La première fois, quand je suis arrivée à San Francisco, au bout de 16 000 km, je me suis trouvée ben hot. Non seulement je l’avais fait et surmonté tous les obstacles, mais en plus, j’avais aimé ça! Au point d’oublier ce qui m’avait fait si peur avant de partir… alors je l’ai refait!» Il faut dire que Marie-Josée se sent davantage en sécurité et réconfortée aux côtés de sa chienne, qui lui tient toujours compagnie durant les nuits passées dans l’auto. Et si la présence de Chewie l’empêche de sortir dans les restaurants chics et les bars, elle fait néanmoins en sorte que les gens l’abordent plus facilement!

Jessica Gallant
La première fois
Jessica Gallant, cofondatrice d’une agence de voyages à Curaçao, a voyagé en solo pour la première fois l’année dernière, en Équateur. Sa plus grande crainte, qui s’est avérée non fondée, était de ne pas vivre une expérience aussi mémorable qu’à l’habitude, son conjoint n’étant pas à ses côtés pour communiquer en espagnol et créer plus facilement des liens avec les gens du pays. À sa grande surprise, elle a ressenti un bien fou à profiter d’un bon souper au restaurant ou d’une promenade en ville sans être accompagnée. Outre la confiance qu’elle a acquise en s’exprimant dans une autre langue, ce premier voyage seule lui a permis de recharger ses batteries. Jessica se sent choyée d’avoir pu se donner la chance de vivre cette aventure incomparable loin de ses repères, au sein d’une culture qu’elle ne connaissait pas. «Je me suis plu à absorber tous les sons et toutes les odeurs autour de moi et à apprécier les nouvelles rencontres d’une tout autre manière, sans influence, raconte-t-elle. Il s’agit d’ailleurs de l’occasion parfaite pour apprendre à s’écouter. J’ai pu vivre des expériences exceptionnelles au gré de mes envies et me retirer au moment qui me convenait.»

Marilyn Sylvestre
Pour vaincre sa timidité
Marilyn Sylvestre, assistante en recherche, a découvert que les voyages en solo lui permettaient d’aller vers l’autre, de socialiser… et même de faire disparaître sa timidité. Elle a constaté qu’elle n’avait pas besoin d’un partenaire pour partir à l’aventure. Ce qu’elle retient de ces périples? Une foule de rencontres avec des gens incroyables, avec lesquels elle garde le contact. Elle a manifestement l’impression qu’elle n’aurait pas abordé tous ces individus si elle avait voyagé accompagnée… et vice versa.
Nathalie Schneider, journaliste dans le domaine du plein air et du tourisme d’aventure, rappelle aux voyageuses que «solo ne veut pas dire solitaire: partir seule, c’est aller au-devant des autres, ceux qu’on n’est pas “programmée” pour rencontrer. C’est donc être disponible et accessible.»

Pérou (photo: Stocksy)
Solo… parentales
Pour le travail ou le plaisir, la nutritionniste Marianne Lefebvre (integrationnutrition.com) voyage souvent avec sa fille de quatre ans… et elle adore ça! C’est une aventure différente, mais tout aussi agréable. Ça lui donne notamment le temps d’observer sa petite. À ce propos, elle se souvient d’un séjour au Pérou, durant lequel sa fillette aux cheveux bouclés était un perpétuel centre d’attention! Lorsqu’on voyage, ajoute-t-elle, il faut constamment prendre des décisions, pas forcément cruciales, mais qui doivent néanmoins être prises en suivant notre intuition du moment: «À tout coup, j’ai donc le sentiment d’avoir fait un bon choix, ce qui me rend heureuse et me donne confiance en moi.»
Caroline Jacques, travailleuse sociale, blogueuse et bourlingueuse (mamanglobetrotteuse.com), a un jour décidé de partir souvent seule avec ses trois filles. Elle a la certitude que ces départs au loin et les petites crises à gérer à l’étranger l’ont aidée à développer ses compétences parentales. Aux voyageuses accompagnées de leurs petits, Caroline recommande de foncer, car les enfants font preuve d’une capacité d’adaptation extraordinaire.
À vélo
Anne-Marie Rossignol, styliste et consultante en marketing (nana-mi.com), part souvent à l’aventure seule sur son vélo. Pour elle, voyager en solo est synonyme de vraie liberté. «C’est un peu apeurant, mais excitant en même temps!» Un peu comme un livre dont vous êtes le héros: «Je suis consciente que chaque décision que je prends aura un impact sur la suite. On ne peut que se remercier pour cette belle expérience où on apprend à être proactive si les choses ne vont pas comme prévu.» Comme il faut gérer soi-même les imprévus, notre estime de soi ne peut qu’en être bonifiée. Selon Anne-Marie, un voyage réussi dépend de notre capacité à se laisser aller et à faire confiance aux gens positifs rencontrés. Elle a aussi compris qu’accepter de l’aide est souvent une bonne idée, et que ça n’enlève rien à son autonomie.
Être bien préparée… ou très spontanée
Adepte des périples en solo depuis belle lurette, Jennifer Doré Dallas, blogueuse dans le domaine du voyage (moimessouliers.org), part toujours bien préparée. Même si elle admet ne pas être une grande preneuse de risques, convaincue que ça lui évite bien des mésaventures, elle a néanmoins craint pour sa sécurité à l’occasion. «Souvent, la peur vient de l’inconnu, souligne-t- elle. Alors quand on se renseigne, on réalise que le monde n’est pas si effrayant.» Histoire de bien s’informer, Jennifer se documente avant le départ sur les quartiers à éviter, les arnaques locales, etc.
Marie-Pierre Leduc, cofondatrice du magazine Nomade (mariepierleduc. portfoliobox.net), voyage régulièrement seule depuis son premier périple de deux mois, qui s’est avéré une expérience très révélatrice. «Voyager, explorer et découvrir est déjà tellement libérateur, imaginez ce que ça peut être de le faire seule avec soi-même!» déclare-t-elle. Partir en solitaire lui a également appris à être plus spontanée et à suivre ses envies. Ça l’amène à changer ses plans, à prendre des décisions sans trop réfléchir et à vivre dans le moment présent plutôt que tout prévoir. Elle ne planifie donc jamais ses déplacements au-delà de la première nuit, justement pour retrouver ce sentiment de liberté qui l’habite à chacun de ses périples.
Indépendance d’esprit
De nature plutôt timide, Annabelle Fréchette (matantea.com), coordonnatrice dans une chambre de commerce, ne craint pourtant pas de voyager seule. Sa plus grande crainte est peut-être de ne pas se faire comprendre – à cause d’une barrière linguistique ou culturelle – quand elle cherche son chemin. Mais plus Annabelle parcourt le monde, plus elle prend de l’assurance et plus elle réalise que ce genre de situation lui permet aussi de tomber sur de petits bijoux de lieux inédits: «Pour moi, le voyage en solo est un magnifique antidépresseur naturel, qui me fait sentir bien vivante!»
Pour Natalie Sicard, journaliste et artiste peintre (natmonde.com), le voyage en solo est l’occasion idéale d’expérimenter, de ressentir, d’absorber et de humer à son rythme, sans avoir à exprimer quoi que ce soit à qui que ce soit. Il y a pour elle quelque chose de très jouissif à être seule au bout du monde, devant un univers inconnu à découvrir. C’est aussi, dit-elle, la meilleure école pour aiguiser son intuition: «Il faut souvent réagir sur le vif, sans avoir le temps de tergiverser.»
Ça donne le goût!
Notre collaboratrice Ariane Arpin-Delorme, qui signe cet article, a dirigé un ouvrage collectif intitulé Elles ont conquis le monde en solo – 10 récits de voyageuses aventurières, dans lequel les auteures racontent le voyage en solo le plus marquant de leur vie. À feuilleter pour s’inspirer. Les Éditions de l’Homme, 28 $.
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